La dérive identitaire de Houria Bouteldja

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Sur la question légitime du legs colonial, la figure de proue du Mouvement des indigènes de la République signe un brulôt déterministe : Blancs, juifs et arabo-musulmans sont présentés de façon si caricaturale que la thèse du livre s’en trouve invalidée, éclipsant de justes indignations.
En guise de qualité de Houria Bouteldja, on lit, au dos de son essai les Blancs, les Juifs et Nous (La Fabrique éditions), qu’elle est «issue d’une famille d’immigrés algériens arrivés en France dans les années 60». Il est également précisé qu’elle a «coécrit, avec Sadri Khiari, Nous sommes les indigènes de la République». Pas de fonction précisée pour celle qui est pourtant la figure médiatique du Mouvement des indigènes de la République, ce qui l’amène à être présente sur les plateaux de télé. Ses prises de position ou son ton en ont fait l’ennemie jurée d’un spectre large de personnalités allant de l’extrême droite à la gauche. Ses positions sur le féminisme, le racisme, l’islamophobie, les questions post-coloniales suscitent l’adhésion d’autres, emportés par sa verve de pasionaria.
Les Blancs, les Juifs et Nous : tout le problème est déjà dans le titre. Car l’essai de Houria Bouteldja est divisé en trois parties : l’une sur la blanchité dominatrice, l’autre sur l’identité juive et, enfin, une dernière sur la question des indigènes. En préambule, elle précise que ces catégories sont utilisées dans leur sens «social et politique», et non dans le déterminisme biologique. Mais aucun de ces mots ne peut être utilisé au hasard, comme si d’autres ne lui avaient pas apposé un sens, aucun ne peut se trouver au milieu d’une telle logorrhée haineuse et se jouer des faits historiques.
Houria Bouteldja s’adresse aux deux premières catégories. Les «Blancs», elle les invite à imiter Genet et à se débarrasser de leur blanchité. Aux «Juifs», à renoncer à Israël et à redevenir les indigènes qu’ils étaient autrefois. Enfin, en tant que voix des indigènes, elle préconise «l’amour révolutionnaire», sorte de fulgurance très floue où se retrouvent convoqués Fanon, Baldwin, les martyrs de la révolution algérienne, l’islam, les Black Panthers, Zhou Enlai, les Indiens d’Amérique… Chez elle, il y a «vous» et «nous», et rien d’autre.

Houria Bouteldja est furieusement antisioniste, et se défend d’être antisémite. C’est d’ailleurs l’un des arguments-massues de l’immense majorité des antisionistes. Là encore, l’essayiste ne fait rien d’autre que de prendre des groupes humains comme des ensembles fixes, inamovibles, homogènes et cohérents. Ainsi, d’un extrait de textes de Perec sur sa difficulté à se sentir juif, tire-t-elle un ensemble de théories sur l’identité juive comme si l’écrivain était le leader moral d’un peuple, comme s’il y avait de fait un représentant de toutes les diasporas. C’est cette manière de fantasmer les appartenances culturelles qui amène Houria Bouteldja à transformer son essai en un brûlot odieux.
Ainsi, quand elle écrit : «On ne reconnaît pas un juif parce qu’il se déclare juif mais à sa soif de vouloir se fondre dans la blanchité», sous-entendant qu’il aurait pactisé avec son oppresseur. Ailleurs, elle fait preuve d’une ignorance historique crasse : «L’antisémitisme est européen. Il est un produit de la modernité.» Alors, quid des pogroms du Moyen Age ? Un peu plus tôt, elle interpelle «les Blancs» et leur bonne conscience humaniste : «N’avez-vous pas mille fois sacrifié Céline, Barbie et tant d’autres sur les bûchers de la place publique ?» Klaus Barbie «sacrifié» ? Vraiment ? Par un procès d’assises en bonne et due forme, des décennies après les faits.
Tout l’ouvrage manque cruellement d’un rapport au réel. Aussi sur la question de l’homosexualité. Dans sa provocation, Houria Bouteldja glorifie la verve de Mahmoud Ahmadinejad, ancien président iranien et son «bon mot»selon lequel «il n’y a pas d’homosexuels en Iran». Car, à ce sujet, il y a plus grave encore que ses efforts, invitée régulière de l’émission Ce Soir ou jamais, pour choquer le spectateur de Taddeï : elle oppose irrémédiablement les masculinités blanche et indigène, les façons d’être «homme» en Europe ou au Maghreb, les rend inconciliables. Elle évoque le mépris au sujet des homosexuels français d’origine étrangère :«Les Blancs, lorsqu’ils se réjouissent du coming out du mâle indigène, c’est à la fois par homophobie et par racisme.» Cette cruelle condescendance est indéniable mais est-il vraiment juste, opportun, que d’opposer les virilités de culture différentes, de les rendre inconciliables ? Un homme (ou une femme) ne peut-il se définir en termes de genre que dans l’héritage fantasmé de ses aïeux ? Ainsi, reprend-elle le pire du catéchisme postcolonial en surdéterminant les existences par l’origine géographique.


