Affaire Sarah Halimi: l’enquête a basculé

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Une audition, des expertises… Après dix mois d’hésitations, la justice s’est résolue à requalifier le meurtre de Sarah Halimi en crime antisémite. Révélations.
« Avec le temps qui s’est écoulé, comment expliquez- vous les faits? » Il est 11 heures, ce mardi 27 février, lorsque les juges d’instruction Anne Ihuellou et Virginie Van Geyte soumettent Kobili Traoré au feu roulant de leurs questions. Le meurtrier présumé de Sarah Halimi, tuée en avril 2017 à l’âge de 65 ans, a pris place devant les deux magistrates dans leur cabinet du palais de justice de Paris. Sa silhouette filiforme est encadrée par deux praticiens d’une unité psychiatrique de l’hôpital Paul-Guiraud (Villejuif), d’où il a été extrait pour ce nouvel interrogatoire décisif, dont L’Express a consulté le procès-verbal.
« J’étais malade », répond, laconique, le suspect de 28 ans. Aujourd’hui, dit-il, il se sent « mieux ». Son traitement à base de Tercian et de Risperdal -deux antipsychotiques- a été allégé. Il reconnaît sans difficulté toute la chronologie du meurtre: oui, il s’est bien introduit chez sa voisine du dessus, Sarah Halimi, une retraitée juive orthodoxe, dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, à Paris.
Oui, il l’a bien frappée en hurlant « Allahou akbar » et des sourates du Coran: d’abord avec le combiné de son téléphone, puis avec ses poings. Oui, il l’a bien jetée par-dessus son balcon du troisième étage. Mais, assure-t-il, il demeure incapable d’expliquer pourquoi il a commis un tel acte de barbarie. « Je ne sais pas, je ne me souviens plus », glisse le jeune homme à chaque question posée sur le mobile du meurtre. Il le répète: « Je n’arrive pas à décrire ce qui se passait dans ma tête. »
Seulement voilà: après dix mois d’enquête, les juges d’instruction se sont forgé leur intime conviction sur le drame. Elles pensent désormais que Kobili Traoré a marqué son crime du sceau de l’antisémitisme. Qu’il a ciblé Sarah Halimi parce qu’elle était juive.
Kobili Traoré risque la réclusion criminelle à perpétuité
Peu importe ses dénégations sur ce point ou son absence supposée de souvenirs concernant ses motivations: après l’avoir entendu pendant près de deux heures ce 27 février, les magistrates ajoutent à sa mise en examen pour « homicide volontaire » la circonstance aggravante que « les faits ont été commis à raison de l’appartenance de la victime à une religion déterminée ».
En clair, le jeune Français d’origine malienne risque désormais la réclusion criminelle à perpétuité, contre trente ans de prison auparavant. Sarah Halimi « était une voisine normale, rien de spécial », tente de plaider le suspect, comme pour se laver de tout soupçon de haine antijuive. En vain.
C’est peu dire que cette péripétie judiciaire était attendue de longue date par les parties civiles. « Le bon sens a fini par triompher, observe Jean-Alex Buchinger, avocat des trois enfants de Sarah Halimi. La rage antisémite de Traoré était incontestable dès le début, au regard du mode opératoire et des paroles religieuses proférées. Il est regrettable que la justice ait mis autant de temps à admettre l’évidence. »
Entre soulagement et amertume, Gilles-William Goldnadel, le conseil du frère et de la soeur de la retraitée juive, salue aussi « la fin d’un déni ». Il avait adressé une lettre acide à la juge Ihuellou où il s’émouvait de sa « résistance idéologique ». « Elle n’a jamais voulu me recevoir, regrette l’avocat. Je n’ai jamais vu cela en trente ans de justice! »
Sous la pression de Macron et des intellectuels
La prudence de la magistrate avait été perçue comme excessive par les proches de la victime. A la fin de janvier encore, elle avait refusé la requalification demandée par les parties civiles pour un motif de procédure. Elle n’avait pas davantage répondu au réquisitoire supplétif du parquet de Paris, déposé dès septembre 2017, qui l’exhortait à enquêter sur des faits d’antisémitisme. La juge d’instruction avait préféré laisser planer le doute sur ses intentions pendant plus de cinq mois. Jusqu’à cette nouvelle audition de Kobili Traoré.
En réalité, il lui fallait se prononcer rapidement. Agacés par son silence, le parquet et les parties civiles s’étaient associés pour demander à la chambre de l’instruction, à la fin de janvier, de trancher à sa place le débat de la circonstance aggravante afin d’accélérer la procédure. Ou la forcer à prendre les devants…
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« Avec toute cette pression sur ses épaules, la juge était coincée, constate un acteur du dossier. Comme dans un péplum, tel Hercule, elle maintenait fermée une porte que toute une ville tentait d’ouvrir de l’autre côté! » S’y ajoute le climat hautement sensible: l’incompréhension de la communauté juive, éprouvée par la multiplication d’agressions antisémites en Ile-de-France, qui se demandait, dans un premier temps, pourquoi ce meurtre en pleine campagne présidentielle avait aussi peu fait parler; la mobilisation des intellectuels pour « la vérité » sur cette affaire; et, enfin, la déclaration ferme du président Emmanuel Macron selon laquelle, « malgré les dénégations du meurtrier, la justice doit faire désormais toute la clarté sur la mort de Sarah Halimi ». Une quasi-immixtion du pouvoir politique dans une affaire judiciaire.
Expertise autour d' »un acte à la fois délirant et antisémite »
Ce 27 février, lorsqu’elle sonde la psyché de Kobili Traoré, la juge Ihuellou ne s’appuie pas sur des éléments d’enquête nouveaux, susceptibles d’éclairer les ressorts idéologiques potentiels du suspect. Elle cherche à valider la thèse soutenue par le Dr Zagury. Dans ses expertises, le psychiatre évoque « un acte à la fois délirant et antisémite ».
En substance, rien ne dit que le jeune musulman était fondamentalement hostile aux juifs. Mais il le serait devenu lorsque, pris d’une « bouffée délirante » induite par la consommation de cannabis, il s’est aperçu que la dame était juive. Ce trouble psychotique, qui n’occulte pas sa responsabilité pénale, aurait réveillé chez lui un imaginaire irrationnel dans lequel le juif est associé « au côté du mal, du diabolique ». D’où l’acharnement sur Sarah Halimi, celle-ci incarnant le sheitan (Satan) dans ses préjugés les plus enfouis.
Kobili Traoré l’admet lui-même: il a pris conscience, chez la retraitée, qu’il se trouvait chez une personne de confession juive en remarquant « une torah et un chandelier » posés dans le salon. « Est-ce que voir ces deux objets change quelque chose dans votre tête? », l’interrogent les juges. « Peut-être […]. Je me sentais plus oppressé », confirme le suspect, tout en disant ne pouvoir l’expliquer. Et s’il se met subitement à la rouer de coups, poursuit- il, c’est parce qu’il aperçoit Sarah Halimi « parler avec quelqu’un au téléphone ». Faux, répondent les magistrates: « On a vérifié, Mme Attal [son nom de jeune fille] n’a appelé personne. »
En outre, lui rappellent-elles, Kobili Traoré n’a été violent avec aucun des autres protagonistes croisés lors de son épisode délirant long de vingt-quatre heures. Ni l’auxiliaire de vie de sa soeur, une Haïtienne qu’il dit pourtant avoir prise aussi pour « un démon qui faisait du vaudou ». Ni son beau-père, avec qui il était en conflit. Et pas plus les Diarra, les voisins de Sarah Halimi, chez qui il s’est invité afin d’enjamber leur balcon et surprendre la retraitée dans son sommeil. Pourquoi frapper seulement cette dernière? Traoré dit l’ignorer. « Pourquoi allez-vous chez les Diarra? » insistent les magistrates, suspectant une préméditation du meurtre. « Je ne sais pas […]. Je voulais retourner chez moi », évacue l’intéressé.
Évaluer l’enracinement de l’antisémitisme du suspect
D’autres éléments intriguent les juges. A-t-il vraiment fumé « 10 ou 15 joints de shit » ce jour-là, comme il le prétend? « Ce n’est pas ce que montre l’analyse toxicologique, qui fait état d’une concentration modérée », assène le duo. Pourquoi s’est-il mis à fréquenter la mosquée de la rue Morand, « répertoriée salafiste », deux ou trois mois avant les faits? « C’est suite à l’AVC de ma soeur », se défend Traoré.
Les juges cherchent à savoir si l’antisémitisme du suspect n’est pas plus profondément enraciné. Et si son passage à l’acte s’explique uniquement par son état mental. Mais elles ne disposent pas de preuves suffisantes. Les expertises pratiquées sur le matériel informatique du jeune meurtrier n’ont mis en évidence « aucun site antisémite ou djihadiste consulté ». Si ce n’est un documentaire complotiste sur YouTube intitulé L’Histoire secrète du 11 Septembre.Loin d’être une référence en matière de documentation antisémite…
Depuis sa mise en examen aggravée, Kobili Traoré a réintégré son unité pour malades difficiles (UMD) de Villejuif. « Il a pris un certain recul, mais il demeure fragile », note l’expert psychiatre dans son dernier rapport de janvier. Contactés, les avocats du suspect n’ont pas souhaité faire de commentaires. Leur client ne devrait pas sortir de sitôt.
SOURCE :
https://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/affaire-sarah-halimi-l-enquete-a-bascule_1990040.html

