VIDEO :Tom Holland, une contre-histoire de l’islam

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Dans « À l’ombre de l’épée », l’historien britannique explique comment la religion musulmane a été écrite, codifiée après coup à des fins politiques.
Par Laetitia Strauch-Bonart

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«  L’Histoire est le témoin des temps, la lumière de la vérité, la vie de la mémoire, l’institutrice de la vie, la messagère de l’Antiquité  », disait Cicéron. L’historien britannique Tom Holland pourrait souscrire sans mal à cette citation. Il explore depuis vingt ans, par ses ouvrages, ses romans et ses documentaires, les mystères des Empires romain et perse. À l’ombre de l’épée (Saint-Simon), son premier livre traduit en français, est sans doute le plus osé. Sorti en 2012 outre-Manche, tout comme Islam : The Untold Story, le documentaire qu’il a réalisé, À l’ombre de l’épée a fait l’effet d’une bombe, provoquant débats médiatiques et universitaires à n’en plus finir. La raison ? L’ouvrage traite de la naissance de l’islam et remet en question les conditions de son avènement telles qu’interprétées par la tradition musulmane elle-même. Pour l’historien, si les racines de l’islam radical sont à rechercher dans l’Antiquité, son remède l’est tout autant.
Le Point : Votre livre explore la naissance de l’islam. Pourquoi vous attaquer à ce vaste sujet ?
Tom Holland : Je souhaitais explorer la façon dont l’Empire arabe avait succédé à l’Empire romain pendant l’Antiquité tardive. Car le sujet fait débat. Personne ne doute que la France médiévale est l’héritière de la Gaule romaine – ce n’est pas un sujet de controverse. Mais, quand on évoque le Moyen-Orient du VIIe siècle, on fait comme s’il avait cessé d’être romain et perse du jour au lendemain pour devenir arabe. C’est historiquement impossible. L’Empire arabe est forcément, dans une certaine mesure, le successeur des Empires romain et perse, de la même façon que le règne des Francs est l’héritier de la Gaule romaine.
Vous parlez d’empire. Quid de la religion qu’il abritait ?
Pour comprendre l’émergence de cet empire, il me fallait explorer celle de l’islam. Ce projet était donc ardu : non seulement cette histoire est complexe, mais elle est sensible.
Pourquoi est-ce sensible ?
Parce que la tradition musulmane prétend que l’islam – le Coran – a été révélé par l’ange Gabriel au Prophète, dans le désert, à 1 000 kilomètres des mondes perse et romain. Si vous êtes musulman, l’islam doit être né dans ces conditions pour rester à l’abri de toute autre influence. Or les récits de la vie et des paroles de Mahomet sont apparus dans certains cas près de deux cents ans après son existence. L’histoire de la religion musulmane a été écrite pour justifier ce que les musulmans voulaient croire sur leur origine. On pourrait faire un parallèle avec Marie : Marie doit être vierge, car, si elle ne l’est pas, Jésus pourrait être le fils d’un être humain.
Où l’islam est-il né, alors ?
De nombreux historiens, aujourd’hui, pensent que l’islam n’est pas le produit du désert arabe mais du Proche-Orient – des Empires perse et romain. Il serait apparu à la frontière de la Palestine, de la Syrie et de la Jordanie. En l’étudiant, on comprend qu’il est issu de sociétés qui connaissaient la Bible : Abraham, Jésus, tous sont nommés dans le Coran. Il ne fait aucun doute que l’islam est le résultat d’un mélange de traditions qui l’ont précédé – juive, chrétienne, romaine, perse.
Revenons à votre ambition – retracer la naissance de l’Empire arabe. Que s’est-il passé ?
Pendant l’Antiquité, le Moyen-Orient est la partie du monde la plus lettrée, où se produit la plus grande fusion de cultes et de traditions. C’est de cette «  soupe primordiale  » que le judaïsme et la chrétienté émergent. Pendant des siècles, il était possible d’être un chrétien juif ou un juif chrétien. Progressivement, les frontières entre les religions deviennent rigides, mais pas pour les Arabes, qui étaient les seuls Barbares à pouvoir revendiquer de descendre d’Abraham. À la frontière et au-delà de l’Empire romain, les Arabes sont familiers du christianisme et du judaïsme, et ont aussi leurs propres dieux. Il y a donc un mélange incroyable d’ingrédients qui bouillonnent et vont former quelque chose…
Et du côté politique ?
