Alain Michel: “Vichy désirait protéger tous les Français, dont les juifs”

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Entretien avec Alain Michel, réalisé à Jérusalem
Par Stéphane Amar

Historien de la Shoah et rabbin du mouvement Conservative, Alain Michel a publié en 2012 Vichy et la Shoah : enquête sur le paradoxe français (Editions CLD), une étude qui ébranle toutes nos certitudes sur l’attitude du régime envers les Juifs et qui a nourri la réflexion de Zemmour sur Vichy et les polémiques qui s’en sont suivies.
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Causeur. Zemmour s’appuie essentiellement sur vos travaux pour affirmer que Pétain a sauvé les Juifs français durant la Shoah, en sacrifiant les Juifs étrangers. Dans le passage le plus polémique du Suicide français, il cite votre livre Vichy et la Shoah : enquête sur le paradoxe français. Comment avez-vous accueilli cette médiatisation ?
Alain Michel. Je dois effectivement à Éric Zemmour la médiatisation de mon livre. Lorsqu’il a été publié en 2012, tous les médias situés à gauche du Figaro l’ont frappé d’une sorte d’omerta. À l’époque, Éric Zemmour avait demandé à me rencontrer et avait prédit mon livre subirait le même silence médiatique que l’ouvrage, remarquable, de Simon Epstein, Le Paradoxe français. Epstein y montre l’implication de la gauche pacifiste dans la collaboration et de l’extrême droite maurassienne dans la Résistance. La presse s’étant focalisée sur le chapitre consacré à Vichy dans le Suicide français, je me retrouve lié au sort d’Éric Zemmour et je savais que le sujet reviendrait dès lors qu’il entrait dans la course à la présidentielle.
La seule erreur de Zemmour, c’est quand il dit “Pétain a sauvé les juifs de France”, c’est inexact. Ce n’est pas Pétain, c’est Laval, aidé par Bousquet…”
Vous ne vous sentez donc pas trahi par l’utilisation faite par Zemmour de vos recherches ?
Non et je m’étonne qu’aucun média, en dehors de Causeur, ne m’ait sollicité pour vérifier les dires de Zemmour. Ils n’interrogent que les historiens de la doxa, c’est-à-dire ceux qui partagent les thèses de Robert Paxton et de Serge Klarsfeld, jamais des historiens comme moi-même ou comme Jean-Marc Berlière, le spécialiste de la police de Vichy, ou encore mon directeur de thèse, Antoine Prost, pourtant l’un des plus grands historiens de la France contemporaine. Ce dernier a beau être idéologiquement opposé à Éric Zemmour, il estime qu’il faut regarder les choses dans leur complexité concernant Vichy.
Mais Zemmour n’est pas historien…
Il n’est pas historien, mais il connaît énormément de choses sur cette période. Sa seule erreur tient dans sa présentation du sujet. Quand il dit : « Pétain a sauvé les Juifs de France, c’est inexact. Ce n’est pas Pétain, c’est Laval, aidé par Bousquet. Cela a d’ailleurs été écrit dès le début des années 1950 par Léon Poliakov dans le Bréviaire de la haine. Raul Hilberg dira la même chose jusqu’au bout, y compris dans la dernière réédition de La Destruction des Juifs d’Europe, en 2006. Pour eux, le gouvernement de Vichy a fait le choix de protéger les citoyens français en livrant des Juifs étrangers. Plusieurs historiens soutiennent cette thèse, mais à partir des années 1980 elle devient taboue.
Il faut reconnaître que votre thèse est particulièrement déroutante. Vous soutenez par exemple que Laval n’était pas antisémite…
Même si Laval était xénophobe (c’était très à la mode à l’époque en France), il n’avait pas d’intentions criminelles, ni par rapport aux Juifs étrangers ni par rapport aux étrangers non-juifs. Le gouvernement de Vichy voulait avant tout se débarrasser des étrangers, dont les Juifs, qu’il considérait comme un poids pour l’économie nationale. Mais se débarrasser des étrangers dans le langage des gens de Vichy – je ne parle pas des extrémistes de la collaboration qui vinrent au pouvoir début 1944 –, c’était les faire partir. Ce n’était absolument pas les assassiner. Alors que pour les nazis, à partir du printemps 1942, il s’agit de se débarrasser physiquement des Juifs.

