Quand Tariq Ramadan voulait venir chez Alain Juppé

By  |  7 Comments

Dans un livre, Virginie Calmels raconte comment la venue à Bordeaux de l’islamologue révèle « la vision molle » des équipes de Juppé dans le combat identitaire.
PAR OLIVIER PÉROU
C’était une venue qui n’avait, à l’époque, pas alerté Alain Juppé de prime abord. Fin mars 2016, l’islamologue Tariq Ramadan doit donner une conférence sur « les clés du vivre ensemble » au palais des congrès de Bordeaux, à l’invitation de l’Espace culturel musulman et l’association In peace event. Depuis des semaines, le prédicateur controversé enchaîne les colloques dans plusieurs villes de France. Et partout où il passe, la polémique le précède. Sans doute le maire avait-il la tête ailleurs, particulièrement aux primaires, qu’il préparait déjà secrètement avec ses équipes.
Dans les couloirs de la municipalité bordelaise, personne ne saisit la mesure de l’enjeu. Une conseillère régionale socialiste s’étonne même dans la presse régionale que le maire de Bordeaux ne se soit encore exprimé. « [Il] est à 300 000 lieues des idées de Tariq Ramadan », fait savoir mollement le cabinet d’Alain Juppé à l’époque. C’est son bras droit à la mairie Virginie Calmels qui s’en émeut la première. « J’alerte Alain Juppé [de la venue de Ramadan] par SMS. Je découvre qu’il n’est pas au courant. Décidément, je me demande vraiment si son cabinet bordelais à envie qu’il gagne… », écrit l’actuelle numéro deux des Républicains dans son livreJ’assume à paraître mercredi et dans lequel elle tente d’expliquer les deux lignes qui s’affrontent chez les juppéistes : celle de l’identité heureuse et la sienne, celle du livre Pour un État fort d’Alain Juppé.
Conflit idéologique
Elle sera la seule à se saisir de la polémique, tentant de la tuer dans l’œuf : « Je prépare une tribune intitulée M. Ramadan, vous n’êtes pas le bienvenu que je signe et envoie pour publication au Huffington Post, après m’être assurée auprès d’Alain Juppé de son accord sur le fond. Pour l’édile de Bordeaux, la suite se joue devant caméras et micros. Il y dénonce « les propos ambigus et dangereux de Tariq Ramadan » et assure qu’il « n’est pas le bienvenu à Bordeaux ». Auprès du préfet Pierre Dartout, il se soucie d’éventuels moyens d’interdire la conférence. Virginie Calmels raconte : « Certains dans l’équipe me remercient d’avoir pris les devants et commis ma tribune. Mais aucun dans l’équipe rapprochée. »
Car c’est bien cet entourage particulier, de Gilles Boyer à Benoist Apparu et Ludovic Martinez, que Virginie Calmels vise. L’épisode est symptomatique « des deux lignes antagonistes chez les soutiens d’Alain Juppé » sur la question de l’islam. Un conflit idéologique « qui perdurer[a] jusqu’à la défaite… et au-delà ». « Car les juppéistes ralliés à Emmanuel Macron sont les mêmes que ceux qui trouvaient que l’identité heureuse était une bonne approche, que ceux comme Édouard Philippe qui choisissent de mettre au pilon des mousses au chocolat sous prétexte qu’elles contiennent de la lécithine de porc ou, comme Benoist Apparu, qui peuvent prôner le financement des mosquées par l’État », écrit-elle. Celle qui refuse d’être juppéiste comme les autres, abonde : « Ce désaccord tant sur les racines chrétiennes que sur la question de l’islam marque la vision molle de la direction de campagne d’Alain Juppé dans le combat identitaire qui s’engage dans l’esprit des Français. »

En filigrane, Virginie Calmels s’interroge sur la volonté des proches de Juppé de remporter la primaire de la droite. Preuve en est, semble-t-elle dire, cette visite de Tariq Ramadan, qui fut le premier avertissement de la campagne de déstabilisation lancée par la fachosphère sur les réseaux sociaux, qui suivra jusqu’au lendemain de la primaire de la droite. Des mois durant, certains prêteront au Bordelais une supposée complaisance du maire de Bordeaux envers l’islam politique, lui accolant le surnom « Ali Juppé ». Et Calmels de déplorer : « En fait, la direction de campagne craint que l’opinion publique n’ait conservé l’image du Juppé droit dans ses bottes, dur et cassant de 1995. De ce fait, elle va œuvrer pour mettre en valeur son côté sympathique et consensuel et renoncer à tout conflit, quitte à affadir la campagne et n’apporter aucune réponse sur les débats de fond. »

