France 3 le 2 Mars 2015 à 20h50 « Das Reich » par Michaël Prazan

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Entretien avec Michaël Prazan qui retrace, dans son documentaire, l’épopée meurtrière de la division SS Das Reich, connue en France pour avoir perpétrée le massacre d’Oradour-sur-Glane. Le 2 mars à 20h50 sur France 3.

L’Histoire : Pourquoi réaliser un documentaire sur la division SS Das Reich que l’on connait en France essentiellement pour le massacre d’Oradour-sur-Glane et la présence de Malgré-nous alsaciens ?
Michaël Prazan: C’est précisément la raison à l’origine de ce film. On connait en effet le massacre d’Oradour-sur-Glane, mais on oublie les autres, ceux qui ont jalonné la route de la Das Reich au cours de sa lente remontée vers la Normandie. Je voulais surtout élargir le focus pour donner à comprendre ce qui s’était passé. Si l’on reste figé sur le massacre d’Oradour, on ne peut pas dépasser le stade de la stupéfaction, on ne peut pas comprendre le pourquoi ni le comment d’un tel événement. Or, je rappelle, grâce à ce film, ce que fut l’histoire de la Das Reich, les ressorts de socialisation par le meurtre de masse qui commencent dès ses premières missions en ex-URSS, et notamment en Biélorussie. La Das Reich participa aux opérations de chasse aux partisans et aux « judenaktion », ces meurtres de masse qui ciblent les Juifs dans la première phase du génocide, sous la tutelle des Einsatzgruppen, les commandos mobiles de tueries.Trop faibles en effectifs pour venir à bout des populations juives de l’Est, les Einsatzgruppen s’adjoignent la collaboration des divisions de la Waffen-SS sur le terrain. La Das Reich en faisait partie. Le génocide accompli dans les territoires de l’Est, ces divisions se lancent, à partir de 1942, dans des opérations de prédation contre la population civile. Il y eut plus de 600 Oradour en Biélorussie, c’est-à-dire un Oradour tous les deux jours.
Ce qui parait exceptionnel dans le contexte français est d’une très grande banalité dans le contexte soviétique, d’une très grande normalité pour les généraux de la Das Reich, tels que Dieckmann, qui ordonnent ce type de représailles contre les populations civiles. Je rappelle dans le film que, si le gros des troupes est en effet constitué d’Alsaciens à l’été 1944, l’encadrement de la Das Reich demeure entre les mains de vétérans de l’invasion à l’Est qui ont tous participé à des meurtres de masse et à des crimes contre l’humanité. Enfin, je voulais rendre aussi hommage aux résistants du SOE, le service de coordination des résistances basé à Londres, dont on parle finalement assez peu (on se concentre sur les FTP, les FFI, plus récemment les MOI), et qui joua un rôle essentiel dans cette histoire comme dans l’organisation de la résistance au nazisme à l’échelle continentale.

