COLLABORATION :Danielle Darrieux se sera défendue toute sa vie d’être montée dans le « train de la honte »

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« Ils disaient: ‘Quelle horreur! Danielle Darrieux est dans la collaboration.’ Mon Dieu! Ils ne savaient rien! Je n’étais qu’une femme amoureuse. »
D’Annabel Benhaiem Journaliste, responsable de la rubrique Ça Marche

Deux éléments sont revenus sans cesse hanter sa carrière. En mars 1942 d’abord, elle monte dans un train, surnommé rapidement « le train de la honte », à destination de Berlin pour faire la promotion du film « Premier rendez-vous ». Le second élément aura été d’avoir signé plusieurs films auprès de la Continental-Films, une société de production française financée par l’Allemagne nazie.

Aux fenêtres du train de la honte, parti de la Gare de l’Est en 1942, on trouve de gauche à droite les actrices Viviane Romance, Danielle Darrieux, Suzy Delair et Junie Astor parties faire la promotion à Berlin du film d’Henri Decoin, « Premier rendez-vous ».
L’ex-mari

L’ex-mari
Dans un portrait du Monde en 2009, elle déclare: « On m’a traitée de collabo, j’ai dû me justifier plus de cent fois devant le bureau d’épuration. » Le « bureau d’épuration » est mis en place au lendemain de la Libération, pour établir qui a commis des actes de collaboration avec l’ennemi et les punir en conséquence, lors de procès sommaires.
Mais, douze ans plus tôt, dans une interview à L’Express en 1997, elle explique pourtant n’avoir pas été vraiment inquiétée.
« J’ai été convoquée par un service d’épuration. Devinez qui ils avaient engagé? Henri Decoin [son ex-mari qui l’avait poussée à travailler pour la Continental]. Il a été tellement surpris de me voir qu’il a immédiatement réglé le problème en haut lieu. C’était soi-disant une formalité… Je suis donc repartie comme j’étais venue et on ne m’a plus jamais rien demandé. »
« Le Chagrin et la pitié »
Danielle Darrieux a commencé à réellement souffrir de cette étiquette en 1971. Cette année, est diffusé sur les écrans « Le chagrin et la pitié » de Marcel Ophüls. Le film vient casser l’image d’une France résistante et décrit les faits de collaboration des Français. Pour les illustrer, le fils de Max Ophüls choisit de diffuser, entre autres, des archives d’actualités montrant le fameux « train de la honte ».

Dans son livre « Danielle Darrieux, une femme moderne », Clara Laurent raconte:
« La voix du journaliste de l’époque commente ainsi les images prises à la gare, sur le quai:
‘Sous le signe de l’art, des vedettes de l’écran s’apprêtent à partir pour l’Allemagne. À la gare de l’Est, on reconnaît Albert Préjean, Danielle Darrieux, Suzy Delair, Junie Astor, Viviane Romance. Répondant à l’invitation du docteur Karl Frölich, président de la corporation des cinémas allemands, ces artistes seront pendant douze jours les hôtes de leurs camarades des studios de Vienne, Munich et Berlin.’
À peine trente secondes d’actualités dont la portée fut considérable pour la réputation de Danielle Darrieux. »
« Le Chagrin et la pitié » connaît un succès retentissant, qui dépasse les frontières hexagonales. « Ce voyage à Berlin (…) représente dès lors un symbole de l’ignoble collaboration du monde du spectacle français », commente Clara Laurent.
« L’autorité du Chagrin et de la pitié » reste tellement puissante, continue la biographe, que ce grief porté contre l’actrice perdure encore aujourd’hui malgré les explications données à plusieurs reprises par Danielle Darrieux sur les circonstances de son voyage de mars 1942. »
Le succès
Remontons en 1941, afin de retracer l’histoire de ce « train de la honte ». Cette année-là, l’actrice est séparée du réalisateur Henri Decoin qui l’a mise en lumière dans des comédies (« Le domino vert », « J’aime toutes les femmes »…) et des drames (« Abus de confiance » et « Retour à l’aube »). Elle a déjà de nombreux films à son actif et se voit arroger le surnom de « fiancée de Paris ». Son début de carrière commence sur les chapeaux de roue.
L’Occupation ne met pas un terme à ses activités, comme pour de très nombreux artistes, tels Charles Trenet, Edith Piaf ou Jean Marais. Poussée par Henri Decoin, elle se fait embaucher par la Continental-Films, une société de production française financée par l’Allemagne pendant l’Occupation. Elle jouera dans plusieurs films, dont « Premier rendez-vous », réalisé par son ex-mari Henri Decoin, et qui remportera un franc succès.
Le coup de foudre
À la même époque, elle rencontre Porfirio Rubirosa, ambassadeur de la Dominique en France. Le coup de foudre avec « Rubi » est immédiat. Elle déclare à L’Express, en 1997:
« J’étais follement amoureuse d’un diplomate étranger, un play-boy merveilleux qui s’appelait Porfirio Rubirosa. Demandez aux autres filles qui l’ont connu, elles vous répondront toutes qu’il était le charme incarné. C’était un homme courageux, adorable et qui possédait un grand cœur. »
Mais l’idylle est percutée en plein vol. Le gouvernement de Vichy ne supporte plus son comportement irascible et provocateur. Il n’hésite pas à clamer haut et fort détester les Allemands. Il est inculpé d’espionnage anti-allemand, arrêté et enfermé à Bad Nauhem au nord de Francfort. Danielle Darrieux raconte en 1997: « Alors que j’étais en plein tournage, ils l’ont emprisonné (…) dans un camp surveillé pour diplomates étrangers. J’étais folle amoureuse et on m’arrachait l’homme de ma vie, j’étais désespérée… »
Gamma-Keystone via Getty Images Danielle Darrieux au chevet de Rubirosa en 1942, après un accident de la route.
Le chantage
Quelques semaines plus tard, le directeur de la Continental, Alfred Greven lui demande de participer à un voyage de promotion du film « Premier rendez-vous » à Berlin. « Comme je refusais, explique-t-elle, il a commencé à me faire un chantage monstrueux, me conseillant de ne pas oublier que ma mère vivait à Paris et qu’il pouvait très bien lui arriver quelque chose. »
Contrainte et forcée, elle accepte, mais à la seule condition qu’elle puisse voir son fiancé. Le deal est posé. Elle obtient un laissez-passer pour rejoindre Rubirosa à Bad Nauhem.
« Je suis restée huit jours à ses côtés, se rappelle-t-elle, et, de retour à Paris, les rumeurs ont commencé. Les gens murmuraient dans mon dos. Ils disaient: ‘Quelle horreur! Danielle Darrieux est dans la collaboration.’ Mon Dieu! Ils ne savaient rien ! Je n’étais qu »une femme amoureuse. Quand il est revenu, nous sommes partis en zone libre, avant d »être installés à Mégève en résidence surveillée. Nous n’avions pas le droit de sortir. C’était une période douloureuse. Des hommes et des femmes disparaissaient et on ne savait pas encore qu’ils étaient déportés… Mais j’étais avec l’homme que j’aimais alors… J’aurais fait n’importe quoi pour le sauver. »
Le mariage
Après avoir obtenu sa libération, Danielle Darrieux se marie avec Rubirosa en octobre 1942 à… Vichy. À cette époque, la sous-préfecture de l’Allier accueille le gouvernement de Laval et Pétain. Mais Danielle Darrieux se défend: « Cela ne signifiait rien pour moi. Vichy était une mairie comme une autre ». Quelques mois plus tôt, le gouvernement avait organisé la rafle du Vel d’Hiv.
Gamma-Keystone via Getty Images En 1942, l’actrice se marie avec Porfirio Rubirosa, ambassadeur de la République dominicaine, à la mairie de Vichy.
Une fois installée à Mégève, Danielle Darrieux rompt son contrat avec la Continental et ne tournera aucun autre film pendant l’Occupation. Les pontes de la société toquent à sa porte avec insistance pour qu’elle reprenne les chemins des studios. Mais elle résiste à Alfred Greven, le directeur. En rétorsion, il interdit à la presse de publier le nom ou les photos de l’actrice.
Mais à la Libération, Danielle Darrieux reprend les tournages et elle fera plusieurs fois la couverture de la revue Cinémonde entre 1946 et 1947. L’actrice s’en sera mieux sortie qu’Arletty qui paya de sa carrière sa relation amoureuse avec un soldat allemand, alors même qu’elle n’avait jamais été embauchée par la Continental.