Il n’empêche qu’à peine arrivé aux affaires, le gouvernement de Vichy prend des mesures clairement antisémites.
Dans le premier statut des Juifs, d’octobre 1940, il n’est pas question de toucher aux biens des Juifs. C’est très différent de la zone nord où l’une des premières mesures prises par les Allemands vise à spolier les Juifs. Le régime est antisémite, bien sûr, mais contrairement à ce qu’on affirme aujourd’hui, l’antisémitisme n’est pas au cœur de sa réflexion. Ce qui le caractérise avant tout, c’est la xénophobie. Cela dit, au fil du temps les persécutions antijuives s’aggravent. Mais il n’existe pas de volonté ni en 1940, ni en 1941, ni en 1942 de nuire physiquement aux Juifs. Les déportations ne sont jamais de l’initiative de Vichy à partir de 1942 et, par la suite, Laval et Bousquet essaient de ralentir les choses. Quand ils n’ont pas le choix, ils livrent des Juifs étrangers. Les seuls Juifs français pas vraiment protégés sont les enfants français des Juifs étrangers car arrêtés avec leurs parents, comme lors de la rafle du Vél d’Hiv.

Source
https://www.causeur.fr/alain-michel-vichy-desirait-proteger-tous-les-francais-dont-les-juifs-zemmour-218372

happywheels

4 Commentaires

  1. Franccomtois dit :

    Je n´y crois pas un seul instant.Il faut pas prendre les gens pour des cons!Si je comprend bien,il aurait fallu accepter les collabos et vivre sous leur domination pour n´avoir n´y déportation,fusillés,torturés,spoliés….et autres joyeusetés!Régime collaborationiste,régime de salopards 🤢🤮!!!!
    -L’humoriste juif Pierre Dac cloue le bec au propagandiste de Vichy Philippe Henriot:
    https://youtu.be/TvsTWIOJf4o

    -PIERRE DAC « Les fils de Pétain » (Ici Londres)
    https://youtu.be/4QiphmGJhyE

    • jean-pierre tomasso dit :

      vous dites n’importe quoi, vous débitez des mots qui n’expliquent rien, c’est facile de dire collabo, fasciste, mais vous apportez quoi aux débats? quelle contracdition?, vous êtes historien ou seulement aveuglé par vos idées de gauches, si seulement ces chambres ( députés et sénat) avaient pris leurs responsabilités, du fait qu’ils étaient responsable avec le gvt de la guerre et de la capitulation, leurs devoirs étaient de rester à la gestion du pays et non de voter les pleins pouvoirs à Pétain, et ne me parler pas des 80 élus qui ont refusé de signer, ils en restaient 569 à très large majorité de gauche, ce sont eux les responsables car ils n’avaient pas de couilles.

  2. Franccomtois dit :

    Je me permet de mettre une partie du commentaire de Lucien qui est lié á un autre article mais va trés bien avec celui-ci:
    -LUCIEN GOZLAN dit :
    26 novembre 2021 à 6 h 36 min
    Pour répondre aussi bien aux exigences des Allemands qu’à celles des idéologues les plus extrémistes de la Révolution nationale, le régime de Vichy durcit sa politique juive, passant de la discrimination à la persécution. Parce qu’il avait été improvisé et appliqué à la hâte par des fonctionnaires pas toujours très zélés, le statut des juifs était considéré comme trop « laxiste » par Pétain et ses maîtres allemands. Vichy décide donc de le durcir et crée, à cet effet, en mars 1941, un Commissariat général aux Questions juives.
    Le nouvel organisme a pour mission la centralisation, la coordination et la dynamisation de la lutte contre « l’influence juive » dans les domaines intellectuel, culturel et surtout économique. La direction du Commissariat est confiée à un antisémite notoire, Xavier Vallat, qui se voulait, selon ses propres termes, le « chirurgien » chargé de débarrasser la société française de la « tumeur cancéreuse juive ». Il était fier de proclamer que son antisémitisme était antérieur au nazisme. Aussitôt nommé, il s’attelle à la rédaction d’un nouveau statut des juifs, plus « complet » et plus « cohérent », qui devient la loi du 2 juin 1941.

    -Je rajoute que les plus riche de la communauté juive et pu échappé un temps á cette saloperie de régime collaborationniste,surement.Pour les moins bien lotis,les choses devaient être tout autre,comme toujours!!!!

