« L’Antiquaire » avec Michel Bouquet: un film humble sur le tabou de la spoliation des juifs

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François Margolin est un scénariste, réalisateur et producteur discret, aventurier et engagé : il se révèle avec « L’Antiquaire » un cinéaste habité. Le sujet du film traite d’un tabou très français et particulièrement lourd : la spoliation des collectionneurs juifs durant l’Occupation et les brumes administratives dans lesquelles s’est suspendu ce scandale au fil des décennies.

En filmant cette enquête autour d’une zone d’ombre jamais vraiment dissipée (un nombre incalculable de chefs-d’oeuvre demeurent dans les placards des musées malgré des procédures d’indemnisation aux contours opératoires mal définis), le cinéaste aurait pu sombrer dans le pathos.

C’est au contraire une sorte de drame familial que Margolin filme avec très peu d’effets et une sécheresse qui donne l’impression de flotter entre fiction intimiste et documentaire. Porté par son héroïne lancée à la recherche d’un noir secret (la touchante Anna Sigalevitch), « L’Antiquaire » prend des airs de thriller administratif et évite soigneusement de verser dans le mélodrame.

C’est un choix d’une grande humilité qui évite au film de donner dans la boursouflure mémorielle ou historique (ce qui rendait si grotesque le côté mélodrame épique et officiel de « La Rafle » par exemple). Le pari de l’enquête réaliste, malgré les limites de la mise en scène de Margolin, ouvre avec beaucoup de tact et sans aucun manichéisme sur un drame béant et encore largement irrésolu de notre histoire récente.

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Si Margolin choisit de se suspendre entre fiction et documentaire, c’est que le « grand sujet » auquel il se confronte s’impose de lui-même et n’impose aucune surcharge : on plonge, à peine l’enquête lancée, dans un abîme qui traverse les âges et renvoie vers un même horizon de silence l’ombre remuante de l’Occupation et l’entreprise nationale de déni qui continue de peser sur nombre d’institutions.

Le film s’apparente ainsi, dans sa forme modeste, minutieuse et procédurière, à une sorte de fantasme de fiction : ancré dans une réalité administrative glaciale que viennent troubler secrets familiaux et brumes du souvenir, cette fiction impossible ressemble à une sorte de reportage hanté.

La présence de monstres sacrés (Robert Hirsch et Michel Bouquet dans un rôle d’ogre impeccable) ne fait qu’ajouter à cette dimension tragiquement onirique qui recouvre l’enquête froidement réaliste à laquelle s’attelle Margolin.

« L’Antiquaire » est donc un film à thèse au sens le plus noble du terme : une oeuvre modeste dont le prétexte historique sert uniquement à mettre en lumière, sans la moindre volonté d’enrobage, ce tabou français dont aucun fantôme n’est jamais venu à bout.
lire l’article de LEPLUS.NOUVELOBS en cliquant sur le lien ci-après

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1343151-l-antiquaire-avec-michel-bouquet-un-film-humble-sur-le-tabou-de-la-spoliation-des-juifs.html

happywheels

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  1. Richard C. dit :

    « les recherches ne donnaient rien » selon des conservateurs de musée; mais un jour, quelqu’un a retourné toute une série de tableaux dans une réserve du musée et a trouvé les noms des propriétaires. devant l’afflux des demandes et l’ampleur du scandale, le musée( je ne le désignerai pas…) a été contraint de restituer en vitesse, tout en continuant ses excuses oiseuses.
    Ce cas serait assez fréquent; il manque encore des « quelqu’un » sachant retourner des toiles et recopier sur un callepin une liste de noms…

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