Comment Clément (« Krapo ») s’est retrouvé à faire des dessins pour Dieudonné

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« Krapo » : c’est sous ce pseudonyme que Clément, un jeune dessinateur, a évolué plusieurs années durant dans l’une des mouvances conspirationnistes les plus influentes et les plus radicales, celle de Dieudonné et d’Alain Soral. Comment Clément s’est-il rapproché de la « Dissidence » ? Qu’y a-t-il fait ? Comment et pourquoi s’en est-il éloigné ? C’est à ces questions – et à bien d’autres – que Clément a accepté de répondre, en toute transparence, lors de l’entretien qu’il nous a accordé.

Ecoutez le témoignage en cliquant sur le lien ci-après
https://www.conspiracywatch.info/podcast-comment-clement-krapo-sest-retrouve-a-faire-des-dessins-pour-dieudonne.html

Par ce témoignage, je souhaiterai informer sur le fait qu’il n’y a pas de profil type des personnes qui défendent ces idées là. Peut-être aussi comprendre comment on peut en arriver là. Je vous raconte tout ça sans filtre donc TW : racisme, antisémitisme, négationnisme.
En 2013 je découvre les spectacles de Dieudonné. Je suis happé par son jeu, son écriture. Puis arrive la séquence d’opposition avec Manuel Valls, cet antagonisme renforce mon écœurement envers la classe politique et mon adhésion au discours anti-système.

Sans m’en rendre compte, je m’adonnais à une sorte de culte de la personnalité, je commencais à tout écouter : ses interviews, ses prises de parole, ses films etc. Je découvrais aussi ceux qui gravitent autour de lui, avec en première place Alain Soral.
A ce moment là je travaille seul en faisant des tâches répétitives, j’ai besoin d’écouter des émissions. Après une première réaction de rejet, peu à peu le discours infuse dans mon esprit.

Mes barrières mentales tombent, et je commence à le croire.
Pour soutenir Dieudonné face à ce que je pense être de la censure, je fais quelques dessins que je poste sur Facebook sous le pseudo Révolution de la Quenelle. Je suis à fond dans l’aventure de la “dissidence”. Ma position anti-système se renforce.

Je fus séduis par leurs positions sur la Palestine, le Venezuela, la Lybie etc. J’adhérais à beaucoup de leurs discours complotistes, ayant cru au complot du 911 etc. Puis je passe du soutien au peuple palestinien, à l’antisionisme, puis au lobby juif, et enfin au révisionnisme.
Je n’avais aucune arme intellectuelle pour me défendre. J’étais totalement ignorant en histoire/politique. C’était tellement percutant. Ils parlaient avec tant de certitude. A mesure que le pouvoir leur tapait dessus, j’y voyais bêtement une preuve qu’ils devaient avoir raison.

Je fais une peinture pour Dieudonné (un portrait avec le drapeau palestinien) que je lui ai remis à la Main d’Or après un spectacle. C’est la seule fois où j’ai échangé deux mots avec lui. Je publie aussi un article pour prendre sa défense.
Je continue de publier des dessins sur ma page. Sans le savoir je ne fais que mettre sur papier leurs mensonges, ne connaissant rien aux sujets que je traite. Mais je me sens utile. A ce moment là je n’ai pas vraiment d’amis, je passe de longues heures seul sur mon ordinateur.
Je clôture ma page Facebook et j’en crée une autre sous le pseudonyme de Krapo. J’ouvre aussi un blog pour partager mes dessins. Ils sont sont souvent relayés sur le site Egalité et Réconciliation. J’y trouve même une certaine fierté à cette époque.

J’entre dans un groupe privé de dessinateurs. Je me sens accepté et je suis heureux d’appartenir à cette petite communauté. Le « chef » m’introduit auprès de proches de Soral. Ils ont besoin d’un graphiste pour faire les encarts titres pour les vidéos sur son canapé rouge.
J’accepte et je fais tout ça bénévolement, parfois jusque très tard dans la nuit. Je réponds à leurs demandes et je fais au mieux pour les satisfaire. Mais je n’ai jamais échangé directement avec Alain Soral.

