Dieudonné : la dernière salve ?

Le tribunal administratif d’Orléans a examiné hier les recours du polémiste contre la ville de Tours après l’annulation de son spectacle en 2014.
En fait, trois requêtes ont été examinées conjointement par la juridiction administrative. La première était présentée par Killian Daveau, spectateur tourangeau se disant apolitique, qui avait payé deux tickets d’entrée de 43 € au spectacle du célèbre humoriste controversé au Vinci. Ce dernier réclame des dommages et intérêts à la ville de Tours. Les deux autres – engagés par la Société de production de Dieudonné « La Plume » – visent à la fois les maires de Tours et d’Orléans ainsi que le ministre de l’Intérieur. Le polémiste réclame 1M€ à chaque commune pour préjudice moral, 20.000 € pour atteinte au droit du travail, 80.000 € pour perte financière et 20.000 € de frais de procédure.
Après Nantes, les représentations du « Mur » à Tours et Orléans avaient été annulées en janvier 2014 par arrêtés municipaux pour « atteinte à l’ordre public et à la dignité de la personne humaine ». La première requête de Killian Daveau, défendu par Me Mongis, avait été rejetée en référé le jour même du spectacle à Tours puis confirmé par le Conseil d’État. Ce spectateur avait mis en avant le principe de la liberté d’expression à travers la liberté de réunion et l’absence de risque d’affrontements invoqué par le maire. L’avocat de ce dernier, Me Cebron de l’Isle, sans nier le principe de liberté d’expression, estimait « proportionnée » l’annulation du spectacle en raison des propos à caractère antisémite et du risque qu’il soit porté atteinte au respect de la dignité de la personne, « une des composantes de l’ordre public ».
Hier, la même argumentation a été développée par le même conseil de la ville de Tours et par Me Casadéï pour la ville d’Orléans, mais en l’absence des parties requérantes et de leurs défenseurs. Ni Dieudonné, ni Jacques Verdier, son avocat, ni Kilian Daveau et Me Mongis ne se sont présentés à l’audience. Le ministère de l’Intérieur n’était pas non plus représenté. Dans ses conclusions, le rapporteur public a préconisé le rejet des requêtes. Il a rappelé les paroles injustifiables prononcées par Dieudonné portant atteinte à la dignité humaine et qui valident« la seule solution préventive et proportionnée des mesures d’interdiction ».
Atteinte à la dignité humaine
A son tour, Me Cebron de Lisle a développé les limites de la liberté d’expression en démocratie faisant référence aux dispositions de la Cour européenne des droits de l’homme sur la prévention des propos antisémites de l’humoriste. Pour lui, dire que « la vérité est intrinsèquement antisémite » peut être assimilé à l’apologie de l’antisémitisme. Il a insisté également sur « le caractère autonome de l’atteinte à la dignité humaine ».
Regrettant l’absence des requérants, Me Casadéï pour le maire d’Orléans a mis l’accent sur la réalité du risque d’atteinte à la dignité humaine « acquis à la date de l’arrêté d’interdiction du spectacle. Orléans souffre encore de ce passé douloureux, la seule mesure possible était d’empêcher cette atteinte à la dignité humaine » a-t-elle ajouté.
Le jugement a été mis en délibéré sous quinzaine.
source :
http://www.lanouvellerepublique.fr/Indre-et-Loire/Actualite/Faits-divers-justice/n/Contenus/Articles/2016/02/05/Dieudonne-la-derniere-salve-2614868