
Prêches antisémites, polygamie, soupçons d’espionnage : la personnalité controversée de Mohamed Toujgani
L’ex-imam Mohamed Toujgani a fait son retour à Bruxelles après avoir obtenu sa nationalité belge. Rapports de Sûreté de l’État, prêches controversés, il est une personnalité respectée par certains membres de la communauté marocaine, dangereuse pour la sécurité nationale par certains politiques. Expulsé pour raisons de sécurité nationale, l’imam Mohamed Toujgani a fait un retour remarqué à Bruxelles. Accueilli à l’aéroport de Zaventem par ses proches et sympathisants, son retour suscite une vive polémique.
Expulsé en 2021 pour soupçons de radicalisme, l’imam Mohamed Toujgani est de retour en Belgique. Notre experte judiciaire Dominique Demoulin revient sur cette saga rocambolesque.
L’imam Mohamed Toujgani, figure bien connue de la communauté musulmane belge, a récemment fait son retour en Belgique. Cet homme, qui prêchait dans la mosquée Al Khalil à Molenbeek, la plus grande du pays, avait été expulsé en octobre 2021 après que la Sûreté de l’État l’a accusé de radicalisme et d’ingérence au profit du Maroc. Cette décision avait, à l’époque, suscité un grand débat autour de la sécurité nationale et de la lutte contre le radicalisme islamique.
Une vraie saga judiciaire
Le retour de l’imam intervient après une bataille juridique complexe. Alors qu’il avait demandé sa naturalisation belge, la justice avait initialement émis un avis favorable. Cependant, l’État belge avait tenté d’empêcher cette décision en déposant un pourvoi en cassation. Toutefois, il y a quelques jours, la Cour de cassation a rejeté ce pourvoi, validant ainsi la naturalisation de Mohamed Toujgani et permettant son retour dans le pays qu’il peut désormais légitimement appeler le sien. Cette saga judiciaire relance néanmoins des questions sur les limites entre la justice et les décisions sécuritaires.
Quelle fiabilité ?
Un aspect central de cette affaire réside dans l’évaluation portée par la Sûreté de l’État sur l’imam. Le Comité R, organe indépendant chargé de surveiller les services de renseignement belges, a examiné les pratiques de la Sûreté dans ce dossier. Ses conclusions ont été particulièrement critiques, jugeant que le service avait fait preuve d’un « manque de nuances » et avait « partagé des informations anciennes sans mise en garde explicite. » Cette analyse pose la question de la fiabilité des données utilisées pour justifier une expulsion si fortement médiatisée.
L’affaire soulève également des interrogations sur une éventuelle instrumentalisation politique des services de renseignement belges. Bien que le Comité R n’ait pas nommé de responsables ou pointé de motivations précises, ses critiques laissent penser que certaines décisions pourraient avoir été influencées par des facteurs non liés strictement à la sécurité nationale.
Source
RTL info
Dans un rapport du service de sécurité de l’État belge, plusieurs préoccupations quant à la propagation de discours haineux par Toujgani sont soulevés. Il est accusé d’avoir alimenté l’animosité envers les chiites, les Juifs et l’Occident[5]. Un exemple marquant de ce comportement est une vidéo, en plein conflit israélo-palestinien de 2009 où Toujgani appelle à brûler les sionistes en adoptant les propos : « Seigneur, que le sang des martyrs soit une arme sous les pieds des sionistes oppresseurs, et que ce sang soit un feu ardent qui les brûle et un vent qui les châtie. ».
Selon le rapport, ce cas n’est pas isolé ; un sermon datant de 1988 illustre son approche discriminatoire, où il associe trahison, jalousie et hypocrisie spécifiquement aux Juifs. En 2004, il aurait même affirmé que les Juifs constituaient une insulte à Dieu.
Peu avant le procès de Mehdi Nemmouche pour son attentat du musée juif de Belgique, le président de la Ligue belge contre l’antisémitisme, Joël Rubinfeld décide de porter plainte contre Mohamed Toujgani pour ses propos datant de 2009.
Dans une démarche de transparence et de conciliation, l’imam Mohamed Toujgani adresse en janvier 2019 une lettre ouverte visant à clarifier sa position à la suite des critiques virulentes qu’il a essuyées en raison de ses propos antérieurs. Conscient de l’impact de ses paroles, l’imam a souhaité apporter des précisions sur le contexte dans lequel ces déclarations ont été faites, soulignant qu’elles ont été prononcées sous le coup d’une double pression : médiatique, d’une part, et affective, d’autre part. Cependant, il reconnaît que ces facteurs ne sauraient justifier la teneur et la portée de ses mots, lesquels ont, sans équivoque, choqué et blessé la communauté juive ainsi que d’autres personnes sensibles à ces remarques.
L’imam Toujgani, dans sa lettre, tient à exprimer ses « plus humbles excuses à la communauté juive comme à toute personne froissée et indignée par ses propos. » Cette démarche de repentance s’inscrit dans une volonté plus large de l’imam de promouvoir un message de paix et de tolérance. Il rappelle, à cet effet, son engagement de longue date en faveur d’un dialogue intercommunautaire constructif et d’un discours valorisant l’altérité et le vivre-ensemble. Par ces mots, l’imam souhaite réaffirmer son attachement aux valeurs de respect mutuel et d’harmonie sociale, en espérant que son message puisse contribuer à réparer les liens endommagés et à apaiser les tensions.