Pourquoi de nouveaux Mohammed Merah vont surgir

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Une sorte d’internationale multiforme du terrorisme disposant de réseaux, de moyens sophistiqués de communication, de manuels et de guides et de relais s’est constituée. Mohammed Merah est apparu sur ce terreau, et il ne sera pas le seul, comme le montre le livre-enquête « Merah/ l’itinéraire secret ». Par Pierre-Yves Cossé, ancien commissaire au Plan
 » Merah/ l’itinéraire secret  » (Editions Nouveau Monde) est l’œuvre d’un journaliste d’investigation expérimenté, Alex Jordanov. Sa lecture demande du temps (355 pages) et elle est ingrate ; on se perd quelque peu dans les dates et les déplacements de Merah. L’auteur a une thèse : la police a été nulle -ce qui en l’espèce est difficilement niable- les politiques sont à la remorque des évènements et confinés dans l’univers des médias et du cout terme et de nouveaux Merah vont surgir (« il faut s’habituer… »).
Cela étant précisé, c’est un travail de pro. L’enquête est approfondie et les documents venant de sources très diverses sont probants. Elle est facilitée par le fait que Merah fait partie de cette classe de jeunes hyper connectés dont la préoccupation est tout autant de faire savoir que de faire. Il laisse volontairement des traces sur ses portables et ordinateurs, il se confie longuement à ses officiers traitants, il se filme et s’enregistre avec une caméra Gro Pro fixée sur son casque. Et A Jordanov a su faire parler des femmes et quelques copains de la Cité, des policiers (pas tous) français et étrangers et il a eu accès à de nombreuses archives.
Aussi, je fais confiance au tableau qu’il nous dresse de Mohammed Merah.

« Un foyer éclaté, un père absent, une mère démissionnaire qui affiche ouvertement sa promiscuité avec d’autres hommes sous les yeux de son jeune fils, un grand frère qui sème la terreur avec les poings, un grand oncle qui ne rate pas une occasion pour insulter les Juifs » Les violences familiales sont fréquentes : une mère régulièrement battue à coups de manches de balais par le grand frère Kader, puis par Mohammed, qui ne peut pas toujours rentrer chez elle.
La chienne pitbull mord, déchiquette livres et cahiers et détruit les meubles. C’est pourtant auprès de la chienne, à qui il a construit une niche, que Mohammed trouve un peu de réconfort et de sa sœur Souad. Il arrive aussi à Mohammed d’être battu et attaché. Son lieu de vie, la cité des Izards à Toulouse, est surveillée par la police en raison des trafics de drogue mais la police ose à peine y entrer.

Il est exclu des écoles et collèges pour bagarres, menaces de mort, dégradations. A 14 ans, il cogne une assistance sociale. Dans les foyers, il insulte et frappe les filles et il casse pour qu’on le laisse sortir. Pourtant les éducateurs font preuve d’indulgence pour le préserver du climat familial.
Son bagage scolaire est faible. Ses écrits montrent une faible maîtrise de la langue française et de son orthographe. La maitrise de l’arabe était-elle meilleure ? L’on peut en douter, même s’il devait le parler dans sa famille et dans la cité. Sûrement, il possédait des rudiments d’anglais, sans lesquels il n’aurait pu faire autant de voyages.
La seule réussite dans sa formation est le stage de carrosserie. Il aimait les bagnoles (grosses si possible), les manipuler, les conduire jusqu’à des vitesses extrêmes. Parmi les rares appréciations positives recueillies à son sujet, celle de l’ex-épouse du carrossier ; « il était toujours souriant, attentionné, il me faisait des cadeaux. La bagnole, parfois, épanouit.
Le handicap scolaire n’a pas tellement pesé sur la suite. Mohammed était un garçon doué, qui a beaucoup appris de la vie, le meilleur et surtout le pire.


« Il entre petit à petit dans la délinquance et suit les pas de son frère et de ses copains déscolarisés » Il est connu des services de police : vols de scooters, rodéos, braquages, violences avec armes blanches. Rapide et maître de lui, il se vante d’avoir percuté les gendarmes très violemment. Il échappe à la police à plusieurs reprises. Lorsqu’il est conduit au commissariat, il est rapidement libéré, étant mineur. Devenu majeur, il entre en prison pour 18 mois à la suite d’un sac à main arraché sous la menace d’un couteau.
Le braquage (scooters, appartements) n’est pas sa seule source de revenus (à côté du RSA…) Il y a aussi la dope dure (héroïne). L’enquête est imprécise sur ce point. Il a du s’associer à des gros de la drogue et réaliser des « go fast » avec l’Espagne (c’est un excellent conducteur) Car il lui faut beaucoup d’argent, non seulement pour ses nombreux voyages à l’étranger mais pour se payer et accumuler des armes de gros calibre.
Mohammed est plus qu’un braqueur et un petit dealer, ce que personne ne semble soupçonner dans son entourage.
Mohammed est un croyant. Il n’est pas indiqué clairement comment il s’est initié à l’Islam, sûrement auprès de son frère et d’un imam.
En l’absence du père, le frère aîné joue un grand rôle. Violent, inséré dans une bande d’intégristes, il connait par cœur la littérature salafiste. Son emprise idéologique sur le cadet est probable et il a contribué à sa radicalisation.
En prison, il développe une pratique religieuse: il y fait ses prières, écoute à fond des chants à la gloire d’Allah et des Moudjahidines et les discours de prédicateurs salafistes. Son islam est celui des salafistes, celui de l’interprétation littérale du Coran et de la sélection des versets les plus combatifs et les plus violents.
Il se marie selon le rite musulman, peu de temps avant de commettre ses crimes pour être en règle avec les préceptes coraniques. Après cinq jours de mariage et un accès de colère au cours duquel il casse le portable de la jeune mariée, il consulte un imam pour la répudier selon la charia.
Ce comportement sectaire est-l si différent de celui des fondamentalistes américains qui extraient de la Bible les passages les plus belliqueux ?
Après son passage au Pakistan, où, selon son frère, il a rencontré des émirs, le djihad est devenu toute sa vie. « Yusuf, le Guerrier du Califat » est prêt à passer à l’acte, à donner la mort. A lui seul, il la donne sept fois, dont trois petits enfants.


