Tahar Ben Jelloun – Italie : la nostalgie de Mussolini plus vivace que jamais

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Signe de la montée du populisme et de la crise de la démocratie italienne, le lieu où est enterré le Duce est devenu un lieu de pèlerinage.
Dans la région d’Émilie-Romagne, entre la Toscane et la Lombardie, à une quinzaine de kilomètres de Ravenne où l’on peut voir les plus belles mosaïques du monde, se trouve la petite ville de Forli. C’est là où Dante est enterré. C’est aussi là, à un quart d’heure du centre, à Predappio très exactement, que se trouve le lieu où est né et où est enterré le père du fascisme italien. Un caveau digne d’un empereur ayant la folie des grandeurs. Non seulement toute la famille y est enterrée, mais de fervents admirateurs du dictateur y ont leur place, achetée très cher, car, même morts, certains ont voulu perpétuer leur admiration pour le dictateur.
L’entrée du cimetière a trois portes surmontées de trois arcs rappelant la lettre « M ». Mais le plus stupéfiant, ce n’est pas la survivance de la nostalgie fasciste, c’est la persistance de la célébration de cette doctrine qu’on croyait morte à jamais.

Magasins de souvenirs
D’abord trois magasins vendent des produits dérivés du fascisme : la chemise noire, le vin noir, les différents manteaux et casques à l’effigie de Mussolini, les armes, les tee-shirts, les tasses de café, les bols de soupe, les drapeaux, dont certains avec la croix gammée, les jaquettes noires, les casquettes, les affiches, les unes des journaux de l’époque, le calendrier de 2017 avec des photos du « Duce » et même des pyjamas pour bébés avec la phrase « barcollo ma non mollo » (« je ne suis pas stable mais je tiens bon »), une citation du dictateur.
Les boutiques ne désemplissent pas. La vendeuse, à peine 20 ans, dit à propos d’une chemise noire brodée à l’effigie de Mussollini : « Nous avons toutes les tailles, c’est un produit qui marche bien. » Il y a les curieux, mais aussi les nostalgiques qui n’ont pas connu cette funeste époque. Benito Mussolini continue de fasciner et d’attirer des adeptes de la force, du fanatisme et du racisme tel qu’il se manifeste aujourd’hui dans une Italie où l’extrême droite, représentée par le parti Lega Nord (La Ligue du Nord), et Fratelli d’Italia (Frères d’Italie), carrément néo-fascistes, ne cesse de progresser.
À l’entrée du caveau de la famille Mussolini, un livre d’or où les visiteurs expriment leurs sentiments. Presque tous regrettent la disparition du « grand homme » : « Benito, l’Italie a besoin de toi, reviens » ; « Après toi, il n’y a eu que le vide » ; « Honneur de l’Italie », etc.

Crise politique
En discutant avec certains amis italiens, ils m’ont appris que Donald Trump et Poutine jouissent dans certains milieux d’une grande popularité. La force et la brutalité fascinent. On dirait que les Italiens réclament de nouveau un pouvoir fort et non démocratique. Pourtant, l’éloge du fascisme est en principe interdit. Mais le fait que le commerce autour du souvenir de Mussolini marche très bien est un signe. L’Italie connaît une crise politique dont on ne voit pas l’issue. La gauche et la droite traditionnelles sont divisées. Le centre vacille. Reste le parti des « cinq étoiles », dont l’idéologie est populiste et ambiguë.
On sent le vent d’un retour en force des idéologies totalitaires. L’agent de police qui a réussi à abattre à Milan le 24 décembre dernier Anis Amri, le suspect de l’attentat de Berlin, devait être décoré par Angela Merkel. Voilà qu’on apprend qu’il fait partie de cette extrême droite qui cultive le mythe du fascisme sauveur du pays. Décoration annulée. La Fondation Alfred Lewin vient de réagir fermement contre le projet du conseil municipal de Forli-Cesena de rallumer le phare que Mussolini avait fait construire pour que la lumière du fascisme soit vue le plus loin possible (il visait 60 km à la ronde). La fondation a rappelé que c’est dans cette localité que des juifs furent exécutés et que le résistant Antonio Carini a été torturé et jeté du haut d’un pont.
Ce sont des signes qu’il ne faut pas prendre à la légère. La mouvance populiste et fascisante en Europe n’est pas un fantasme des médias. L’Italie, comme la France, ne sait pas comment empêcher l’émergence d’une extrême droite de plus en plus présente sur le terrain et dans les mentalités.
Source :
http://www.lepoint.fr/invites-du-point/tahar-ben-jelloun/tahar-ben-jelloun-italie-la-nostalgie-de-mussolini-plus-vivace-que-jamais-03-03-2017-2109140_1921.php

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4 Commentaires

  1. Michadri dit :

    À qui la faute??….aux partis traditionnels qui sont englués dans des affaires et traînent des batteries de casseroles ainsi qu’à cette Europe politique qui se moque des peuples coupée des réalités . Donc, je ne suis pas mécontent de voir prospérer ces partis populistes.

  2. Jean DELAIVE dit :

    Je n’ai pas de sympathie particulière pour le régime de Mussolini. Mais il faut reconnaître que celui-ci n’a jamais commis les atrocités qui caractérisent le régime nazi, en particulier les juifs. En 1940, l’Italie s’est  » réappropriée  » Nice et les environs ( en gros, le département des Alpes maritimes ). Cette région a été le refuge de nombreux juifs durant les premières années de la Seconde Guerre mondiale, le seul endroit de l’Europe occupée où les juifs étaient en sécurité. Lorsque Mussolini a été renversé, les Allemands ont occupé cette région et, bien sûr, l’Italie… Et là, les juifs ont été évidemment pourchassés !

  3. Pierre un gaulois dit :

    Das la zone occupée par l’Italie, les Autorités Italiennes se sont opposées aux lois antisémites du Gouvernement de Vichy.

  4. samuel dit :

    L’Italie a bien mieux protégé les juifs que la France de l’époque

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