Act Up Paris : la dérive antisémite ?

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Propos racistes, cyberharcèlement, dérive idéologique : l’emblématique association de lutte contre le VIH traverse une crise sans précédent depuis l’élection de son nouveau président.
Par Nora Bussigny
Act Up Paris, association mythique de la lutte contre le sida en France, connaît depuis plus d’un an une tourmente qui menace son héritage. Fondée en 1989 sur le modèle américain d’Act Up New York, l’organisation avait retrouvé une nouvelle jeunesse après le succès du film 120 Battements par minute de Robin Campillo en 2017. Mais aujourd’hui, ce n’est plus pour son combat contre le VIH qu’elle fait parler d’elle, mais pour les choix idéologiques de certains de ses membres, au premier rang desquels son nouveau président.
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La fracture du 7 Octobre
En novembre 2023, peu après les attentats du 7 Octobre en Israël, un militant se faisant appeler « Sabri » propose en interne un communiqué de soutien aux civils palestiniens. Mais une phrase fait scandale : « Nous ne sommes pas débarrassés de l’inutile culpabilité face au régime de Vichy. » Cette formulation divise profondément l’association entre partisans d’une ligne « antisioniste » assumée et membres dénonçant une dérive antisémite.À lire
La sociologue Françoise Gil, figure de cette mouvance radicale, sera radiée d’Act Up en février 2024 pour avoir traité Eva Vocz, salariée juive de l’association, de « sioniste de première ». Un épisode révélateur des tensions internes qui gangrènent l’organisation.
En décembre 2024, dans des conditions dénoncées par plusieurs membres, Arlindo Constantino remporte l’élection à la présidence. Une victoire d’autant plus scrutée que l’association reçoit des subventions publiques substantielles : plusieurs dizaines de milliers d’euros annuels du ministère de la Santé et de la Mairie de Paris.
C’est sur un live Twitch, fin mai 2025, qu’Arlindo Constantino franchit une ligne rouge supplémentaire. Ses propos, largement relayés sur les réseaux sociaux, sont glaçants : « Ma fétichisation, ce sont les Blancs, je kiffe les Blancs, j’aime les tarter, j’aime les humilier. C’est à la fois une fétichisation sexuelle mais c’est aussi une forme de militantisme, c’est de dire : “Toi, tu es un Blanc, toi, tu es un sale Blanc et moi aussi j’en suis un, mais je vais te tarter la gueule.” Voilà, je le dis clairement. »
Ces déclarations ne constituent pas un fait isolé. Sur son compte X (ex-Twitter), le président d’Act Up multiplie les attaques personnelles. Le 18 juin dernier, il s’en prend au dessinateur Plantu en des termes particulièrement crus : « J’aimerais être respectueux. Mais je n’ai qu’une envie, c’est de lâcher une chiasse dégueulasse dans la bouche de Plantu. Il ne mérite que ça. »
Ses cibles privilégiées ? Les personnalités politiques socialistes et les figures homosexuelles du centre ou de droite, comme Gabriel Attal, Julien Odoul ou Jean-Philippe Tanguy, qu’il qualifie « d’homonationalistes ».
Eva Vocz, ancienne salariée d’Act Up, témoigne du cyberharcèlement qu’elle subit depuis 2022. « C’est quelqu’un que je n’ai jamais rencontré, mais il me harcèle depuis que j’ai dénoncé une publication antisémite de Didier Lestrade, l’un des fondateurs d’Act Up », explique-t-elle. « Il a remis en doute mon témoignage, pourtant confirmé par l’AFP, et s’acharne dès que je poste quelque chose. »
La jeune femme a dû supprimer ses réseaux sociaux en partie à cause de ce harcèlement. Plus grave encore, elle dénonce l’abandon par l’association de son engagement initial contre l’antisémitisme : « Lors de mon départ d’Act Up, mon employeur souhaitait s’engager contre l’antisémitisme, mais tout a été balayé au moment de l’élection de ce monsieur. »
Au-delà des polémiques personnelles, c’est la mission même d’Act Up qui est compromise. Eva Vocz souligne les enjeux sanitaires actuels : « Il y a aujourd’hui des enjeux importants dans la lutte contre le sida avec l’élection de Trump. Les coupes budgétaires concernant l’accès aux traitements dans certains pays vont avoir des conséquences épidémiologiques avec des répercussions en France. »
Plutôt que de se concentrer sur ces défis sanitaires cruciaux, Arlindo Constantino consacre son énergie au soutien à La France insoumise et à la dénonciation d’Israël, qu’il accuse notamment de « pinkwashing » – c’est-à-dire, dans la vulgate militante, d’instrumentaliser les droits LGBT à des fins de communication.
Son engagement politique ne date pas d’hier : en 2020, il figurait sur la liste « Bagnolet en commun », soutenue par la militante « indigéniste » Fatima Ouassak, ex-membre du Parti des Indigènes de la République.
Arlindo Constantino n’est pas un cas isolé. Dès le 7 octobre 2023, Thierry Schaffauser, travailleur du sexe et ex-figure d’Act Up, ancien candidat suppléant EELV aux législatives de la 17e circonscription de Paris, publiait sur Facebook son « soutien à la résistance palestinienne sous toutes ses formes ».
« Il y a eu une scission d’Act Up peu après la sortie du film 120 Battements par minute », se souvient Victor, ex-militant de l’association et aujourd’hui membre de l’association LGBT laïque Fiertés citoyennes. « L’élan à la suite du film a rapidement disparu et les membres disparaissaient comme peau de chagrin. »
Cet exilé vénézuélien ne cesse de dénoncer publiquement les dérives de l’association qui lui tient pourtant à cœur.
Face à cette dérive, d’anciens militants ont créé le collectif Act Up Paris Gate pour archiver et dénoncer la nouvelle ligne de l’association. « Nous avons voulu proposer un historique de la chute d’Act Up, tout en mettant l’accent sur l’importance d’un tel combat qui ne devrait pas être dévoyé », explique Pierre (prénom modifié), l’un des fondateurs.
« C’est une tragédie ce qui se passe. Nous avons tous jugé nécessaire de créer ce collectif pour combattre et dénoncer les positions du président », poursuit-il, déplorant qu’Arlindo Constantino, en tant que président d’association, fasse assimiler la figure du militantisme séropositif à sa personne. Arlindo Constantino a d’ailleurs précisé sur son compte X ne pas être porteur du VIH.
Son message est sans ambiguïté : « La Santé publique avant tout. Mais tout le reste n’est que conneries wokistes, entrismes indigénistes, n’ayant rien à voir avec le sida, les IST, l’homosexualité… »
Sollicitée par Le Point, l’association Act Up n’a pas souhaité répondre à nos questions concernant les prises de position de son président. La Mairie de Paris, pourtant financeur de l’association et informée des tensions lors de réunions de travail impliquant Arlindo Constantino, n’a pas non plus pour le moment souhaité réagir.
source Le Point

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