« Enfant de putain de salafiste de merde » : où démarre l’injure raciale ?

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Une plainte pour injure publique en raison de sa religion avait été déposée par l’ancien directeur du CCIF, Marwan Muhammad. La Cour de cassation a tranché.
Par Marc Leplongeon
C’est un débat technique et périlleux auquel s’est livrée la Cour de cassation, chargée de répondre à une question que l’on pourrait résumer ainsi : lorsque des salafistes sont insultés publiquement, les musulmans le sont-ils aussi ? Intense débat qui consiste à se demander si le salafisme peut être considéré comme une religion ou davantage comme un courant de pensée politique

Le 2 décembre 2015, Ahmed Meguini, un activiste laïque, se fend sur Twitter de deux messages à l’attention de Marwan Muhammad, ancien directeur du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). « Si tu as un peu de courage enfant de putain de salafiste de merde, suis moi et on se rencontre », lui dit-il. Avant de poursuivre : « Tu me RT (retweet, NDLR) petite merde, follow moi si t’as des couilles, qu’on se parle, je viens te voir où tu es. »
Injure publique en raison de la religion
Les archives de Twitter permettent de retrouver les amabilités échangées à l’époque entre les deux hommes, le premier invectivant clairement le second. « Range ton islam de pleurnichard, tu n’émeus personne petit bonhomme. On t’aura, ce n’est qu’une question de temps » ; « islamiste défroqué » ; « petite crevure ». Ce à quoi Marwan Muhammad répondait : « J’ai toujours pas compris ce que tu veux me faire. Explique-moi mon cochon. »
Ces propos n’ont aucun intérêt, sauf à vouloir reconstituer le contexte dans lequel ces échanges ont eu lieu. À l’époque, Marwan Muhammad fera le choix de ne dénoncer que les propos ayant une « coloration religieuse évidente », selon son avocat Me Guez Guez. Et portera donc plainte pour injure publique en raison de sa religion.

L’enquête ne pose aucune difficulté : Ahmed Meguini tweete sous son vrai nom et reconnaît sans peine être l’auteur des messages litigieux. L’homme est poursuivi et renvoyé devant le tribunal correctionnel, mais obtient gain de cause, les juges considérant que la critique d’Ahmed Meguini visait les salafistes, et non les musulmans dans leur ensemble. Le militant, défendu par Me Patrick Klugman, n’aurait donc pas, selon le tribunal, cherché à stigmatiser des personnes en raison de leur obédience.
Un non-sens, selon Me Guez Guez : « On ne choisit pas le mot « salafiste » innocemment. On sait la charge symbolique que ce mot porte, en plus de renvoyer à la religion, donc à l’islam. » L’ancien directeur du CCIF fait appel. Et gagne. La cour d’appel de Versailles considère en effet que l’expression « enfant de putain de salafiste de merde » est injurieuse, ce que personne ne conteste.

Mais les juges estiment aussi que cette insulte renvoie « nécessairement à la religion de Marwan Muhammad, lequel est de confession musulmane, ce terme ne pouvant pas être employé à l’égard de personnes d’autres religions, peu important que le salafisme soit lui-même ou non une religion ». Une atteinte à la dignité et à l’honorabilité de monsieur Muhammad a donc été commise.
Le salafisme, un courant de pensée de nature politico-religieuse
Le 1er septembre, la Cour de cassation a finalement tranché : « Le premier message outrageant incriminé visait monsieur Muhammad en raison de son appartenance, non pas à la religion musulmane, mais à un courant de pensée de nature politico-religieuse, notamment opposé au concept de laïcité, selon ce qu’ont souverainement retenu les juges, sans tirer les conséquences que ce constat appelait. »
Comprendre : le salafisme ne peut pas être protégé par l’article 33 de la loi sur la liberté de la presse, qui punit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende celui ou celle qui injurie une personne en raison de sa « religion ». « Que les propos étaient constitutifs d’une injure, cela ne fait pas de doute, mais ce n’était pas l’objet des poursuites, réagit Me Michael Ghnassia, avocat d’Ahmed Meguini devant la Cour de cassation. La même instance a estimé que les propos n’étaient pas dirigés contre les musulmans », mais contre Marwan Muhammad, qu’Ahmed Meguini assimile à un militant de l’islam politique.

