Quelle morale pour Tsahal et pour Israël ? par Pierre Lurçat

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Ce qui est en jeu dans l’affaire du soldat de Hébron n’est pas la question de savoir s’il a agi conformément au code éthique de Tsahal ou au droit international. La question beaucoup plus importante, voire cruciale, qui se pose aujourd’hui est de savoir si l’Etat juif saura préserver ce qui donne à ses soldats la force de se battre contre des ennemis toujours plus cruels et déterminés : à savoir la conscience que notre guerre est juste.
“Nous assistons, depuis la fondation de l’Etat d’Israël et jusqu’à nos jours, à une progression constante de l’idéologie pacifiste, aux relents de morale chrétienne, dont les sources remontent à Brit Chalom des années 1920 et 1930… Tout comme l’idéologie de Buber, l’idéologie actuelle souffre d’une déconnection profonde avec la réalité”.

Ce diagnostic établi en 2006 par Eliezer Shargorodsky *, qui enseigne l’histoire d’Israël à l’université Bar Ilan, n’a rien perdu de son acuité, dix ans plus tard, bien au contraire. Nous vivons actuellement une nouvelle phase, sans doute la plus cruciale pour l’avenir de notre peuple et de notre Etat, de l’affrontement entre deux conceptions radicalement opposées de la morale qui doit guider les soldats de Tsahal et leurs officiers, et de manière plus générale, de la morale qui doit guider l’Etat d’Israël face à ses ennemis.

Cette question n’est pas nouvelle : elle se posait déjà en des termes similaires, avant la proclamation de l’Etat en 1948 et avant même la création de l’armée de Défense d’Israël. Cette question n’a pas cessé d’agiter la société juive du Yishouv, puis la société israélienne et de faire débat au sein des théoriciens du sionisme et des penseurs politiques, depuis que le retour du peuple Juif sur sa terre l’a confronté de nouveau aux réalités de la guerre.

“Je préfère être antipathique et vivant que sympathique et mort”, avait dit autrefois Menahem Begin. Cette expression imagée résume bien le dilemme auquel nous sommes confrontés aujourd’hui. avec l’affaire du soldat accusé d’avoir liquidé un terroriste à Hébron, comme avec celle des graves soupçons d’espionnage pesant sur l’ONG “Briser le silence”, qui vient de défrayer la chronique en Israël.

Aux yeux de certaines parties de l’opinion israélienne, en effet, il vaudrait mieux être sympathique et mort… Il ne s’agit pas en effet d’un débat purement théorique, comme ceux qui opposaient les Sages du Talmud ou les intellectuels juifs durant les siècles de l’existence juive en exil. Nous sommes aujourd’hui au coeur d’un débat dont chaque alternative se traduit par des conséquences concrètes sur le terrain, et dont l’enjeu s’exprime en termes de vie ou de mort pour les soldats de Tsahal.

Quand des médias israéliens ou des juges de la Cour suprême refusent à Tsahal le droit de riposter contre des roquettes du Hamas dont les lanceurs sont cachés au milieu de la population civile, ou quand les officiers supérieurs de Tsahal envoient leurs soldats se faire tuer dans la casbah de Jénine, pour ne pas prendre le risque de tuer des civils arabes, ils ne privilégient pas seulement une conception abstraite de la morale à une autre : ils privilégient la vie de nos ennemis à celle de nos soldats.

Haïm Brenner, écrivain de la renaissance nationale hébraïque, écrivait déjà en 1919 : “notre non-militarisme présent n’est point un mérite, mais un des abîmes les plus profonds où l’on puisse se trouver. Ce n’est pas que nous n’avons pas encore dépassé le militarisme, nous ne l’avons pas encore atteint… Nous n’avons pas de jeunes gens pleins de talent qui se consacrent à notre peuple. Doit-on s’enorgueillir de ne pas avoir de poings?”

Ces lignes écrites il y a presque un siècle demeurent aussi actuelles et criantes de vérité aujourd’hui qu’alors. Nous avons pourtant bien aujourd’hui des poings et des “jeunes gens pleins de talent qui se consacrent à notre peuple”. Nous avons certes atteint le militarisme, mais nous ne l’avons pas encore pleinement intégré dans notre conscience nationale, tout comme nous n’avons pas encore intégré les exigences de la souveraineté politique sur notre terre.

La force de Tsahal n’est pas (seulement) dans sa supériorité technologique, que l’on vante souvent de manière exagérée et exclusive, oubliant que la puissance des armes n’est rien sans celle de l’esprit qui anime une armée, comme la Bible nous le rappelle sans cesse. La force de Tsahal réside avant dans la conscience de nos soldats que notre cause mérite leurs efforts et leurs sacrifices, et que notre guerre est une guerre juste et sacrée.

