
LE MYTHE DES « CIVILS INNOCENTS » DE GAZA
PAR PIERRE LURÇAT
Hasard ou non, les salles obscures en Israël diffusent actuellement le film « Plan Aleph », consacré à l’opération Nakam, au cours de laquelle des rescapés de la Shoah projetèrent d’assassiner des milliers d’Allemands pour venger la mort de leurs proches. A un moment clé du film, un des héros explique qu’à ses yeux, il n’y a pas d’Allemand innocent. Et les Gazaouis ? La question des « civils innocents » – qui a souvent été posée dans l’histoire des guerres d’Israël – se pose avec une acuité décuplée depuis le début de la guerre déclenchée par le Hamas le 7 octobre. D’une question intérieure israélienne, elle est devenue une question internationale, notamment depuis la plainte déposée par l’Afrique du Sud devant la Cour de Justice internationale. Comment concilier ces répercussions internationales avec les exigences de la guerre ? Israël en fait-il trop – contrairement aux accusations de ses ennemis et de certains de ses alliés – pour protéger les civils à Gaza ? Et que dit la tradition juive sur cette question cruciale ? Tour d’horizon.
Premier rappel utile : cette question n’a rien de nouveau, ni dans l’histoire juive, ni même dans l’histoire récente d’Israël. Elle apparaît à l’occasion de chaque guerre depuis 1948 et a donné lieu à d’innombrables débats, tant dans l’espace public que dans les œuvres littéraires ou cinématographiques consacrées à la guerre. Rappelons le fameux épisode des « Lamed-Hé » pendant la Guerre d’Indépendance, au cours duquel 35 jeunes soldats trouvèrent la mort, après avoir croisé sur leur chemin un vieux berger arabe, qu’ils choisirent d’épargner et qui s’empressa d’aller chercher des renforts.
Devenu un élément fondateur de la doctrine militaire de la « pureté des armes », cet épisode est parfois considéré comme illustrant la trop grande attention portée par Israël à la vie de ses ennemis. Autres exemples, plus récents : au cours de la Première Guerre du Liban, en 1982, des soldats israéliens se trouvèrent confrontés à de jeunes adolescents, voire à des enfants armés, et plusieurs soldats de Tsahal furent tués pour avoir hésité à tirer sur ces ennemis, en raison de leur jeune âge.
Ces exemples illustrent un phénomène récurrent dans l’histoire des guerres d’Israël : celui du refus de tuer des civils ou des enfants-soldats, refus aux conséquences souvent tragiques. A Gaza aussi, de nombreux témoignages récents font état de la présence de civils non armés, qui viennent à la rencontre des soldats de Tsahal et les attirent délibérément dans des embuscades meurtrières. Un nom a même été inventé pour désigner ces pièges mortels : les « embuscades humanitaires ».
L’utilisation des civils par le Hamas
Sans être le premier à utiliser ces tactiques de guerre, le Hamas est en effet passé maître dans l’utilisation de civils pour servir ses objectifs militaires et politiques. Celle-ci prend essentiellement trois formes principales : premièrement, celle des civils utilisés comme boucliers humains, dans les hôpitaux, sur le champ de bataille en surface et dans les tunnels souterrains. Deuxièmement, celle des civils exposés délibérément aux attaques israéliennes, ou empêchés de quitter les lieux dangereux (comme les y invite Tsahal) pour démultiplier volontairement le nombre des victimes civiles. Et enfin, celle des civils utilisés comme « appâts » sur le champ de bataille, dans les « embuscades humanitaires » évoquées ci-dessus.
Face à ces tactiques guerrières – que le droit de la guerre occidental considère comme illégales – Tsahal est confronté à un dilemme permanent. Ne pas tenir compte de la présence des civils ennemis conduit à augmenter le nombre de victimes civiles – ce qui est précisément l’objectif recherché par le Hamas – et à accroître les pressions internationales contre Israël, comme nous le voyons actuellement. A l’inverse, tenir compte de la présence des civils expose les soldats à un risque accru, et met parfois en danger les objectifs militaires. Tsahal navigue ainsi constamment entre ces deux objectifs contradictoires.
Mais ce débat n’est pas seulement opérationnel et tactique, car il touche également à des considérations morales et juridiques, qui sont au cœur du débat intérieur à Israël. C’est pourquoi la définition même des « civils innocents » a des implications qui vont bien au-delà du débat théorique. La notion même de « civils innocents » est problématique, comme le faisait remarquer le rabbin Oury Cherki il y a plusieurs années. En effet, elle laisse entendre que les soldats seraient, eux, « coupables » et qu’il y aurait lieu de les « juger », voire de les « condamner »[1].
