De l’affaire Dreyfus à l’affaire Sarah Halimi : Mensonge d’État et déni de réalité des responsables du judaïsme de France

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Par Pierre Lurçat

Beaucoup a déjà été dit sur l’affaire Sarah Halimi et pourtant, l’essentiel ne l’a sans doute pas encore été. Au-delà de l’injustice et de tout ce qu’elle renferme d’inquiétant pour l’avenir de la France, se pose la question, cruciale, de l’avenir des Juifs. L’appel lancé par Theodor Herzl, au lendemain de la dégradation du capitaine Dreyfus, demeure d’une actualité brûlante.

Contrairement à la promesse faite par le président Emmanuel Macron, le 16 juillet 2017, lors de la cérémonie commémorative du Vel d’Hiv, de “faire toute la clarté” sur l’affaire Halimi – tout semble être fait pour étouffer une réalité, bien plus sinistre encore qu’on ne pouvait l’imaginer alors. Comme l’a révélé le frère de la victime, M. William Attal, lors d’une manifestation organisée dimanche dernier à Paris, la police était non seulement présente en bas de l’immeuble, mais aussi, apparemment, derrière la porte même de l’appartement de Mme Halimi, sans intervenir, pendant les quarante minutes interminables qu’a duré l’assassinat de Sarah Halimi !

Dans ces circonstances, la décision de la cour d’appel de Paris de conclure à l’irresponsabilité pénale de l’assassin, semble destinée avant tout à empêcher que toute la lumière soit faite sur les circonstances précises de l’assassinat et sur les manquements de la police et de la justice, avant, pendant et après le crime. En d’autres termes, cela ressemble à un véritable mensonge d’État.

Quelle leçon pour les Juifs de France?
Mais l’essentiel n’est sans doute pas là. Car pour les Juifs de France, qui vivent tant bien que mal, d’un attentat antisémite à un autre, la leçon principale de cette nouvelle affaire reste encore à tirer. Cette leçon avait pourtant déjà été énoncée, il y a plus de cent vingt ans, par un journaliste juif au nom fameux, alors correspondant à Paris d’un grand quotidien autrichien : Theodor Herzl. Contrairement à une légende tenace, Herzl n’a pas “découvert” le sionisme en assistant à la dégradation du capitaine Dreyfus, place des Invalides. Car il avait déjà commencé à étudier la question juive bien avant le début de l’Affaire.
Ce que Herzl a découvert à cette occasion, c’est le caractère inéluctable de la solution sioniste. Alors que ses interlocuteurs – membres de l’establishment juif de l’époque – se berçaient encore d’illusions et pensaient que le sionisme était, dans le meilleur des cas, une solution pour les Juifs de Russie et d’Europe centrale, mais pas pour eux, et dans le pire des cas, une folie pure et simple, Herzl avait acquis de son côté la certitude que l’émancipation et l’intégration des Juifs dans les sociétés occidentales étaient vouées à l’échec.
Avec une prescience quasiment prophétique, le “Visionnaire de l’État” avait aussi entrevu la catastrophe qui allait engloutir les deux tiers du judaïsme européen, un demi-siècle plus tard. C’est mu par cette vision prophétique et par l’énergie du désespoir (le fameux “Judennot” – la souffrance juive qu’il ressentait dans sa propre chair), que Theodor Herzl a consacré sa vie entière et sacrifié sa carrière, sa santé et jusqu’à sa vie de famille à la cause du peuple Juif. “Si vous le voulez, ce ne sera pas un rêve” avait-il proclamé, en donnant la date de naissance de l’État juif, presque jour pour jour…

Le déni de réalité des dirigeants du judaïsme français
En quoi la leçon tirée par Herzl de l’Affaire Dreyfus nous importe-t-elle, encore aujourd’hui? Le sionisme serait-il seulement une affaire du passé? La nouvelle Affaire qui secoue actuellement le judaïsme de France nous rappelle qu’il n’en est rien. L’injustice flagrante commise envers la victime, Sarah Halimi, envers ses proches et l’ensemble de la communauté juive de France constitue un rappel douloureux de la réalité, que la plupart des dirigeants de cette communauté s’évertuent à cacher depuis des années.
La solitude des Juifs de France est bien pire aujourd’hui qu’à l’époque du capitaine Dreyfus. Ils sont quasiment les seuls à protester et à manifester aujourd’hui, alors que la France était alors également partagée entre dreyfusards et antidreyfusards. Cela s’explique par le fait que les Juifs ont été progressivement exclus du statut de victimes, tandis que leurs assassins, eux, sont relégués au statut de victimes de “l’exclusion”. (1)
Aussi il est probable que nul procès en révision ne viendra réparer l’arrêt inique de la Cour d’appel. Nul Zola ne se lèvera pour dénoncer l’antisémitisme, dans les colonnes d’un grand quotidien français. Le diagnostic sans appel formulé par Herzl, au lendemain de la dégradation du capitaine Dreyfus reste donc d’une actualité brûlante, alors que les Juifs de France sont encore partagés entre le déni et la désillusion. L’avenir n’est pas moins sombre aujourd’hui qu’il ne l’était alors. La seule différence, évidemment immense, c’est que le rêve sioniste est devenu réalité.
C’est pourquoi il est grand temps que les responsables communautaires et spirituels du judaïsme français reconnaissent enfin, avec cent vingt ans de retard, ce qu’un journaliste juif viennois avait compris alors et qui est encore plus vrai aujourd’hui. Comme l’ont déclaré récemment, avec lucidité et courage, les directeurs d’écoles juives françaises, “notre place n’est plus en France”. Souhaitons que les dirigeants des institutions juives et les rabbins de France ouvrent eux aussi les yeux et se joignent à cet appel pressant, pour encourager l’alyah, seule solution à la détresse des Juifs de France.