Ceux qui instruisent à la hâte le procès de nos soldats, parce que leurs comportements ne seraient pas assez “éthiques” pour plaire aux pays occidentaux (qui n’appliquent pas eux-mêmes les normes qu’ils prétendent nous imposer) ; ceux qui préfèrent la vie de nos ennemis à celles de nos soldats et de nos civils détruisent, sciemment ou non, le dernier rempart qui protége notre Etat et notre peuple.

* “L’éthique militaire d’Israël, une perspective historique”, dans Le temps de la guerre, Forum-Israël no. 3, décembre 2006.

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Source :
http://www.upjf.org/fr/7929-quelle-morale-pour-tsahal-et-pour-isra%C3%ABl-par-pierre-lurcat.html

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11 Commentaires

  1. Bellar dit :

    Pierre Lurcat excellent et pertinent comme toujours…!

    il y va de la survie d’Israel s’il continue à vouloir plaire aux occidentaux qui ne se genent pas de provoquer des  » dégats collatéraux » sans état d’ame et dont les medias se gardent bien d’évoquer l’ampleur…ni meme de les evoquer tout court.
    Alors que les fameuses  » elites au pouvoir » cessent une fois pour toutes de donner du grain à moudre à nos ennemis et de tendre sans raison l’autre joue…
    Si le soldat est definitivement déclaré coupable d’hmocide volontaire s’en sera fini de l’esprit de Tsahal.
    J’espere que les soldats sauront se faire entendre collectivement .

    • Lellouche dit :

      Toujours excellent. Mais ce fait me met mal à l’aise, pas pour des problèmes d éthique de Tsahal enfin si, en quelques sortes, je ne comprends pas pourquoi le am israel manifeste contre Tsahal pour libérer l’île jeune garçon. Si Tsahal décidé que le soldat doit être jugé, je respecte, point barre, l armée a un mode de fonctionnement. On le respecte ou on choisit de ne pas faire l’armée . J aurais préféré que Les manifestations se déroulent devant le siège de ce mouvement d extrême gauche, ou devant les journaux qui ont présenté ce soldat comme un assassin, avant d avoir la pudeur d attendre la décision du tribunal militaire. Quant à l image d israel aux yeux des européens je m en tape complètement. Je trouve que dans cette histoire on s est trompée d ennemi, et on fait passer un gosse qui me semble léger dans son comportement pour un héros, un héros ce n est pas Ca

    • roni dit :

      Bellar
      l esprit de Tsahal n a rien a voir avec ce qu il a fait il a agit de son propre chef.
      si il est juge coupable il n a qu a s en prendre a lui meme.

  2. roni dit :

    Pierre
    ce n est pas le faite qu il a agit conformement a l ethique de Tsahal ou au Droit International cest qu il a agit devant les cameras de B et il le savait.
    si il etait sur le terrain il savait que ces pourris attendait la moindre erreur de Tsahal pour calomnier encore plus Israel et Tsahal les consignes cest de garder son sang froid a toutes epreuves.

  3. Bellar dit :

    @ Roni
    Je trouve un peu  » gonflé » que toutes ces belles ames et conseilleurs à l’abri derriere leur clavier aient l’outrecuidance de juger un jeune soldat, pour moi, un enfant, dans une situation de danger extreme, de stress énorme.

    Ah oui ? Il devait analyser la situation ? Regarder à droite, à gauche ? Et voir s’il y avait des caméras qui filmaient ? Ou bien devait il faire face et tenter de  » neutraliser » les terroristes armés de poignards qui se dressaient devant lui et blessaient ses copains ? Et risquaient de le tuer lui aussi ?

    Et vous garderiez-vous votre sang froid comme vous le conseillez dans une telle situation ?

    Devait -il tourner la tete pour mesurer la duplicité de ces caméras qui devraient etre interdites , présentes…comme par ahsard sur les liexu de l’attaque ?
    De qui vous moquez-vous ? Votre commentaire est déplacé et scandaleux.

    • roni dit :

      Bellar
      je connais tres bien le sujet passons les cameras il n avait pas l esprit d un combattant il devait mettre ses sentiments de cotes meme si son meilleur copain etait blesse. pour le terroriste il etait deja neutralise et il n y avait pas de zone de securite autour du terroriste cest a dire qu il ne portait pas d explosifs il y avait du monde a quelques centimetres du terroriste. et pour eliminer un terroriste avec une charge explosif on ne se mets pas a 3 mettres et en laissant certains de ses collegues a quelques centimetres de la cible.
      pour ma part je comprends sa reaction chaque terroriste doit etre ellimine mais ce n est pas a lui d en decider.
      dans ces situations on a des formations.

  4. Bellar dit :

    @ Lellouche

    Apparemment vous semblez méconnaitre la loi en Israel : on ne choisit pas de faire l’armée, c’est une obligation !

  5. Jacob dit :

    Oui le titre de l’article de Dreuz est trompeur, il n’a pas été acquitté
    simplement l’acte d’accusation a été modifié

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