Georges Bensoussan : « Dans l’affaire Sarah Halimi, Emmanuel Macron subodore le scandale à venir »

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Actualité Juive : Que retenez-vous du discours d’Emmanuel Macron hier matin ?
Georges Bensoussan : Deux nouveautés par rapport aux positions de ses prédécesseurs. En premier lieu quand il assure à plusieurs reprises qu’il faut « ouvrir les yeux », « parce qu’on n’a pas voulu voir » dit-il précisément. En second lieu, quand il assure que « l’antisionisme est la forme réinventée de l’antisémitisme ». C’est là une avancée courageuse. Mais cette évolution sera t-elle suivie d’effet dans une nation schizophrène où le chef de l’Etat pointe le déni du réel quand, dans le même temps, tant d’institutions et de médias jettent un voile sur certaines réalités.
L’antisionisme n’est pas la critique de l’Etat d’Israël. C’est la mise en cause de son droit à l’existence. Cela, nous le savons depuis des décennies. Mais que cette vérité politique soit publiquement partagée par le président de la République, là est la nouveauté. Seul avant lui Manuel Valls avait été clair sur cette question.

A.J.: Emmanuel Macron a-t-il été plus loin que Jacques Chirac et son fameux discours de 1995 ?
G. B. : Emmanuel Macron a rompu avec le distinguo spécieux entre l’Etat français et la France. L’administration de la IIIe République a servi le régime de Vichy institué le 10 juillet 1940 par un vote des parlementaires. Cette timidité intellectuelle qui se refuse à nommer une réalité qui dérange n’est évidemment pas propre à la France.

A.J.: Il a également rattaché l’antisémitisme des années 1940 à ses formes contemporaines, avec l’antisionisme.
G. B. : Le président a eu le courage de nommer l’antisionisme, mais sans évoquer en termes précis le « nouvel antisémitisme ». Renvoyer dos à dos victimes et agresseurs est étrange quand on sait que depuis 2000 ce sont des synagogues qui ont été incendiées, dans telle ou telle banlieue parisienne ou lyonnaise, suite à un jet de cocktail Molotov, et qu’en juillet 2014 celles de la rue de la Roquette à Paris et de Sarcelles furent directement menacées par des dizaines d’assaillants.
Quatorze Juifs ont été tués en France et en Belgique en tant que juifs depuis 2006. Aucun amalgame ni silence ne pourra indéfiniment masquer cette réalité crue. Il est frappant que la presse nationale ait à peine mentionné le passage sur l’antisionisme, comme s’il s’agissait, une fois encore, de ne pas heurter.

A.J.: Son évocation du meurtre de Sarah Halimi (zal) peut-elle marquer une date charnière dans cette affaire ?
G. B. : Emmanuel Macron subodore le scandale à venir quand, au mépris de faits avérés, le caractère antisémite du meurtre n’est pas reconnu. Il sait, avec d’autres, que l’image de la France à l’étranger sera éclaboussée par cette affaire et qu’on ne manquera pas de souligner que dans la « patrie des droits de l’homme », comme on dit, on se refuse à qualifier un meurtre antisémite pour, dans le même temps, traduire en justice les lanceurs d’alerte.

*Dernier ouvrage, « Une France soumise ». Les voix du refus, Albin Michel, 664p. 24,90 euros.
Source :
http://www.actuj.com/2017-07/france-politique/5490-georges-bensoussan-dans-l-affaire-sarah-halimi-emmanuel-macron-subodore-le-scandale-a-venir

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5 Commentaires

  1. Bentata dit :

    Plus rien à espérer de la FRANCE ou de la République Française siumise

  2. Delcruz dit :

    Dans ce pays. la reconnaissance de l’islamophobie semble poser moins de problèmes que celle de l’antisémitisme ou des actes anti chrétiens.

  3. Pierre, un Gaulois dit :

    Il ne fallaitpas, surtout pas, troubler la campagne électorale.
    La « Raison d’Etat » en quelque sorte….

  4. lustuc dit :

    Je suis d’accord sur tout sauf le fait de rendre la France responsable de la rafle du vel d’hiv. Pourquoi ? Sans la défaite militaire de la France, face à l’Allemagne nazie; pas de statut des juifs, pas de rafles ! Ensuite le gouvernement du maréchal Pétain n’a pu être constitué qu’après la démission du chef du gvnt . Pourquoi a-t-il démissionné ? La défaite, la débacle ! Je ne trouve pas Georges Bensoussan; bête ! Pourtant la bêtise consiste à fonctionner normalement, comme à l’habitude, en situation extraordinaire, lorsque toutes ou certaines conditions ont changé….c’est exactement ce à quoi on s’applique lorsqu’on considère le gouvernement de Vichy, de collaboration avec l’Allemagne nazie, comme en continuité avec les institutions de la 3ème République (qui, instantanément ont d’ailleurs volé en éclats avec les pleins pouvoirs confiés au maréchal.)Pétain est un ambitieux qui profite de la débacle, pour prendre le pouvoir. Nul n’ignore que ce n’est pas le peuple français qui l’a porté au pouvoir mais la défaite militaire et la démission du chef du gvnt élu dans des circonstances normales. Pétain aura d’ailleurs bien peu de pouvoir, même si ce peu comptera beaucoup pour tous les juifs qui lui doivent de n’avoir pas été déportés car, lors de la rafle du Vel d’Hiv en 42, les allemands attendaient 30 000 juifs au moins et non 13000.
    La police française a souvent (mais pas toujours) prévenu les juifs qu’une rafle allait s’abattre sur eux. Pour rendre la France responsable de cette rafle; il fallait faire disparaître les allemands (ce à quoi s’est employé Macron). Il est tout à fait normal que les historiens reconstituent le passé
    à l’aide de faits ordinaires et extraordinaires en positif comme en négatif…mais les politiques eux, doivent servir la nation et l’incarner pour que le peuple puisse se reconnaître dans un miroir valorisant. Ne pas ignorer
    les aspects sombres de l’histoire et constituer un peuple en convoquant ce qui unit dans la fierté de ce qui a été accompli de positif. La repentance est certes chrétienne, mais c’est le génocide des juifs qui, au 20ème siècle a transcendé toutes les catégories. On connaissait la der des der après 1918, on connaît le: « plus jamais ça » après la shoah ! Ce qui rend ces cris chaque fois plus inévitables et dérisoires. D’ailleurs, pour revenir à ce qui fait problème: le nazisme dit-il quelque chose d’essentiel sur le peuple allemand spécifiquement ? ou bien plutôt devons-nous interroger plutôt le sol sur lequel a poussé cet antisémitisme ? le christianisme à partir de Paul, la Rome, la Grèce si fondatrices culturellement de l’Europe, depuis l’antiquité et surtout la Renaissance.Sans oublier l’islam qui ne discrimine pas seulement
    les juifs, mais tout ce qui n’est pas musulman ou pas musulman comme il devrait etc. intolérance, intolérance, rejet de l’Autre .La France a donc été impliquée avec le nazisme, consécutivement à la défaite, catastrophe qui lui est arrivée par l’extérieur. Avant la défaite, la France avait régulé son antisémitisme avec l’affaire Dreyfuss, en 1934, en 1936, et même de 1940 à 44.
    Le régime de Vichy a bien plus sauvé de juifs que les pays occupés et administrés par l’Allemagne.Les justes ne suffisent pas à expliquer le relatif faible nombre de juifs déportés depuis la France. La politique nationale de Vichy considérant comme français, les juifs français, a permis d’en sauver plus que dans la plupart des autres pays occupés.

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