On me propose de faire un dessin négationniste comparant la Shoah aux autres religions. Je le réalise. Je n’ai pas conscience à ce moment là de la gravité de ce que je suis en train de faire. Mais je ressens une gêne qui me pousse à le supprimer rapidement.
Pendant cette période, je me sentais vivant grâce à l’excitation de franchir des interdits, de m’amuser avec des tabous. Je me croyais libre alors que j’étais aliéné. Je ne pensais pas être d’extrême droite alors que je l’étais clairement.

En mai 2014 je réalise deux dessins anti-FN qui me vaudront d’être contacté par François Asselineau qui me proposera de devenir le dessinateur officiel de l’UPR. Je décline poliment.
Un jour de juin 2014, j’entends Soral dire : “on a vu le petit sémite séfarade se soumettre comme une femme face à quelqu’un qui représente encore la virilité aryenne. Et ça c’est la juste hiérarchie traditionnelle. Et c’est comme ça que ce conçoit un monde qui fonctionne bien.”

Alain Soral – Quand Poutine parle, Elkabbach s’écrase ! – Vidéo…
Regardez Alain Soral – Quand Poutine parle, Elkabbach s’écrase ! – Survivalist Of Anarchy® sur Dailymotion
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J’étais révolté par ses paroles. Je n’arrivais pas à lui trouver des excuses. Jusque là c’est ce que je faisais. Inconsciemment, je prenais leurs dérapages comme des réactions excessives mais compréhensibles face aux attaques qu’ils subissaient.
Mais là c’était autre chose. Là je me sentais sali de faire partie de ça. Je me sentais trahi. J’ai compris que le résistant que je croyais soutenir était en réalité un nazi. A partir de là, je n’ai plus fait d’illustrations pour Soral. Ca a été le déclic pour moi.
J’ai encore publié quelques visuels jusqu’à l’automne 2015 sur mon blog, dont certains ont été repris sur ER. Mais je quittais peu à peu ces sujets et me tournais vers la cause animale principalement.

Fin 2015 je publie un dessin accompagné d’un article intitulé Le Naufrage pour revenir sur ce qu’est devenu la “dissidence”. Je critique les incohérences de leur démarche, la stratégie mercantile de Dieudonné, et j’accuse Soral de réveiller de bas instincts chez ses auditeurs.
Mais j’étais à côté de la plaque. Car jamais je ne parle de leur antisémitisme dans mon article. C’était pourtant ce qui m’avait poussé à m’en éloigner qq mois auparavant. Mais à ce moment de ma vie, je pense que j’avais du mal à le reconnaître. J’avais honte. Et il y a de quoi.
Aujourd’hui j’ai toujours honte d’avoir fait ces dessins. D’avoir côtoyé ces gens là. Même si à aucun moment je n’ai participé ou couvert des actes violents. Je condamne formellement leurs propos et leurs positions. Sans aucune réserve.

Mais par mes dessins et mes paroles, je sais que j’ai nourri leur discours de haine. Je sais aussi que j’ai pu blesser des gens. C’est pourquoi je tiens à présenter mes excuses pour tout ça. Je suis sincèrement désolé.

J’espère que ce témoignage pourra être utile. Je n’ai jamais eu conscience d’appartenir à l’extrême-droite à ce moment là. Je suis arrivé par la porte de l’humour dans cette souricière, la solitude et l’absence de culture m’ont poussé petit à petit dans ces marécages puants.

·
Je veux remercier les personnes qui ont accepté de me tendre la main, quand j’ai essayé de me tirer de là. Sans vous j’aurai pu replonger en me sentant rejeté. Même s’il y a de quoi juger sévèrement mes actes passés, vous avez su garder votre porte ouverte.

Et aujourd’hui je fais en sorte de ne pas vous décevoir en apprenant chaque jour sur l’histoire, sur les oppressions, sur les luttes sociales… Je ne suis pas devenu quelqu’un d’irréprochable et j’ai encore bcp à apprendre. Mais je ne parle plus des sujets que je ne maîtrise pas.
Même si rien n’effacera mes erreurs passées, j’essaye maintenant d’équilibrer un peu la balance de mes actions en me rendant utile comme je le peux
Source :
https://twitter.com/bavedukrapo/status/1278362149442764800

happywheels

2 Commentaires

  1. Rosa SAHSAN dit :

    Eh bien c’est bien. Mieux vaut tard que jamais.
    ROSA

  2. ray dit :

    Il peut faire interdire l’utilisation de ses dessins… Si vraiment il est dans la contrition.

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