
Goussainville : Muhammed A. militant pro-Daech condamné avec sursis
Goussainville : il multipliait les comptes pro-Daech sur TikTok, un jeune de 18 ans condamné à 2 ans de prison avec sursis
Il a reconnu avoir posté ces vidéos mais conteste avoir voulu faire de la propagande pro djihadiste. C’est sa passion pour l’histoire qui l’aurait conduit à s’intéresser à ce groupe terroriste.
Le tribunal correctionnel de Pontoise a condamné, vendredi 18 juillet, Muhammed A., 18 ans, à une peine de 2 ans de prison avec sursis probatoire renforcé pour apologie de terrorisme en ligne (un délit puni jusqu’à 7 ans de prison). Pendant trois ans, il devra se soigner, travailler ou se former, et régler les éventuelles sommes qu’il doit au Trésor public. Il est aussi déclaré inéligible pendant trois ans.
L’enquête est déclenchée par un signalement du préfet aux autorités judiciaires le 10 juillet. Le prévenu est identifié à partir de son adresse IP. Les enquêteurs font le lien entre le jeune homme et plusieurs comptes TikTok, signalés pour diffusion de propagande pro djihadiste depuis décembre 2024. Ses comptes sont régulièrement supprimés mais il continue d’en créer de nouveaux.
Les policiers l’interpellent à son domicile ― le pavillon de ses parents à Goussainville ― le 16 juillet. Les enquêteurs saisissent son téléphone, ses trois ordinateurs et deux carnets de notes intitulés « Carnet antisystème français », comportant dessins, prières et paroles de chants pro djihadiste retranscrits.
« Je reconnais que je suis rentré dans un cercle vicieux »
L’ensemble des éléments saisis ne laissent guère de doute quant à la fascination du prévenu pour Daech. Sur ses ordinateurs, les policiers découvrent 295 éléments liés au groupe terroriste, essentiellement des vidéos de propagande. Dans son activité en ligne, ils trouvent de nombreux anasheeds, des chants appelants à tuer les « mécréants ». Certains sont chantés par les frères Clain, terroristes liés aux attentats du 13 novembre 2015. Le prévenu utilise comme photo de profil un portrait du djihadiste Abu Bakr Al Suwaidi.
En garde à vue, il reconnaît être à l’origine de ces publications mais il conteste l’intention de faire de l’apologie de terrorisme. « Je reconnais que je suis rentré dans un cercle vicieux, avoue le jeune homme depuis le box. J’ai gâché ma vie. Je n’avais pas de mauvaise intention, j’étais juste anxieux. J’avais pas l’intention de faire du mal à quelqu’un. »
La présidente lui rappelle que le dossier comporte un nombre élevé de vidéos. « Ce n’est pas de la curiosité », réfute-t-elle. Elle cite les nombreuses pages de chants appelant à commettre des massacres qu’il a noircies dans ses carnets. « C’était un but éducatif, pour étudier les paroles. » « Mais vous voyez bien que ça appelle à tuer des gens. » « Oui, à mon âge ce n’est pas normal d’être curieux comme ça. Je ne sais pas quoi dire. »
« On a l’impression que ça vous obsède »
Elle cite alors le « Chant de la vengeance » ― « Ma kalach est armée, j’élimine les Français » ― qui comporte des références explicites à la tuerie du Bataclan. Muhammed assure piteusement qu’il est en désaccord avec ce texte. « On a l’impression que ça vous obsède », commente la présidente. « Pas du tout, assure-t-il. Qui serait fasciné par des décapitations ? » Elle lui fait remarquer qu’il n’y a pas d’autres sujets évoqués dans ses carnets. « Je préfère garder le silence », lui répond-il.
Un peu plus tôt, il a tenté alors d’expliquer comment lui est venue cette très inquiétante passion. « Je m’intéresse beaucoup à l’histoire. Ce qui m’intéresse, c’est quand un pays arrive à battre plusieurs autres pays dans l’histoire. J’ai fait mes recherches et j’ai trouvé qu’il n’y en avait qu’un seul : l’État islamique », explique-t-il en marmonnant. Son avocat, Me Jacky Attias, l’interroge alors sur Manuel Valls, souvent évoqué dans les contenus postés par le jeune, et lui demande qui est-il. « C’est le Premier ministre de la France », répond son client.
Très peu de relations sociales
L’avocat souligne que son client possède des bons résultats scolaires. Il passe en terminale avec une moyenne de 13 et envisage un BTS ou une licence d’histoire. « Moi ce qui m’inquiète, c’est la situation dans laquelle il se trouvait », déplore Me Jacky Attias. La procureure a cité plus tôt le fait qu’il passait 14 heures par semaine sur TikTok et 26 de plus sur Internet. Le jeune homme passe le plus clair de son temps dans sa chambre. On lui connaît très peu de relations sociales.
Me Jacky Attias cite ses parents. « Il n’y a pas de pratique religieuse particulière dans la famille », souligne l’avocat. Les enfants ont été élevés dans le respect des valeurs de la République. Le père est tombé de haut quand les enquêteurs lui ont appris ce que faisait son fils dans sa chambre. « Ne parlons pas de la mère qui est dévastée », déplore-t-il. Il appelle à ne pas faire d’amalgame avec l’Islam respectueux des traditions. « Une minorité ne doit pas nuire à la majorité des musulmans respectueux des lois de la République », plaide-t-il.
L’avocat a souligné que son client avait surtout besoin de soin. « Lorsqu’il vous dit : je ne vais pas bien dans ma tête, il tend la main au tribunal », estime-t-il. La procureure avait requis une peine de 6 mois de prison aménageable, cinq ans de suivi socio-judicaires, avec trois ans de prison en cas de non-respect et deux ans d’inéligibilité.
Source
JForum
happywheels