Ilan Halimi : une suite ou un début ?

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de Philippe Bilger
L’indécence humaine n’a pas de limites et il n’est pas nécessaire d’avoir été avocat général pour être persuadé de la justesse de ce constat pessimiste dont la validité se confirme jour après jour.
Profanations des lieux de culte, des cimetières de toutes confessions, irruptions intempestives et délirantes de militantes dépoitraillées dans des espaces longtemps respectés, dérisions faussement libres mais vraiment odieuses, saccages, destructions et souillures dans tous les sens du terme.
Comment, alors, être sincèrement étonné par la dégradation de la plaque apposée à Bagneux, en 2011, en mémoire d’Ilan Halimi, assassiné en 2006 par Youssouf Fofana à la tête du « gang des barbares » ?
Il est même miraculeux, compte tenu du contexte évoqué plus haut, qu’elle ait été brisée seulement au bout de quatre ans ! Elle sera remise en état le 5 mai. Pour combien de temps ?
L’enquête qui a été ordonnée par le parquet de Nanterre permettra peut-être d’identifier le ou les auteurs de cet acte lamentable.
Si l’issue des investigations est positive, j’entends déjà l’argumentation soutenant qu’il n’y avait rien de raciste ou d’antisémite, que c’était un geste comme cela, rien de plus, la conséquence d’un désœuvrement appelant à accomplir n’importe quoi. L’ennui et ses méfaits.
La classe politique, toutes tendances confondues, de François Hollande à Éric Ciotti, de Manuel Valls à Claude Bartolone, s’est indignée et on devine confusément la satisfaction amère avec laquelle elle se vautre dans des consensus tout de dénonciation et d’empathie qui, eux, ne lui demandent aucun effort.
Cependant, je suis persuadé qu’il y a eu, dans cette bande ou ce destructeur, même à Bagneux, probablement une ignorance totale de ce qu’a été cette terrifiante tragédie qui a ému la France en 2006 et dont, sur le plan judiciaire, j’ai tiré les réquisitions qui convenaient lors du premier procès.
De la même manière, si l’émoi politique et médiatique se convainc que la dégradation de la plaque a été inspirée par le racisme ou l’antisémitisme, je suis réservé devant cette interprétation qui rationalise le pire. La bêtise ne conceptualise pas ou alors son ressort vient d’ailleurs, ses motivations sont infiniment plus quotidiennes, élémentaires, comme un refus instinctif.
Ce qui est décrété respectable doit être plus que banalisé, sali.
Les injonctions, les avertissements prodigués par le pouvoir, les autorités, les adultes, les « grands », avec la pompe des mots et la solennité de la morale, non seulement ne servent à rien mais suscitent à coup sûr, comme un inéluctable effet pervers, des réactions de rejet, des pulsions de violation et une aspiration à mettre à mal, dans une confusion singulière ou collective, ce que cette société qu’on déteste et dont on se sent exclu paraît privilégier.
Ce qu’on devine, ce qu’on sait interdit, bien au-delà de la loi, a des charmes inouïs pour l’ineptie vacante et démobilisée.
Il faut pourtant continuer à combattre le racisme, l’antisémitisme mais sans oublier jamais que, derrière les gestes qualifiés d’ignobles dont la condamnation rassemble, il y a parfois plus des voyous ignorants et casseurs – cette plaque étant la marque évidente d’une mémoire, d’un hommage, on la brise ! – que des antihumanistes réfléchis et conséquents. Plus de réflexe niais que de pensée dévoyée.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : ce qui est advenu et a été constaté le 3 mai ne représente pas un début mais une suite.
L’ignominie, sous tous ses visages, suit son cours.
source :

http://www.philippebilger.com/blog/2015/05/ilan-halimi-une-suite-ou-un-d%C3%A9but-.html

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