Découvrez un extrait de « J’assume » de Virginie Calmels :

Quelques semaines auparavant, le 24 mars 2016, la venue de Tariq Ramadan avait déjà lancé le débat. Je découvre le tollé qui menace d’envahir les réseaux sociaux à juste titre. Ce triste sire, que les Français commencent maintenant à percevoir sous un jour beaucoup plus complet après les récentes révélations sur son comportement odieux envers les femmes, a tenu par le passé des propos inacceptables et nous ne pouvons donner l’impression de passivité ou pire, de silence valant caution. Ni une ni deux, j’alerte Alain Juppé par SMS. Je découvre qu’il n’est pas au courant. Décidément je me demande vraiment si son cabinet bordelais a envie qu’il gagne… Le moins qu’on puisse dire en tout cas est qu’il n’est pas en alerte. Je prépare dès le lendemain une tribune intitulée « M. Ramadan, vous n’êtes pas le bienvenu » que je signe et envoie pour publication au Huffington Post, après m’être assurée auprès d’Alain Juppé de son accord sur le fond. Tout en respectant le principe de la liberté d’expression, cette tribune marque une vraie distance et mon désaccord personnel sur la venue de Ramadan.

« La venue de Tariq Ramadan à Bordeaux pose un véritable problème moral, exacerbé par le contexte dramatique des attentats de Bruxelles. Pouvons-nous accepter qu’un prédicateur aux accointances troubles puisse venir exposer ses idées pour le moins inquiétantes ? Pouvons-nous accepter que, suivant l’exemple de ses indécentes déclarations après les attentats du 13 novembre, M. Ramadan s’empare à nouveau de l’attention des médias et joue la provocation devant la douleur d’une nation ? Ma position est claire : je ne l’accepte pas et n’envisage pas une seule seconde d’assister à sa conférence. Pour autant, ceux qui prétendent faire peser sur Alain Juppé et la ville de Bordeaux la responsabilité de la venue de Tariq Ramadan se trompent. Dans un État de droit, il n’est pas possible d’empêcher une réunion, pas possible d’interdire à quelqu’un de s’exprimer, même si les thèses qu’il soutient sont profondément déran- geantes et contraires à nos valeurs. La ville de Bordeaux a interrogé la préfecture, qui a répondu qu’en absence de risque de trouble à l’ordre public, rien ne permettait d’empêcher cette réunion. Je pense néanmoins que c’est faire bien trop peu de cas des paroles, pour ne pas penser qu’elles peuvent blesser, qu’elles peuvent faire le mal, qu’elles sont dangereuses. La décision ne m’appartient pas, pas plus d’ailleurs qu’à Alain Juppé. Ce que je voudrais souligner enfin, c’est qu’au-delà de la liberté de chacun, il arrive un point où seule compte la responsabilité de chacun. M. Ramadan, si vous respectez véritablement les valeurs d’humanisme et d’universalisme que vous prônez dès que vous êtes en difficulté, alors renoncez, renoncez à votre venue, renoncez pour une fois à votre appétit médiatique. Il est un temps pour les discours, mais nous n’avons pas besoin aujourd’hui de vos paroles de victimisation, de vos éclats qui ne visent qu’à déchirer le tissu de la concorde républicaine, à monter les citoyens les uns contre les autres, à attiser les ressentiments. Nous avons aujourd’hui besoin de dignité, besoin de faire corps autour de la République et des idéaux de liberté qui font l’Europe. Nous avons besoin de fraternité. Nous avons besoin de silence. »

Alain Juppé me répondra assez sèchement : « Ce texte est bon. La seule chose qui me retient, c’est que j’ai l’air de me justifier ! ! ! » Je lui explique que si j’ai pris soin de le citer à plusieurs reprises dans ma tribune c’est parce qu’il me semble fondamental de rappeler que le maire n’a pas le pouvoir d’interdire une telle conférence et que seul le préfet aurait pu le faire en cas de trouble à l’ordre public, ce qui ne sera pas le cas. Certains dans l’équipe me remercient d’avoir pris les devants et commis ma tribune. Mais aucun dans l’équipe rapprochée. J’enverrai d’ailleurs ma tribune publiée dans le Huffington Post à Gilles Boyer accompagnée de ce message : « Pour info. AJ m’a donné son accord. Si la critique vis-à-vis d’AJ s’amplifiait, ça pourrait servir ! Mais il considère que c’est le FN qui s’agite, et il ne veut pas donner l’impression de se justifier. Je crains que ce ne soit bien plus large… Et je suis convaincue que c’est un vrai sujet de vigilance dans son positionnement politique, trop de gens ont intérêt à dénaturer ses propos en la matière. À ta dispo pour en parler pour voir comment améliorer. Bises. V. » Ce mail restera sans aucune réponse du directeur de campagne.