L’Histoire : Comment avez-vous construit ce documentaire tout en archives ?
Michaël Prazan : C’est la première fois que je réalisais un « tout archives », c’est-à-dire un film documentaire qui ne repose que sur des images d’archives et le récit du commentaire. Pas d’experts, d’historiens, d’interviewes sur lesquelles s’appuyer ou prendre un peu de recul. Je me suis donc assez vite trouvé confronté à des problématiques beaucoup plus cinématographiques que dans mes films précédents, avec des ressorts qui sont ceux de la fiction, du cinéma. C’est pourquoi il me fallait des personnages, des récits simultanés, des rebondissements, une acmée (Oradour) et une apodose (les Ardennes) pour reprendre un vocabulaire dramatique. Et en même temps, la radicalité des faits, l’intransigeance face à la réalité historique. Il fallait tout tenir ensemble, et c’était loin d’être gagné d’avance, d’autant que les images sont rares et compliquées à trouver quand on veut tenir une narration tout en images filmées d’une heure trente, tambour battant ! Il faut arriver à faire vivre les faits, les personnages, circonscrire clairement les enjeux. Et puis, dès le départ, mon idée, pour le moins audacieuse, sinon périlleuse, était d’être de bout en bout « caméra embarquée » au sein de la division.
Passer une heure trente en compagnie de ces criminels aurait pu paraître étouffant. Il ne fallait pas les rendre attachants, sans pour autant recourir à la caricature ou à la déshumanisation. Bref, le sujet était dès le départ miné, et je l’ai construit sur le fil. Mon recours, c’était bien sûr Violette Szabo, ce personnage extraordinaire, cette jeune femme d’une beauté éclatante qui a donné sa vie pour sauver la France, et surtout son honneur. Une telle pureté, une telle beauté face à cette chose monstrueuse forte de 200 chars d’assauts et de 15 000 hommes en mouvement qu’est la Das Reich, c’est le duel quasi-magique du bien contre le mal, le motif mythologique qui fait la force de ce récit.


L’Histoire : Sur quelles sources, vous êtes-vous appuyées ? Avez-vous trouvé des choses nouvelles, notamment du côté des pays de l’Est qui ouvrent progressivement leurs archives ?
Michaël Prazan : Je suis toujours assez mal à l’aise face au vocabulaire médiatique sur les images qui les affuble de qualificatifs tels que « inédites », ou « jamais vues auparavant », etc. Tout cela est faux, et l’image inédite est un leurre. Tout dépend en réalité de l’usage qu’on en fait, de leur agencement dans une structure narrative.
Il y a eu plus d’un an de recherche d’archives, un travail de fourmi, d’une minutie extrême. Nous avons récolté des centaines et des centaines d’heures de rush, et c’était toujours insuffisant. Le simple fait de les visionner a pris des mois entiers. Les sélectionner, les trier, identifier sur telle ou telle image de propagande la plaine de Saint-Lô ou le bocage Normand a nécessité une analyse extrêmement précise. D’autant que les commentaires de propagandes sont souvent trompeurs et mélangent les lieux, ce que nous n’étions pas autorisés, nous, à faire.
Pour répondre à votre question, il y a bien sûr des images et des documents uniques, très rares, ou plutôt, très rarement montrés. N’oubliez pas que ce qui est « inédit » ici, ne l’est pas nécessairement en Russie ou en Lettonie. On pense évidemment aux pendus de Pancevo, et à d’autres. On découvre toujours de nouvelles images provenant des pays de l’Est qui, depuis que j’ai réalisé »Einsatzgruppen, les commandos de la mort », ont mis un peu plus d’ordre dans leurs archives. De nouvelles images émergent ainsi, qu’on ne connaissait pas nécessairement en Europe occidentale. Mais ce que le discours médiatique qualifie d’inédit, la plupart du temps, ce sont des images connues, très accessibles, mais qu’on a oubliées car elles n’ont pas été exposées depuis un bon moment, et cela, d’ailleurs, pour des raisons qui n’ont pas forcément de lien avec leur accessibilité. Le discours médiatique n’a pas de mémoire.
Cela dit, je suis particulièrement fier de cette découverte (que je dois à ma coauteur et assistante de réalisation; Christiane Ratiney) ; ces cartes authentiques et journalières de l’Etat major Allemand qui couvrent toute ma chronologie et ponctue la narration du film. On peut y voir la progression jour par jour de la Das Reich. Non seulement leur caractère graphique est exceptionnel, mais c’était une mine d’information indispensable, qui d’ailleurs nous a permis de fixer certains points historiques peu clairs ou pas toujours clairement pris en charge par les historiens qui ignoraient visiblement l’existence de ces cartes !
L’Histoire : Qu’avez-vous découvert sur l’histoire de cette division lorsque vous avez travaillé sur ce sujet ?
Michaël Prazan : L’important n’est pas tant ce que j’ai pu découvrir (de ce point de vue, pas grand-chose, et je crois qu’on a plus de réussite quand on parle de ce que l’on connait bien, ce qui est mon cas sur cette histoire), que la difficulté à transmettre et à faire savoir sans ennuyer, car il fallait aussi coller au cahier décharge d’un grand film documentaire de prime time avec images colorisées. J’aime quand le public rend les armes, quand il se rend à cette évidence – ce qui fut le cas également le cas avec mon film sur les Einsatzgruppen, que j’ai précédemment cité – et qu’on pourrait résumer de cette manière : « je croyais tout savoir, et pourtant je comprends que je ne savais rien. »
(propos recueillis par Olivier Thomas).