Après avoir tiré sur un sergent -chef à Montauban, il s’adresse au cadavre « Ca, c’est l’Islam, mon frère, tu tues mes frères, moi je tue » Ill récite : « il a rejoint l’ange de la mort, j’ai pas peur de la mort »
Le lendemain, après avoir abattu deux autres para, il répète « Tu as tué mes frères, c’est moi qui te tue ». Son sang- froid est attesté par tous les témoins : « démarche assurée, air tranquille, pas pressé, très calme, ne tremblant pas, visant toujours la tête ».
Après les meurtres de Montauban et avant le massacre de l’école juive, il décrit son état d’âme : « Je ressentais mon cœur apaisé…et comme il était apaisé, je voulais refaire ça»
Après l’école, il est comblé « Un homme s’est relevé tout seul, il a fait trembler la France…Ca réveillera les Musulmans. Inchallah ».
Aux policiers qui l’écoutent, juste avant de l’abattre, il donne le mot de la fin « J’aime la mort, comme vous aimez la vie ».
Le fanatisme religieux est-elle la seule cause de ce comportement terrifiant ? Peut être que durant nos guerres de religion, nos papistes et nos huguenots étaient-ils semblables à nos djihadistes modernes.

Mohammed n’est pas un second Kelkal, un petit mec de banlieue frustré et mal traité par la société, qui se venge en devenant terroriste, comme l’a cru notre police. Le monde a changé en vingt ans. Une sorte d’internationale multiforme du terrorisme disposant de réseaux, de moyens sophistiqués de communication, de manuels et de guides et de relais s’est constituée. C’est cette internationale qui a adoubé le jeune Français et lui a donné une nouvelle dimension. Pas vraiment le « loup solitaire » selon la formule d’un responsable policier cherchant à disculper ses services.
Il fallait de l’astuce pour une telle aventure. Mohammed en débordait. Avec deux passeports, il est parti à la recherche, dans sept pays différents, « des groupes qui combattent dans le sentier d’Allah. » Et il les a trouvés avec les Talibans au Pakistan.
Il a connu des échecs, est tombé malade et il a persisté.
Son origine algérienne semble avoir peu joué : « c’est mon pays d’origine, mais franchement j’aime pas mon pays » Il n’a jamais pu y rencontrer des islamistes engagés.
Comment se fait-il qu’une fois repéré par la police, il n’ait pas été mis hors d’état d’agir ? Au Pakistan, le jeune français n’intéressait pas, Ce n’est évidemment pas le cas de la DCRI de Toulouse ? Au moins trois raisons à cette impuissance.
La capacité d’affabulation de Mohammed est quasiment illimitée. La ruse (la taquya, il connait) Le meilleur exemple c’est la visite aux Frères du Pakistan transformée en voyage touristique, multiples photos à l’appui. Puis, l’ignorance dans laquelle étaient encore les services sur le djihadisme international et ses nouvelles formes conduit à des naïvetés (on pourrait utiliser Merah comme correspondant et informateur) Enfin le gout du secret entre les services et même à l’intérieur des services empêchent les informations de circuler rapidement, sans parler des dysfonctionnements techniques.
Pour Alex Jdanov, il existe de nombreux Mohammed Merah en puissance dans les cités. Espérons qu’ils soient moins « doués » que Mohammed…
source :
http://www.latribune.fr/opinions/blogs/generation-deuxieme-gauche/pourquoi-de-nouveaux-mohammed-merah-vont-surgir-519157.html

happywheels

2 Commentaires

  1. Richard C. dit :

    Oui, mais il ne faut pas qu’ils puissent tuer comme cette merde!

  2. Alice dit :

    pourquoi nous prive-t’on de cette satisfaction de voir quel fin a eu cette raclure ? aucune photo parue dans la presse à chaque fois qu’i a été question de cette saleté on nous le montre souriant !

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