Si les Blancs, les Juifs et Nous est aussi dangereux, c’est par son positionnement. Publié à la Fabrique, maison d’éditions à gauche, porté par un auteur qui a de fait un poids dans la sphère postcoloniale française, le livre profite d’un style «coup-de-poing» et poétique qui peut émoustiller la bien-pensance du moment. Houria Bouteldja fantasme des mondes, les oppose, va à l’encontre des faits. Elle écrit :«Notre présence [celle des indigènes, ndlr] sur le sol français africanise, berbérise, créolise, islamise, noirise la fille aînée de l’Eglise, jadis blanche et immaculée.» Soit pour la première partie, et tant mieux que la France se métisse. Mais quand a-t-elle été «blanche et immaculée» ? Comme tout pays, elle n’a été que millefeuille de populations et de cultures, de religions, de migrations… Que Le Pen fasse mine de l’ignorer, on s’y attend, que Houria Bouteldja aussi, c’est plus problématique. En somme, elle fait sienne la rhétorique de l’extrême droite, qui fait de la France une contrée virginale, blanche, et chrétienne.
A plusieurs reprises, Houria Bouteldja évoque sa vie privée. Dont cette fois où, partant en voyage scolaire à New York, elle demande à ses parents de se cacher du reste de ses camarades, honteuse des siens. Ces moments sont sans aucun doute les plus intéressants tant ils nous montrent comment la bête postcoloniale distille le mépris jusque dans les rapports familiaux, amicaux, amoureux. Cette expérience de l’humiliation explique sa dénonciation du féminisme«majoritaire» : «Aucun magistère moral ne me fera endosser un mot d’ordre conçu par et pour des féministes blanches.»Houria Bouteldja évoque, avec justesse, la manière dont la société française a, notamment via la télé, fait des femmes d’origine maghrébine la victime idéale, celle dont on se réjouit à observer le martyr, à admirer le courage.


La seule chose qui peut dédouaner l’auteure des Blancs, les Juifs et Nous est le déni qu’entretiennent depuis longtemps la gauche en général et le PS particulier sur la question postcoloniale. Résultat, Houria Bouteldja y répond de manière ahurissante. Mais la faute ne décrédibilise pas l’interrogation. Alors qu’au Royaume-Uni, une partie des cercles travaillistes s’est penchée sur le sujet depuis longtemps, la gauche française fait mine que tout continuera à bien se passer, et ne fait toujours pas son aggiornamento postcolonial. L’enjeu est pourtant celui de sa réinvention, de son adéquation à la société contemporaine. Tant qu’elle ne le fera pas, le champ sera libre aux fulgurances pyromanes.
Clément Ghys
source :
http://www.liberation.fr/debats/2016/05/24/la-derive-identitaire-de-houria-bouteldja_1454884

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11 Commentaires

  1. Pierre un Gaulois dit :

    Klaus Barbie, chef de la Gestapo de Lyon, a été, reste et restera le bourreau de Jean Moulin.
    Jean Moulin, martyr de la Résistance, est le rassembleur des divers courants de la Résistance.
    Barbie, extradé de Bolivie, il a été jugé, défendu par Maitre Vergès, et condamné.
    Notre respect pour Jean Moulin et pour ce qu’il représente.
    Notre mépris pour Barbie, et pour ce qu’il représente.

  2. albou dit :

    Elle est complètement à la masse cette femme et dangereuse.