À la fin du VIe siècle, la peste bubonique frappe la Méditerranée et le Moyen-Orient – son impact est spectaculaire, surtout dans les villes. Or les Empires romain et perse sont des civilisations urbaines qui dépendent des impôts et de la main-d’œuvre. À cause de la peste, les recettes s’effondrent, les deux empires devant faire appel à des mercenaires arabes. Pendant ce temps, les Arabes du désert sont bien moins affectés par la peste. Pour la première fois, le rapport de forces entre les terres occupées du Levant et les Arabes se renverse. Au début du VIIe siècle, la guerre froide entre les Romains et les Perses devient chaude et, pendant plus d’une décennie, la Syrie, la Palestine et l’Égypte sont perdues par les Romains et occupées par les Perses ; puis les Romains reprennent le dessus. Entre-temps, ils ont perdu de leur superbe – les mercenaires arabes, se rendant compte de leur supériorité, avancent, et l’Empire romain recule. Puis ils avancent contre les Perses, et la même chose se produit. C’est spectaculaire !
Pourquoi ?
Parce qu’à l’époque tout le monde voit dans ce qui se produit l’œuvre de Dieu. Bien sûr, il ne fait aucun doute que, dans le même temps, Mahomet existe, qu’il est le Prophète, et beaucoup d’Arabes le pensent. Mais d’autres Arabes qui avancent dans les territoires perses et romains ne le pensent pas.
Comment passe-t-on de quelques mercenaires à un empire ?
Avec le temps, une forme de royauté émerge, puis une guerre civile, et le calife de l’époque, Abd al-Malik ben Marwan, cherche à justifier son règne chez les Arabes et face aux chrétiens de Constantinople en se référant à Dieu : il frappe une monnaie qui porte le nom de Mahomet. Graduellement, tout au long du siècle suivant, quelque chose qu’on appelle l’islam voit le jour, qui justifie ce grand empire. Les pratiquants d’autres religions – chrétiens, juifs – commencent à se convertir, apportant leurs propres croyances avec eux.
Devaient-ils se convertir ?
Non ! Les Arabes ne le voulaient pas. Mais ces conversions se produisent. La conversion des juifs aura une influence très importante sur l’islam. Chez les juifs, il y a d’un côté la loi écrite, la Torah, et la loi orale, le Talmud. C’est exactement le modèle que les musulmans commencent à adopter, distinguant le Coran des paroles de Mahomet, la Sunna. Cela signifie que, pour attribuer quelque chose à Dieu, il suffit de l’attribuer à Mahomet ! Un nouvel aspect de l’islam apparaît, talmudique, au VIIIe siècle : une religion hostile aux prétentions du calife, qui demande aux puissants de faire amende honorable et que les sujets de l’empire utilisent contre leurs maîtres. On obtient donc à la fois un nouvel empire et une subversion de cet empire.
Les libéraux disent de l’islam qu’il est paix et tolérance ; l’État islamique, reprenant la version la plus impérialiste de cette religion, qu’il est djihad. Toute la question, pour un musulman, est donc de savoir ce qu’il choisit de mettre en valeur.
Et aujourd’hui, quelle version de l’islam a subsisté ?
Les deux ! L’islam est extrêmement divers. Il n’y a pas une forme véritable de la religion. Les libéraux disent de l’islam qu’il est paix et tolérance ; l’État islamique, reprenant la version la plus impérialiste de cette religion, qu’il est djihad. Toute la question, pour un musulman, est donc de savoir ce qu’il choisit de mettre en valeur.
À vous entendre, cela semble simple. Pourquoi est-il alors si difficile pour les musulmans modérés de reconnaître que l’État islamique revendique une appartenance à la même religion ?
La majorité des musulmans ne pense pas, évidemment, que leur religion soit destinée à conquérir le monde, mais l’émergence d’Al-Qaïda ou de l’État islamique a ravivé une tradition ancienne d’impérialisme musulman. Pour les musulmans modérés, l’État islamique est une menace existentielle, car il s’inspire du Coran. Un exemple : dans l’Empire arabe, juifs et chrétiens s’acquittaient d’un impôt, la djizîa, reconnaissant leur soumission au régime. Cette pratique est fondée sur un verset du Coran. Les chrétiens et les juifs l’ont payée pendant des siècles, jusqu’à son abolition, sous pression occidentale, au XXe siècle. L’État islamique l’a réintroduite. La question, pour les musulmans, est donc de savoir sur quelle base cette pratique est non islamique. Cette question est si gênante qu’ils préfèrent ne pas l’aborder.
Il faut donc en rester là ?