La remarque du rabbin Cherki fait écho à un débat ancien dans la tradition d’Israël. Ainsi, le Maharal de Prague observait similairement que la guerre n’est pas une opération qui vise à capturer des criminels, dans laquelle il faudrait effectivement protéger les civils innocents. La guerre est un affrontement entre plusieurs nations, au cours duquel des civils sont inévitablement exposés et font partie des victimes. Il est intéressant de remarquer que l’Occident lui-même a longtemps envisagé la guerre selon cette dernière conception, et que ce n’est que récemment qu’il a évolué vers une idée de « guerre-justice » (comme la guerre des Balkans dans les années 1990).
Les civils de Gaza sont-ils innocents ?
Au-delà de ces considérations théoriques, la guerre actuelle montre les limites et les ambiguïtés de la notion de « civils innocents » dans le cas des habitants de Gaza. Comme l’ont en effet rapporté des dizaines de soldats et d’officiers présents dans la bande de Gaza, la plupart des civils s’identifient, dans une mesure plus ou moins grande, au Hamas et à ses objectifs. En réalité, la notion même de « civils non impliqués » est étrangère à la doctrine du djihad dans l’islam, doctrine dans laquelle les habitants de Gaza sont éduqués et qu’ils appliquent. Le djihad est en effet devenu à l’époque contemporaine – sous l’inspiration des théoriciens de l’islam radical – une obligation individuelle (fard ‘ayn) qui s’applique à tous.
Pratiquement, cela se traduit dans le fait que la plupart des assaillants du 7 octobre n’étaient pas des terroristes du Hamas portant un uniforme, mais bien des civils de Gaza, qui se sont joints à la razzia et aux exactions perpétrées contre Israël. Ce constat est lourd de conséquences, et il ne doit pas être occulté, sous peine de commettre une erreur d’appréciation cruciale. La guerre actuelle n’oppose en effet pas seulement Israël au Hamas, mais bien à Gaza et à sa population. Ce constat a été confirmé sur le terrain par le fait que des armes et des munitions ont été trouvées dans la plupart des maisons de Gaza, y compris cachées sous les lits d’enfants…
Comme le rapportait récemment le journaliste de la 13e chaîne et soldat de réserve Roï Yanovsky, « Dans tous les quartiers où nous avons été, il y a des sites militaires du Hamas avec des armes, des tunnels, des explosifs, des rampes de lancement de roquettes et tout cela dans les maisons. Dans certaines, se trouvent des ouvertures dans les murs pour passer d’un bâtiment à un autre. Les habitants de Gaza qui vivent dans ces zones de guerre, le savent. Ils ont reçu une quantité innombrable d’avertissements les appelant à évacuer, bien avant que Tsahal n’entame son offensive terrestre. Ceux qui ont décidé de rester sont soit des hommes du Hamas, soit des gens qui ont pris cette décision en sachant que les lieux étaient utilisés par le Hamas et donc une zone de combat »[2].
Ce que signifie ce témoignage éloquent, c’est que la plupart des civils de Gaza sont loin d’être innocents. Ils ont en fait pris fait et cause pour le Hamas et sont ainsi devenus ses supplétifs. C’est sans doute une des raisons de la difficulté de la guerre actuelle, qui dure déjà depuis plus de 100 jours et dont nous sommes loin de voir la fin. Comme l’explique encore Yanovsky, « le cercle qui permet au Hamas d’agir est beaucoup plus large que ses dizaines de milliers de terroristes. L’idéologie du Hamas se trouve dans toutes les maisons, dans les tableaux, dans les documents de propagande. Le Hamas à Gaza c’est comme Messi en Argentine ». Ou, pour dire les choses autrement, les terroristes du Hamas sont à Gaza « comme un poisson dans l’eau », selon l’expression du président Mao Zedong, qui avait lui aussi une expérience de la guérilla et de l’utilisation des civils à des fins militaires.
Dans ces circonstances, que doit faire Tsahal et comment Israël doit-il adapter son attitude aux réalités du terrain à Gaza (et ailleurs) ? La première conséquence est de garder sans cesse à l’esprit le fait que les civils sont rarement innocents. Cela doit être une loi d’airain pour les soldats israéliens : que nul d’entre eux ne tombe dans les pièges tendus par des civils ou utilisant des civils, et que nul ne cède à la tentation (bien humaine) de les considérer comme des victimes. La deuxième conséquence est l’obligation pour Israël de rappeler au monde entier contre qui nous nous battons, comme il le fait depuis le 7 octobre. Il est crucial de rappeler sans cesse que les civils de Gaza sont rarement innocents et qu’ils sont en fait responsables de la situation actuelle, ayant porté le Hamas au pouvoir et n’ayant rien fait pour s’opposer à lui.