happywheels

3 Commentaires

  1. b. duchene dit :

    De toutes facons, il oublie tout, alors mettez le en taule pour les

    restant de sa vie, il oubliera comme tout le reste.

  2. David 1 dit :

    Non seulement , il tue une innocente mais en plus , il coute de l’argent à la France

    C’est une folie de s’encombrer d’une pourriture pareille

    Tout le reste , c’est du blabla de ce journal L’Express , appartenant à un courant politico idéologique européen qui a souvent milité pour l’immigration c’est à dire pour nous remplir la France de déchets pareils !!!!

    Si ses dirigeants avaient de l’honneur , ils devraient dissoudre leur torchon , vendre les locaux et donner l’argent à …Israel

  3. marredesrocards dit :

     » Sarah Halimi « était une voisine normale, rien de spécial », tente de plaider le suspect […]  »

    Il l’a juste tué, mais tout va bien, quoi.

     » il a pris conscience, chez la retraitée, qu’il se trouvait chez une personne de confession juive en remarquant « une torah et un chandelier » posés dans le salon. […]  »

    La mezouzah, il a du la confondre avec une boite aux lettres pour pigeons-voyageurs.

     » Kobili Traoré a réintégré son unité pour malades difficiles (UMD) de Villejuif. « Il a pris un certain recul, mais il demeure fragile […]»

    Ah ! C’est une victime aussi qui a trop bobo.
    A faire dans le coton, on a même des déchets d’assassins qui nous prennent pour des cons.

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