J’observerai une fois de plus à cette occasion les deux lignes antagonistes chez les soutiens d’Alain Juppé sur cette question, qui perdureront jusqu’à la défaite… et au‐delà. Car les juppéistes ralliés à Emmanuel Macron sont les mêmes que ceux qui trouvaient que « l’identité heureuse » était une bonne approche, que ceux comme Édouard Philippe qui choisissent de mettre au pilon des mousses au chocolat sous prétexte qu’elles contiennent de la lécithine de porc ou, comme Benoist Apparu, qui peuvent prôner le financement des mosquées par l’État. Les juppéistes non ralliés à Emmanuel Macron, auxquels j’appartiens, sont ceux qui pensent que sur ces questions Emmanuel Macron n’a pas pris la mesure de la gravité de la situation, n’a pas intégré la nécessité que notre Nation ne lâche plus rien, en ayant déjà bien trop lâché, et soit d’une clarté totale sur les questions migratoires et d’une fermeté absolue sur celles de l’islamisme radical. Alors que je suis chef d’entreprise et que le projet économique a focalisé l’essentiel de mon attention, j’en viens à me dire que le rôle clé de l’État est d’abord et avant tout dans les domaines régaliens (police, justice, armée, sécurité, immigration, laïcité) sur lesquels les Français sont pris en otage de leurs politiques et ne peuvent rien faire. Car dans les domaines régaliens, nous, citoyens français, sommes totalement impuissants, nous en sommes réduits à subir passivement les conséquences des politiques menées. Mais au fond ce désaccord tant sur les racines chrétiennes que sur la question de l’islam marque la vision molle de la direction de campagne d’Alain Juppé dans le combat identitaire qui s’engage dans l’esprit des Français et auquel elle préfère répondre en développant largement le concept de l’« identité heureuse ». En fait, la direction de campagne craint que l’opinion publique n’ait conservé l’image du Juppé « droit dans ses bottes », dur et cassant de 1995. De ce fait, elle va œuvrer pour mettre en valeur son côté sympathique et consensuel et renoncer à tout conflit, quitte à affadir la campagne et n’apporter aucune réponse sur les débats de fond.

SOURCE :
http://www.lepoint.fr/politique/quand-tariq-ramadan-voulait-venir-chez-alain-juppe-13-03-2018-2201963_20.php

happywheels

7 Commentaires

  1. Salmon dit :

    Dans mon immeuble pendant les élections
    Placardâge pour Juppe et macaron

  2. Alice dit :

    Edgar Morin avec cette tache ! ! ! ! !

    • Gégé dit :

      La tâche c’est pas Ramadan…c’est Morin ! Car c’est bien les Morin, Plenel and co qui ont adoubé cet icône du radicalisme islamique qui n’allait au zenith que parce qu’on lui fit la courte-echelle.
      En bref l’islamo-gauchisme est bien plus dangereux que l’islamisme car c’est lui qui l’entretient.. …

  3. Jose. Pahat dit :

    Alors comme ça, la trique voulait s’taper Ali Jupette.? .. A voile et à vapeur, l’ami cahuettes en folie!!! L’autre bordille de l’une des capitales du commerce triangulaire aurait été pris ( c’est le verbe qui convient) entre deux tarek : broubrou et le tartuffe suisse. Joli trio…de la bouillie bordelaise, qu’ils en auraient fait de l’Ali, les deux beurricots. Un chouette scénario de film d’horreur, non?
    Plus on avance dans cette histoire scabreuse et plus on se régale. Et avec Dwy Dwy Nelpley, qu’est – ce qu’on va- t- il apprendre?

  4. Hector dit :

    Elle est marrante l’affiche, la France bobo dans toute sa caricature:

    Prôner des horreurs fondées sur des valeurs non démocratiques MAIS dans un décor pastel et confort derrière des arabesques et devant un beau bouquet de fleurs, blanches s’il vous plait,

    Entre un idéologue qui a l’air si studieux, si humble et admiratif d’un faux penseur, filou imposteur, qui croit pour sur à ses délires…

    heureusement que des femmes musulmanes, s’il vous plait, super courageuses et intègres, sont passées par là depuis et permettent à la justice de révéler les grandes mascarades de nos bobos bébés intellectuels et dévastateurs de nos si chères valeurs et de mettre les prédateurs au trou.

  5. Hector dit :

    J’oubliais le comble du dégout de cette affiche, la petite colombe de la paix…

Publier un commentaire

Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.