Aucune population civile ne peut être tenue pour non responsable du pouvoir qu’elle s’est choisie. Il y a eu des résistants et des opposants dans tous les régimes totalitaires, y compris les plus cruels, comme l’Allemagne nazie, où Hitler a échappé à plusieurs tentatives d’assassinat. On attend toujours de voir se lever des Gazaouis opposés au Hamas. En attendant ce jour, écoutons et faisons nôtre le témoignage de l’ex-otage franco-israélienne Mia Shem, qui a déclaré, après avoir passé plusieurs semaines dans une geôle, gardée par une famille de « civils » soi-disant innocents, que « tout le monde est terroriste à Gaza ». Vérité difficilement audible en Occident, mais vérité tout de même.
Pierre Lurçat
© P. Lurçat et Israël Magazine.
[1] Oury Cherki, “Une éthique juive de la guerre”, in Revue Forum-Israël no. 4, Déraison d’Etat, juin 2007.
[2] Témoignage traduit sur le site LPH INFO
✔️ Le Hamas doit ~15 milliards USD à Israël, dont la plus grosse part pour les blessures et la désorganisation économique.
✔️ Il doit ~49 milliards USD à la population de Gaza, dont la majorité pour la destruction d’infrastructures et les invalidités.
🟥 Qui « gère » le Hamas ?
Structure officielle
1.Branche politique (bureau politique)
-Décide de la stratégie générale (relations avec l’étranger, financement, communication).
-Exemples : décisions sur l’attaque du 7 octobre, négociations d’otages.
2.Branche militaire (Brigades Izz al-Din al-Qassam)
-Commande les opérations armées, les tunnels, les roquettes.
-Décide des opérations tactiques.
3.Branche sociale et religieuse (Da’wa)
-Organise les écoles, les mosquées, les services sociaux dans Gaza (pour gagner l’adhésion populaire).
Qui dirige ? (noms connus)
Yahya Sinwar
-Chef du Hamas à Gaza.
-Vit caché à Gaza, probablement dans les tunnels, quasi introuvable.
Mohammed Deif
-Commandant suprême de la branche armée (Qassam).
-Principal cerveau militaire. Souvent donné pour mort, mais toujours actif. Cachette : Gaza souterraine.
Ismaïl Haniyeh
-Chef du bureau politique.
-Réside principalement au Qatar (Doha) depuis plusieurs années.
-Voyage aussi entre la Turquie et parfois le Liban.
Khaled Mechaal
-Ancien chef historique du bureau politique.
-Vit aussi au Qatar.
Où sont-ils ?
À Gaza
-Sinwar et Deif (leaders militaires et responsables directs de la population locale).
-Leur commandement est dispersé dans les tunnels et bunkers, sous des zones civiles (hôpitaux, écoles).
Hors de Gaza
-Bureau politique central (Haniyeh, Mechaal, etc.)
-> Doha, Qatar.
-Certains conseillers
-> Turquie (notamment Istanbul).
-Un petit réseau
-> Liban (lien avec le Hezbollah).
Qui les finance ?
-Qatar (soutien financier officiel depuis 2012, environ 30–40 millions USD/mois pour Gaza avant la guerre).
-Iran (principal soutien militaire et logistique).
-Dons privés via des ONG écrans, parfois en Europe.
Tuez les tous Dieudonné reconnaîtra les siens.
Les Américains n’ont eu aucun scrupule ni remords à bombarder Caen alors que les habitants étaient de véritables innocents. Contrairement aux habitants d’Hambourg ou Dresde collaborateurs volontaires ou non du nazisme.
La bonne conscience ne joue que contre Israël.
Les bombardements de Caen sont des bombardements aériens stratégiques menés par les Alliés sur Caen en France pendant la Seconde Guerre mondiale, qui eurent lieu à partir du 6 juin 1944, pendant 78 jours de la Bataille de Caen, détruisant la ville sur un peu plus de 30 % de sa surface, mais réduisant en ruines environ 68 % de son volume bâti.
Ces bombardement n’ont atteint aucun soldat allemand, mais ils ont en grande partie détruit la citadelle avec l’ancien château des ducs de Normandie construit au xie siècle par Guillaume le Conquérant et la reine Mathilde, celle qui a fait broder la Tapisserie de Bayeux.n 1936, la ville comptait 15 000 immeubles ; les bombardements en ont détruit 9 000 totalement et 5 000 partiellement. Le bilan humain s’élève à 1 100 victimes au cours de l’été 1944 soit 3,5 % de sa population. Les installations militaires ont été peu endommagées