Pierre Lurçat
Source :
http://vudejerusalem.over-blog.com/2020/01/de-l-affaire-dreyfus-a-l-affaire-sarah-halimi-mensonge-d-etat-et-deni-de-realite-des-responsables-du-judaisme-de-france.html

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19 Commentaires

  1. capucine dit :

    je ne fais aucune confiance dans les dires de macron surtout qu’il n’en pense pas un mot et la plupart du temps il laisse trainer le choses jusqu’à temps que l’affaire pourrisse pour l’étouffer !

  2. Armone dit :

    Le CRIF c’est le FSJU et le FSJU ce sont les Rotschild, principaux bailleurs de fonds des Associations Caritatives Juives, la journée de la Tsedaka, etc.

    Cette famille (que je ne connais pas) s’est toujours fait un devoir de pratiquer le chessed (la charité). Soyons honnêtes et reconnaissons leur au moins cette qualité.

    Avec leur fortune, ils auraient pu choisir de ne pas s’en préoccuper, avec
    toutes les critiques dont ils sont l’objet. Ils ne l’ont pas fait.

    Pour le reste, leur vie, etc. cela ne me regarde pas, ne m’intéresse pas.

    Le CRIF est bien conscient qu’il est en parfait décalage avec la communauté Juive. Comme son nom l’indique, il représente les Instituions Juives et non le Juif de base. Il n’a jamais réclamé ni reçu mandat pour cela.

    Shavoua tov à tous.

  3. LIor dit :

    Je pense que Pierre a raison. Israel est notre Eretz d’accueil..

  4. Paul06 dit :

    Accusation de non assistance à personne en danger contre la Police.

  5. Paul06 dit :

    Accusation de déni de justice contre la lustice française.

  6. Paul06 dit :

    Accusation d’incompétence à lutter contre l’antisémitisme contre l’état et les politiques français.

  7. Paul06 dit :

    Accusation de complaisance avec les antisémites contre les médias français.

  8. Paul06 dit :

    Accusation d’indifférence face à l’antisémitisme contre nos concitoyens

  9. Paul06 dit :

    Accusation d’incitation à l’antisémitisme contre les partis de gauche et certaines minorités.

  10. Paul06 dit :

    Accusation de passivité coupable devant l’antisémitisme contre les enseignants.

  11. Paul06 dit :

    Des accusations bien nombreuses et legitimes. Les juifs de France sont bien seuls.

    • AmiedeSion dit :

      Depuis le début de cette scandaleuse affaire, je pensais qu’il n’y aurait pas de procès à cause de l’attitude de « complicité passive » de la police… Pour le reste, l’article décrit bien la situation préoccupante et inquiétante de la communauté juive française ! Mais celle des Français non-juifs dits « de souche » ne vaut guère mieux sur le moyen et long terme, et à part disparaître, se soumettre ou changer de nationalité, ce qui implique une renonciation de son identité, quelle alternative ?

      • MAGUID dit :

        Justement, c’est là le vrai problème: se prendre pour ce que l’on n’est pas. Si nous l’étions vraiment « français », ce ne serait pas à nous de le dire. C’est même le contraire. C’est aux Français de dire haut et fort, et, sans hypocrisie: » Toi, JUIF, tout en restant JUIF, tu es autant FRANCAIS que moi CHRETIEN. Mais, il ne faut pas rêver.

  12. Paul06 dit :

    L’avenir est probablement ailleurs.

  13. MAGUID dit :

    Un détail, en apparence, c’est le point de savoir si ce Dreyfus, capitaine français était ou non sioniste. Il semblerait que non. Et, je pense que même après cette malencontreuse expérience, il ne le soit pas devenu. Pour moi, personnellement, notre véritable faute est là. Preuve en est que nous avons tort de cacher notre judéité. Une anecdote personnelle, entre autres, me l’a prouvé.

  14. MAGUID dit :

    Ce que j’aurais trouvé intéressant aurait été de voir des commentaires sur cette photo.

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