Zéro pointé Gaza / Iran : deux guerres avec Israël sans rapport ? La tragique erreur de la diplomatie française

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L’Occident semble reconnaître le droit à Israël de poser un coup d’arrêt au chantage nucléaire iranien. Concernant le Hamas, la situation est loin d’être aussi limpide. Pour en parler, le franco-iranien Emmanuel Razavi et Zineb Riboua, spécialiste du Moyen-Orient.
Atlantico : Depuis 1979, la Palestine est un des éléments stratégiques essentiels du régime iranien. Elle a servi à l’Iran chiite comme vecteur d’influence dans un monde musulman à majorité sunnite. Pour Israël, l’attaque contre l’Iran est-elle aussi une réponse « en défense » face à une nation qui a fait de l’opposition à l’Etat hébreu l’un des ciments de sa politique étrangère ?

Zineb Riboua : Oui. Depuis l’instauration de la République islamique en 1979, l’opposition à Israël ne constitue pas simplement une posture diplomatique ou idéologique, mais un pilier fondateur du régime. La rhétorique anti-israélienne permet à l’Iran chiite de se positionner comme défenseur de la cause palestinienne, et donc de gagner une légitimité dans un monde arabe majoritairement sunnite, souvent méfiant à l’égard de Téhéran. Cette instrumentalisation de la Palestine lui sert de levier pour asseoir son influence régionale. Au fil des décennies, cette stratégie s’est traduite par la construction d’un réseau de groupes armés pro-iraniens hostiles à Israël : le Hezbollah au Liban, le Hamas et le Jihad islamique en Palestine, les Houthis au Yémen, ainsi que plusieurs milices chiites en Irak et en Syrie. Ces entités forment ce qu’on appelle communément « l’axe de la résistance », mais il s’agit en réalité d’un dispositif militaire hybride, structuré et centralisé, avec pour objectif l’encerclement d’Israël et l’attrition de ses capacités de défense. Dans ce contexte, une opération israélienne visant l’Iran ne relève pas d’une logique d’expansion ou d’agression gratuite, mais bien d’une réponse défensive à une menace existentielle. L’Iran ne se contente pas de soutenir ces groupes sur le plan idéologique ; il les arme, les forme, et les dirige partiellement, les transformant en relais de sa politique étrangère. Téhéran agit donc comme un État-major transnational du terrorisme régional, et sa neutralisation s’inscrit dans une logique de protection de la souveraineté et de la sécurité israéliennes. Enfin, Israël ne peut ignorer que l’Iran, en plus de ses relais non-étatiques, poursuit des capacités balistiques et nucléaires susceptibles de transformer un encerclement stratégique en encerclement dissuasif. Dans un tel cadre, frapper l’Iran, c’est frapper le cœur opérationnel d’un système hostile, avant que celui-ci ne devienne irrémédiablement plus dangereux.

Emmanuel Razavi : Israël fait face à une menace existentielle. Depuis l’avènement de la république islamique en 1979, les mollahs disent qu’ils veulent éradiquer Israël de la surface de la terre. Le régime iranien est antisémite par essence. Dès lors, si la république islamique était sur le point d’obtenir une ou plusieurs bombes nucléaires, Israël était directement menacée dans son intégrité. Il faut rappeler aussi que l’Iran finance, arme, entraîne, les groupes terroristes palestiniens comme le Hamas et le FPLP, notamment. L’Iran finance, arme et entraîne également le Hezbollah au Liban, réplique du corps des gardiens de la révolution islamique. Israël protège donc son intégrité territoriale, mais aussi le monde occidental, car pour la république islamique d’Iran, Israël est la première étape de son djihad mondial. Cela est décrit dans le préambule de la constitution du régime d’octobre 1979.
Attaquer le programme nucléaire iranien, après avoir largement affaibli le Hezbollah, le Hamas, et dans une moindre mesure les Houthis, est-il aussi un moyen de se prémunir d’une prolifération nucléaire qui pourrait semer le chaos via les proxys terroristes de l’Iran dans la sous-région ?
Zineb Riboua : Absolument. Le programme nucléaire iranien ne menace pas seulement Israël : il représente un multiplicateur de puissance pour les milices terroristes soutenues par Téhéran. Empêcher l’Iran d’accéder à l’arme nucléaire, tout en affaiblissant ses relais régionaux, revient à limiter drastiquement sa capacité de nuisance. C’est une stratégie préventive contre une prolifération indirecte, par délégation, qui déstabiliserait durablement le Moyen-Orient.
Emmanuel Razavi : Il y a un risque évident que des organisations terroristes djihadistes profitent des avancées et de la recherche iranienne sur le nucléaire pour porter des coups fatals à Israël mais aussi aux démocraties occidentales. Il faut comprendre qu’à la tête de la république islamique d’Iran, il y a des gens qui pensent que l’heure de l’affrontement final avec Israël et les Etats-Unis est arrivé. C’est ce qui est enseigné aux jeunes gardiens de la révolution.

Peut-on dire que l’Iran a joué un rôle, même indirect, dans le 7 octobre ?
Zineb Riboua : Oui. Même si une implication opérationnelle directe n’est pas formellement établie, le soutien de longue date de l’Iran au Hamas est indéniable : financements, formations militaires, transferts d’armes, appui idéologique. Cette assistance continue a permis à Hamas de renforcer ses capacités offensives. Le 7 octobre est le produit d’années d’investissement stratégique de l’Iran dans l’architecture de la terreur régionale.
Emmanuel Razavi : Aujourd’hui, nous savons de façon documentée que la force Al-Qods, unité d’élite des gardiens de la révolution islamique, en charge des opérations extérieures iraniennes, a formé des djihadistes du Hamas en Iran. Et qu’elle avait connaissance parfaitement des projets du Hamas contre Israël, ce qui démontre la dangerosité de ce régime islamique et de ces proxies.
L’Iran poursuit-il une politique visant à empêcher toute normalisation entre Israël et les pays arabes, notamment l’Arabie Saoudite ?
Zineb Riboua : Sans aucun doute. L’Iran perçoit les accords de normalisation comme une menace directe à son influence régionale. Une alliance entre Israël et des puissances sunnites comme l’Arabie Saoudite affaiblirait l’axe chiite dirigé par Téhéran. C’est pourquoi l’Iran tente, par ses proxies et sa propagande, de saboter tout rapprochement israélo-arabe.
Emmanuel Razavi : Oui, bien sûr. L’intérêt des mollahs n’est pas de voir Israël avoir des relations apaisées avec les Etats arabes. Les mollahs veulent garder la suprématie au Moyen Orient. Ils voient d’un très mauvais œil ces rapprochements entre les Etats arabes et Israël.
Source
Atlantico

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