« Nous, Français de toutes origines, croyants ou non, appelons à un sursaut face au péril antisémite »
Par Tribune collective
TRIBUNE – L’attaque terroriste qui a touché l’Australie n’est ni un acte isolé ni un fait divers, pointent plusieurs personnalités, dont Sonia Mabrouk et Georges Bensoussan, dans cette tribune collective. Ces assassinats sont le fruit d’un antisémitisme désinhibé et nourri par certains politiques au sein même de nos démocraties, insistent-elles.
Nous, Français de naissance ou d’adoption, Français venus d’Europe, d’Orient et d’Afrique du Nord, profondément attachés au modèle républicain, appelons par cette tribune à un sursaut face au péril antisémite. À Sydney, des Juifs ont été assassinés de sang-froid alors qu’ils célébraient Hanoukka, la « fête des Lumières », symbole d’espoir et de paix. Cette tuerie nous a saisis d’effroi. Elle ne s’est pas produite dans l’ombre d’un conflit lointain ni sur un champ de bataille, mais au cœur d’une démocratie, dans un moment de communion et de joie. Ce seul fait devrait suffire à réveiller les consciences.
L’attentat de Bondi Beach, le pire qu’ait connu l’Australie dans son histoire, n’est ni un acte isolé ni un banal fait divers. Il s’inscrit dans une séquence globale de radicalisation et de violences, amorcée le 7 octobre 2023, dans laquelle les Juifs sont redevenus des cibles prioritaires. Il est aussi l’aboutissement tragique d’un aveuglement collectif. Il ne s’agit pas d’une confusion, mais d’une dérive caractérisée : dans certaines manifestations se réclamant de la cause palestinienne, des slogans de haine ont été scandés sans ambiguïté.
À Sydney, dès le 9 octobre, avant toute riposte israélienne à Gaza, « Fuck the Jews » retentissait déjà. Les pogroms du Hamas ont agi comme un catalyseur mondial de cette haine féroce. Depuis, l’antisémitisme explose, se banalise, se décomplexe. Il s’exprime sans honte dans la rue, sur les réseaux sociaux, dans certains cercles militants et parfois jusque dans l’espace politique. En Europe, aux États-Unis et au Canada, la notion de « convergence des luttes » sert de cadre à des rapprochements idéologiques inquiétants. Des mouvements militants, parfois radicalisés, y côtoient des discours islamistes et identitaires, trouvant dans un conflit qui n’est pas le leur un exutoire politique. Cette alliance de circonstance nourrit les amalgames et légitime une hostilité généralisée, dont les Juifs paient le prix.
Lorsque cette hostilité est banalisée, lorsqu’une furie antisémite est travestie en engagement prétendument juste et que des discours attisant les passions sont tolérés, le venin se diffuse. Chaque recul, chaque concession rapproche un peu plus le passage à l’acte. La société s’en trouve moralement désarmée, incapable de faire face aux conséquences bien réelles de récits falsifiés et toxiques. Nous, Français de toutes origines, croyants ou non, sommes réunis ici pour alerter sur la terrible menace qui se profile. Nos origines, nos histoires, nos mémoires sont différentes – parfois antagonistes. Mais cette diversité n’est pas une faiblesse : elle est notre force. C’est précisément parce que nous venons d’horizons multiples que nous parlons aujourd’hui d’une seule voix. Notre vécu commun, façonné par l’expérience, nous donne l’instinct d’identifier le danger lorsqu’il surgit.
Lorsque les Juifs sont pris pour cibles, c’est le signal avant-coureur d’un effondrement plus large : celui de la raison, de l’État de droit et de la paix civile.
Nous refusons de nous contenter de condamnations et de condoléances. La haine et le terrorisme ne se combattent pas par des rituels verbaux, mais par le courage politique et moral de nommer les réalités. De les combattre ensuite, avec détermination. Derrière cette haine, il existe une matrice idéologique clairement identifiable. Elle est aujourd’hui principalement portée par une frange de l’ultragauche, relayée et renforcée par des courants islamistes qui ont fait de l’hostilité aux Juifs un marqueur central. Cette convergence n’est ni marginale ni accidentelle. Elle est pensée dans un esprit de fracture et de discorde, avec le chaos comme seul horizon. Malgré des postures de façade après l’horreur de Sydney, la responsabilité de La France insoumise est engagée dans la montée de l’antisémitisme. Par ses ambiguïtés et sa radicalité assumée, ce mouvement a contribué à déplacer les frontières du dicible en réactivant les ressorts du nouvel antisémitisme. Nazifier Israël, qualifier des voix juives de « soutiens au génocide », promouvoir des listes de boycott : autant de dérives qui banalisent la stigmatisation et installent un climat dangereux.
Car les Juifs sont, une fois encore, les canaris dans la mine. Lorsqu’ils sont pris pour cibles, c’est le signal avant-coureur d’un effondrement plus large : celui de la raison, de l’État de droit et de la paix civile. Nous lançons l’alerte parce qu’un choc arrive. Et si nous persistons à refuser d’affronter la racine du mal ; si nous continuons à détourner le regard, à relativiser, à disqualifier ceux qui avertissent, alors la confrontation, lorsqu’elle surviendra, n’en sera que plus brutale, plus destructrice, plus irréversible. Face aux faiseurs de haine, il est temps de garantir une justice forte et impartiale, appliquée sans aucune complaisance. Face aux faiseurs de haine, il est temps que l’État exerce pleinement son autorité, sans frémir ni reculer, pour protéger la cohésion nationale et l’ordre républicain. Face aux faiseurs de haine, il est temps d’une réponse collective ferme et assumée, refusant toute relativisation et toute excuse. Il est encore temps de faire un choix. Celui de la lucidité plutôt que du déni. Celui du courage plutôt que du confort. La responsabilité plutôt que la lâcheté. Il faut agir vite maintenant avant qu’il ne soit trop tard.
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Maxime Perez, ancien journaliste et expert en gestion de crise,
Sarah Perez-Pariente, docteur en science politique,
Michel Fayad, politologue et géopolitologue,
Julie Decroix, docteur en relations internationales,
Emmanuel Razavi, grand reporter,
Hilda Dehghani-Schmit, Prix international 2023 de la laïcité,
Paul Amar, journaliste,
Georges Bensoussan, historien,
Nora Bussigny, journaliste d’investigation et auteur,
Arno Klarsfeld, avocat,
Mohamed Louizi, essayiste,
Sabrina Medjebeur, essayiste et sociologue,
Naïma M’Faddel, essayiste et experte politique de la ville,
Lina Murr Nehmé, historienne et islamologue,
Faraj Alexandre Rifai, écrivain et analyste,
Omar Youssef Souleimane, écrivain et journaliste,
Sonia Mabrouk, journaliste et directrice de collection.
Source
Le Figaro