  3. […] Alain Michel Alain Michel: “Vichy désirait protéger tous les Français, dont les juifs” Entretien avec Alain Michel, réalisé à Jérusalem Par Stéphane Amar – Historien de la Shoah et rabbin du mouvement Conservative, Alain Michel a publié en 2012 Vichy et la Shoah : enquête sur le paradoxe français (Editions CLD), une étude qui ébranle toutes nos certitudes sur l’attitude du régime envers les Juifs et qui a nourri la réflexion de Zemmour sur Vichy et les polémiques qui s’en sont suivies. ________________________________________ Causeur. Zemmour s’appuie essentiellement sur vos travaux pour affirmer que Pétain a sauvé les Juifs français durant la Shoah, en sacrifiant les Juifs étrangers. Dans le passage le plus polémique du Suicide français, il cite votre livre Vichy et la Shoah : enquête sur le paradoxe français. Comment avez-vous accueilli cette médiatisation ? Alain Michel. Je dois effectivement à Éric Zemmour la médiatisation de mon livre. Lorsqu’il a été publié en 2012, tous les médias situés à gauche du Figaro l’ont frappé d’une sorte d’omerta. À l’époque, Éric Zemmour avait demandé à me rencontrer et avait prédit mon livre subirait le même silence médiatique que l’ouvrage, remarquable, de Simon Epstein, Le Paradoxe français. Epstein y montre l’implication de la gauche pacifiste dans la collaboration et de l’extrême droite maurassienne dans la Résistance. La presse s’étant focalisée sur le chapitre consacré à Vichy dans le Suicide français, je me retrouve lié au sort d’Éric Zemmour et je savais que le sujet reviendrait dès lors qu’il entrait dans la course à la présidentielle. La seule erreur de Zemmour, c’est quand il dit “Pétain a sauvé les juifs de France”, c’est inexact. Ce n’est pas Pétain, c’est Laval, aidé par Bousquet…” Vous ne vous sentez donc pas trahi par l’utilisation faite par Zemmour de vos recherches ? Non et je m’étonne qu’aucun média, en dehors de Causeur, ne m’ait sollicité pour vérifier les dires de Zemmour. Ils n’interrogent que les historiens de la doxa, c’est-à-dire ceux qui partagent les thèses de Robert Paxton et de Serge Klarsfeld, jamais des historiens comme moi-même ou comme Jean-Marc Berlière, le spécialiste de la police de Vichy, ou encore mon directeur de thèse, Antoine Prost, pourtant l’un des plus grands historiens de la France contemporaine. Ce dernier a beau être idéologiquement opposé à Éric Zemmour, il estime qu’il faut regarder les choses dans leur complexité concernant Vichy. Mais Zemmour n’est pas historien… Il n’est pas historien, mais il connaît énormément de choses sur cette période. Sa seule erreur tient dans sa présentation du sujet. Quand il dit : « Pétain a sauvé les Juifs de France, c’est inexact. Ce n’est pas Pétain, c’est Laval, aidé par Bousquet. Cela a d’ailleurs été écrit dès le début des années 1950 par Léon Poliakov dans le Bréviaire de la haine. Raul Hilberg dira la même chose jusqu’au bout, y compris dans la dernière réédition de La Destruction des Juifs d’Europe, en 2006. Pour eux, le gouvernement de Vichy a fait le choix de protéger les citoyens français en livrant des Juifs étrangers. Plusieurs historiens soutiennent cette thèse, mais à partir des années 1980 elle devient taboue. Il faut reconnaître que votre thèse est particulièrement déroutante. Vous soutenez par exemple que Laval n’était pas antisémite… Même si Laval était xénophobe (c’était très à la mode à l’époque en France), il n’avait pas d’intentions criminelles, ni par rapport aux Juifs étrangers ni par rapport aux étrangers non-juifs. Le gouvernement de Vichy voulait avant tout se débarrasser des étrangers, dont les Juifs, qu’il considérait comme un poids pour l’économie nationale. Mais se débarrasser des étrangers dans le langage des gens de Vichy – je ne parle pas des extrémistes de la collaboration qui vinrent au pouvoir début 1944 –, c’était les faire partir. Ce n’était absolument pas les assassiner. Alors que pour les nazis, à partir du printemps 1942, il s’agit de se débarrasser physiquement des Juifs. Il n’empêche qu’à peine arrivé aux affaires, le gouvernement de Vichy prend des mesures clairement antisémites. Dans le premier statut des Juifs, d’octobre 1940, il n’est pas question de toucher aux biens des Juifs. C’est très différent de la zone nord où l’une des premières mesures prises par les Allemands vise à spolier les Juifs. Le régime est antisémite, bien sûr, mais contrairement à ce qu’on affirme aujourd’hui, l’antisémitisme n’est pas au cœur de sa réflexion. Ce qui le caractérise avant tout, c’est la xénophobie. Cela dit, au fil du temps les persécutions antijuives s’aggravent. Mais il n’existe pas de volonté ni en 1940, ni en 1941, ni en 1942 de nuire physiquement aux Juifs. Les déportations ne sont jamais de l’initiative de Vichy à partir de 1942 et, par la suite, Laval et Bousquet essaient de ralentir les choses. Quand ils n’ont pas le choix, ils livrent des Juifs étrangers. Les seuls Juifs français pas vraiment protégés sont les enfants français des Juifs étrangers car arrêtés avec leurs parents, comme lors de la rafle du Vél d’Hiv. Source https://www.causeur.fr/alain-michel-vichy-desirait-proteger-tous-les-francais-dont-les-juifs-zemmour-218372 […]

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