lire l’article de HISTOIRE PRESSE en cliquant sur le lien ci-après

http://www.histoire.presse.fr/agenda/medias/das-reich-michael-prazan-27-02-2015-131938

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9 Commentaires

  1. David dit :

    Ce sont les mêmes assassins qui avaient sévi un jour plus tôt à Tulle pendant aux réverbères et aux arbres de la ville une centaine d’habitants et déportant une autre centaine .

  2. Catholique-de-France dit :

    Bonjour,

    Mon père a vécu de très près ces événements atroces : il était dans la Résistance (non-communiste) de Corrèze.

    Caché dans une maison , il a vu , celui qui était probablement Lammerding (il a reconnu les parements rouges d’un général SS) , diriger la pendaison d’un Résistant.

    Deux des camarades de lycée de mon père sont morts à Oradour.

    Mon père n’avait pas bonne opinion du SOE qui privilégiait les zones tenues par les FTP pour les parachutages d’armes.

    Les Communistes avaient d’autres objectifs prioritaires que la lutte contre l’Allemand : ils entendaient , eux , prendre le pouvoir pour instaurer un régime stalinien en France.

    Mon père était maquisard de l’Armée Secrète (AS) qui était fort mal vue de Londres et du SOE parce qu’elle traitait directement avec les Américains par-dessus Londres et les Gaullistes : l’AS était donc largement privée des parachutages d’armes.

    Voilà , la réalité est en fait complexe : j’ai mis moi-même longtemps à admettre les vérités de mon père dans l’ambiance d’exaltation de la geste FTP durant les années 70.

  3. David dit :

    J’ai lu Catholique de France Henri Amouroux et je confirme ce que vous dites même si je n’ai pas été témoin de ces monstrueux événements .

    Ces F T P se sont souvent , pas toujours , conduits comme des voyous , provoquant soit par intérêt de faction (communiste ) soit par bêtise pure , les Nazis alors que le rapport de forces , dans certains cas, était écrasant . Et bien sûr sans aucun souci des otages innocents qui feraient les frais .

    Au moment de l’épuration , ils ont été odieux

    http://www.leparisien.fr/espace-premium/culture-loisirs/les-purges-aveugles-de-la-liberation-15-09-2013-3138035.php

  4. David dit :

    http://www.tribunejuive.info/television/ils-etaient-juifs-et-resistants

    Lire les commentaires du Blog car ils ne manquent pas d’intérêt

    De Gaulle aurait dit « A Londres , j’ai croisé la Cagoule et la synagogue « 

    • liguedefensejuive dit :

      Les premiers à rejoindre de Gaulle à Londres furent des Français juifs et des proches de l’Action française comme d’Estienne d’Orves. De Gaulle écrira : « À Londres, j’ai croisé la cagoule et la synagogue. »

  5. Catholique-de-France dit :

    @ David ,

    Bonjour,

    J’ai vu le documentaire.

    Le moment le plus émouvant du film , pour moi , est la lecture du témoignage d’un rescapé d’Oradour et la vision du film russe en parallèle exact …

    J’aurais bien voulu discuter de ce film avec mon pauvre père.