Non ! J’espère que la grande majorité des musulmans, qui sont décents et paisibles, sauront trouver des raisons théologiques qui expliquent pourquoi juifs et chrétiens ne devraient pas payer la djizîa ou pourquoi les femmes «  païennes  » ne devraient pas devenir des esclaves sexuelles. Se contenter de dire «  ceci n’est pas l’islam  » ne suffit pas. Ils doivent reconnaître que ces pratiques expriment une partie de la tradition musulmane et expliquer pourquoi ils ne la soutiennent plus.
Revenir à l’histoire de l’islam peut-il les y aider ?
Remettre en question les mythes qui justifient la domination d’un groupe sur un autre, ici une certaine interprétation de l’islam, est essentiel. Certes, faire retour sur le passé appartient à la tradition occidentale, ce qui rend le procédé intrusif pour les musulmans. Mais la contrepartie de ce travail est qu’il met en lumière l’élément subversif de l’islam. La solution à l’État islamique se trouve dans l’islam lui-même.
Extraits d' »A l’ombre de l’épée »
Aucun empire ne peut s’édifier dans le silence
L’avènement de l’islam fut l’une des révolutions suprêmes de l’histoire de l’humanité : voilà qui ne souffre pas de contestation. Dès lors, le simple fait de s’apercevoir que, de toutes les preuves écrites composées avant l’an 800, les seules traces que nous possédons relèvent soit d’infimes fragments, soit du chatoiement illusoire des mirages n’en est que plus accablant. À l’évidence, aucun empire ne peut s’édifier dans le silence mais, en somme, aujourd’hui, nous n’entendons de la fondation du califat que le bruit et la fureur de contes écrits plusieurs siècles après et qui ne signifient rien, ou du moins très peu de chose. Les voix des guerriers arabes qui démembrèrent les empires antiques de Perse et de Rome, et celles de leurs fils, ainsi que les voix de leurs fils à leur tour – sans compter celles de leurs filles et de leurs petites-filles – ont toutes été réduites au silence, totalement, et pour l’éternité. Ni lettres, ni discours, ni journaux, si tant est que quiconque en ait écrit, n’ont survécu ; aucun indice signalant ce que pensaient, ressentaient ou croyaient ceux qui ont véritablement vécu l’instauration du califat. Imaginons que nous ne possédions aucun récit de témoins directs de la Réforme protestante, de la Révolution française ou des deux guerres mondiales. […] Loin d’être né dans la pleine lumière de l’Histoire, l’islam a vu sa naissance enveloppée de ce qu’un nombre croissant d’exégètes percevaient comme un rideau de ténèbres presque impénétrables.
À n’en pas douter, très peu d’érudits oseraient prétendre que le Prophète n’a jamais existé. Un personnage du nom de Muhammad semble bien avoir fait intrusion dans la conscience de ses quasi-contemporains. Une source chrétienne évoque «  un faux prophète  » à la tête des Sarrasins lors d’une invasion de la Palestine. Ce texte fut écrit en 634 – deux ans à peine après la date traditionnellement retenue pour le décès de Muhammad. (…) Rappelons que ce fut autour de l’an 800 que les musulmans se résolurent enfin à écrire et à conserver des biographies consacrées à Muhammad. Nous ne pouvons savoir avec certitude ce qu’il a pu advenir d’éventuelles versions antérieures du récit de sa vie, mais il est une hypothèse sur laquelle insiste un auteur, Ibn Hichâm en personne. L’essentiel de ce que les générations antérieures ont consigné de la vie du Prophète, soulignait-il dans un commentaire sévère, était faux, insignifiant ou sacrilège.

Source :

http://www.lepoint.fr/editos-du-point/sebastien-le-fol/tom-holland-une-contre-histoire-de-l-islam-22-09-2017-2158893_1913.php

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2 Commentaires

  1. Jako Lévy dit :

    Excellent, bien documenté!!

     » le Coran – a été révélé par l’ange Gabriel au Prophète »

    tutututttt

    Gabri El c’est un Juif

    c’est Djibril qu il faut dire !! 😆

    • Julie dit :

      Il suffit de lire le CORAN ( pour ceux qui connaissent la Bible ) pour s’apercevoir que le Coran n’est qu’un mauvais plagiat de la BIBLE . Tous les personnages bibliques ont été vampirisés et ajoutés à une soupe islamique . Il suffit de lire l’ancien IMAM et Professeur à l’Université AL AZAR du Caire , du nom de « GABRIEL » après son renoncement à l’ISLAM et sa fatwa , pour comprendre l’Islam !! c’est clair comme de l’eau de roche !!

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