    Ces discours sont pleins de haine de presque tout ce qui n a pas ses idees

  3. Olivier dit :

    Libération découvre que ses protégés ne sont pas si sympas en fait. C’est toujours le problème de la gauche lorsqu’elle se retrouve face au réel.

  4. Invite2018 dit :

    Il est clair que l’idéologie raciste et islamiste de madame Bouteldja ne peut faire que du mal à la lutte contre les oppressions colonialistes qui sert de prétexte à cette même idéologie.

    Et que le mouvement de cette personne soit soutenu par une grande partie de la gauche radicale européenne est déplorable et ne le rend pas moins puant.

  5. Rony d'Alger dit :

    Ce texte inepte, et inapte, que vous reproduisez, n’est qu’une copie de plus de la fange que l’on rencontre dans libération. Non que je défende cette ordure d’houria boutelmerde mais je m’insurge contre les poncifs véhiculés par ce clément ghys. Il reprend le concept de « martyrs de la révolution algérienne » alors que ce ne furent le plus souvent que d’immondes égorgeurs et poseurs de bombes contre des populations civiles désarmées. Souvenez vous de Mélouza , village arabo-berbère, où toute la population, y compris les nourrissons, soit plus de TROIS CENTS PERSONNES, fût égorgée parce qu’elle était tout simplement suspectée de sympathie à l’égard d’un mouvement nationaliste, le MNA (mouvement nationaliste algérien), concurrent du fln islamo-gauchiste. Et pour être certains de la mort de leurs victimes, les bourreaux du fln leur appliquèrent un fer rouge sur la plante des pieds pour vérifier si elles ne tressaillaient pas. Mais il faut le savoir, il y eut des centaines de « petits mélouza » dont on parla beaucoup moins, sauf en Algérie Française. Cette horreur de bouteljda ne doit sa « célébrité » qu’à ses multiples invitations sur le plateau de frédéric taddei, qui prit plaisir à y convier des anti-juifs notoires comme les délinquants m’bala m’bala, ou alain bonnet, dit soral, ou l’antisémite pathlogique et convulsif marc edouard nabe, parrain du fils de ce même taddei. Toujours à propos de cette moins que rien, il convient de remarquer que puisqu’elle se prétend indigène à Alger elle ne peut l’être à Paris, car on ne peut prétendre au statut d’indigène dans deux pays différents. Donc, si elle est indigène à Alger, mais pas de la République, car la République n’existe pas en Algérie, pays où le « président » n’est qu’une momie empaillée et plastifiée, promenée dans une petite voiture à roulettes, et cette stupide houria n’est plus à Paris, dès lors qu’elle ne se reconnaît pas comme une Française, qu’une allogène.

  6. Sylvain Foulquier dit :

    Je trouve que l’auteur de l’article est beaucoup trop tendre envers Houria Bouteldja, qui incarne le summum de l’obscurantisme anti-occidental, antisémite et raciste. Ce qu’elle dit avoir vécu dans sa jeunesse ne saurait constituer une excuse : beaucoup de gens ont vécu des choses mille fois pires qu’elle et ne sont pas pour autant devenus des prêcheurs de la haine.

    • Catholique_de_France dit :

      Bonjour,

      Je suis bien d’accord avec vous : je me souviens d’une action de la LDJ qui m’avait fait chaud au coeur et qui était bien ce que mérite cette garce plutôt que des analyses intellos déconnectées …

  7. Sylvain Foulquier dit :

    Récemment j’ai envoyé un courrier électronique au site du PS pour lui demander de dénoncer sans ambiguïté la propagande abjecte du PIR, qui venait d’apporter son soutien aux assassins du Hamas après l’attentat odieux commis à Tel Aviv. Comme vous pouvez vous en douter, je n’ai même pas obtenu de réponse. Il me semble que le silence du PS et de l’ensemble de la classe politique au sujet du PIR est hélas extrêmement révélateur, et plus qu’inquiétant…

  8. Jean90 dit :

    Danièle Obono proche du PIR est entrée à l’assemblée nationale en tant que députée France Insoumise. Et elle reçoit le soutien de journaux tels que Libération etc…

    La République française n’est pas seulement en danger : elle n’existe plus.

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