La Cour de cassation avait déjà été amenée à trancher cette question. En novembre 2015, Georges Bensoussan, historien et responsable éditorial au mémorial de la Shoah, débat lors de l’émission de radio Répliques, animée par Alain Finkielkraut, avec le chercheur Patrick Weil. Bensoussan explique alors que « l’intégration est en panne », qu’un « autre peuple se constitue au sein de la nation française, qui fait régresser un certain nombre de valeurs démocratiques ». L’historien poursuit en dénonçant un « antisémitisme violent et viscéral », ajoutant que « dans les familles arabes en France et tout le monde le sait, mais personne ne veut le dire, l’antisémitisme, on le tète avec le lait de la mère ».
Ces propos avaient choqué, laissant penser que l’antisémitisme, chez les Arabes, répondait à une sorte d’ordre biologique, naturel, à une tradition familiale profonde et ancrée. Comme le rappelle cependant la professeure de droit Roseline Letteron sur son blog, Bensoussan avait obtenu une relaxe, la Cour de cassation considérant, comme la cour d’appel, que ses propos ne visaient que les musulmans salafistes ou les territoires où ils étaient nombreux, et pas « l’ensemble de la communauté arabo-musulmane ».
Alors, la justice française considère-t-elle que le salafisme n’est pas une religion ? Difficile de répondre, tant elle louvoie sur la question. « Il est en effet bien délicat de déclarer que le salafisme n’est pas lié à une idéologie religieuse, tant il est vrai que l’islam ignore la distinction entre le politique et le religieux, observe Roseline Letteron. La Cour de cassation adopte donc une démarche quelque peu biaisée, en limitant la sanction pénale aux cas où la provocation (en 2017) ou l’injure (en 2020) vise l’ensemble d’un groupe religieux identifié comme tel. »
Et la professeure de droit de conclure : « Cette jurisprudence facilite la liberté d’expression et autorise les critiques contre tous les intégrismes, considérés en quelque sorte comme détachables de la religion à laquelle ils déclarent se rattacher. »
Source :
https://www.lepoint.fr/societe/enfant-de-putain-de-salafiste-de-merde-ou-demarre-l-injure-raciale-15-09-2020-2392099_23.php

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5 Commentaires

  1. vrcngtrx dit :

    La cour de cassation n’est qu’une clique de pourritures méprisant les citoyens et les leurs droits fondamentaux. Ils s’approprient le monopole du pouvoir de décision au mépris du droit réel – en particulier le droit communautaire européen qui prévaut sur le droit national – et au prétexte qu’ils sont la plus haute autorité juridique de la république.

    Dans cette affaire ils s’autorisent à donner leur propre interprétation d’un authentique mouvement religieux sunnite en courant politique, ce que contredisent toutes les définitions officielles :

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Salafisme

    https://www.linternaute.com/actualite/societe/1400648-le-salafisme-qu-est-ce-que-c-est/

    https://www.europe1.fr/societe/fondamentalisme-radicalisme-islamisme-salafisme-quelle-difference-2627543 (milieu de page)

    https://www.universalis.fr/encyclopedie/salafisme/

    la politique n’a de sens qu’au niveau organisationnel tout en reprenant la lecture religieuse du salafisme quiétiste :
    http://www.lemondedesreligions.fr/actualite/quietistes-politiques-djihadistes-qui-sont-les-salafistes-30-11-2015-5122_118.php
    .

    « la Cour de cassation considérant que ses propos ne visaient que les musulmans salafistes et pas l’ensemble de la communauté arabo-musulmane »
    le salafisme est sunnite soit 85% des musulmans dans le monde, le restant n’étant pas des arabes : les considérations de la Cour de cassation sont mensongères insultantes et pernicieuses.
    Que ces sous-merdes arrogantes soient punies par le glaive de la justice céleste

  2. Poissonchat dit :

    La justice n a vraiment rien à foutre pour perdre du temps avec ce genre de questionnement.
    Tous les jours elle remet des tueurs/violeurs etc dans la nature mais prefere se demander si cet enfant de p…ain est salamiste ou pas?
    Ridicule,et rien à voir avec un « manque de moyens » ici,c est plutôt la volonté d’enculer les mouches plutôt que de se concentrer sur sa fonction.

  3. Franccomtois dit :

    Peut-être que je suis peut-être un peu con,mais oú est l´injure raciale?Salafiste,une nouvelle race?Avec autant de bacheliers dans l´hexagone comment peut-on être aussi stupide?Qui va enfin tirer la chasse d´eau pour évacuer la merde qui recouvre notre belle Patrie?Beaucoup de questions,je finirai bien par en trouver les réponses.

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