Source :
http://www.huffingtonpost.fr/2017/10/19/danielle-darrieux-se-sera-defendue-toute-sa-vie-detre-montee-dans-le-train-de-la-honte_a_23248565/

happywheels

8 Commentaires

  1. daniel. Danielle dit :

    Elle n était pas blanche comme neige !!! L amour n explique pas tout et n excuse pas tout …

  2. Lefranc dit :

    Quand on critiqua Arletty pour sa relation avec un soldat allemand, elle répondit de sa voix gouailleuse : fallait pas les laisser rentrer ! Criant de vérité desarmante (sic ) !

  3. Pierre Mahieu dit :

    Des stars du cinéma des années 40 tels Jean Gabin, Georges Marchal, Jean Pierre Aumont et quelques autres ont tout quitté pour s’engager dans la lutte contre la peste nazie. C’est la France qu’ils partaient défendre.
    Certains autres comme Henri Decoin (cité ici), Mitterrand et tant d’autres qui ont un temps servi Pétain ont su retourner leur veste quand ils ont senti le vent tourner. Chevalier, Fernandel, Guitry, qui ont travaillés sous l’occupation sont-ils pour autant des collabos … ? Par contre Arletty, à qui on donnait du « Madame » quelques années plus tard, couchait non pas avec un soldat, mais carrément avec un officier supérieur boche. Bref ces attaques contre Danièle Darrieux sont indécentes et revanchardes, la plupart de ces malveillances sont menées par des gens qui n’étaient même pas nés à l’époque, moi oui et je puis vous dire que sans le cinéma nos jours eussent été encore plus difficiles.
    Bien sûr que pour ceux qui étaient internés ou massacrés dans les camps du fait de leur origine ce fut horrible, mais le français commun de 1942 ignorait ces ignominies. Alors les opinions d’aujourd’hui de ceux qui critiquent qu’ils aillent au diable … !

  4. Pierre un Gaulois dit :

    Jean Marais s’est engagé en 44 dans le Deuxième D.B. de Leclerc.

  5. capucine dit :

    elle n’était pas mieux qu’ Arletty !!

  6. claire fredj dit :

    c est evident apres la guerre TOUT LE MONDE ETAIT » RESISTANT « tous ces hypocrites qui echappent a la justice des hommes n echapperont pas a l ajustice divine a bon entendeur ….

  7. Alice dit :

    « Le chagrin et la pitié » n’a pas été autorisé à sortir facilement , il en a fallu du temps

  8. samuel dit :

    On peut toujours la croire mais c’est tiré par les cheveux.

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