    Il y a un point qui est inexact dans le film : à Tulle , les FTP ont littéralement détalé devant les chars de la « Das Reich » , laissant la population seule.

    L’AS était totalement opposée à la prise de Tulle et entendait se donner pour seule mission : retarder l’avancée des colonnes allemandes pour les empêcher d’arriver « à temps » en Normandie.

    Mon père pestait contre le fait que lors de l’occupation de Tulle , les FTP n’avaient pas même été capables de mettre la main sur Walter (l’agent de la Gestapo qui désignera les otages à la pendaison) et de le fusiller …

    C’est d’ailleurs l’AS qui retrouvera et fusillera Walter , en septembre 1944 je crois : les FTP s’étant , eux , occupés à piller les châteaux de la région pendant l’été …

    Dans le village de Corrèze de mon père , il y a plusieurs rues qui portent le nom de FTP , mon père les connaissait tous.

    Ils me disaient d’eux :  » Tu vois , ceux-là , ils n’ont jamais vu un Allemand de leur vie ! ».

    Bref , cette histoire tragique , qui me touche beaucoup , serait entièrement à refaire …

    Pour finir de taper sur cette Gauche , dont j’ai été : je dirais que ceux que mon père méprisait pour le coup , c’étaient certaines élites SFIO de Limoges , spécialement des enseignants du lycée , qui étaient totalement vérolées par un pacifisme fanatique débouchant sur l’idolâtrie du « Maréchal » …

  6. David dit :

    Bonjour Catholique de France ,

    Vous avez dû lire le livre de Mme Arnal , l’infirmière de la M A T de Tulle que je connais bien dont le mari était Résistant . Bien sûr , par solidarité , elle ne m’a jamais parlé en termes défavorables des gens des F T P et certains de ces salopards profitent de ce non dit .

    Vous n’avez que trop raison ; y a qu’à voir , vous qui parlez de Limoges de la persécution par les Communistes de ce héros qu’était Guinguoin pour les mêmes raisons que nous partageons à l’instant.

    Pourquoi tirer sur des Allemands désarmés ? Pourquoi engager des fusillades inutiles dont le prix sera payé par des civils français .

    Savez vous que la même problématique s’est posé à Paris au sein de la M O I , des Résistants juifs qui n’étaient pas des poltrons , vous devez le savoir , les mêmes que ceux de Varsovie , se sont opposés à la direction du P C F , singulièrement stalinienne , pour éviter l’engrenage des attentats inutiles et des fusillades d’otages et d’innocents .

    C’est cette direction stalinienne qui a produit cette monstruosité qu’a été Jacques Doriot , devenu pro Allemand et même L V F alors qu’il était un héros très décoré de la guerre 14-18 , leader communiste concurrent de ….M.Thorez à la direction du Parti.

    Ce Parti , disons le , a été une malédiction pour ce pays depuis le congrès de formation (1921) et ce jusqu’à…. aujourd’hui .

    C’est bien lui qui mériterait une grande épuration . Mais la plupart de ses responsables « révolutionnaires  » sont tous morts dans leur lit très tranquillement demandant certainement ….l’extrême onction

  7. Catholique-de-France dit :

    @ David,

    Bonjour,

    Merci pour ces précisions.

    Sur la MOI , il y avait eu , il y a plusieurs années , le documentaire de Mosco qui , si je me souviens bien , développait cette idée que la MOI avait été utilisée et sacrifiée par le PCF pour se refaire une virginité …

    Par la suite , d’ailleurs , les rares opposants (Auguste Lecoeur etc ) du PCF à sa politique de collaboration -dans le cadre du pacte germano-soviétique- ont été d’ailleurs systématiquement exclus et persécutés dans les années 50.

    On a pu lire dans « Le Monde » (!) un article sur la découverte de ce texte :

    http://pcf-1939-1941.blogspot.fr/2013/07/pas-cede-face-dictature-juif-mandel.html

    Il n’a pas suscité beaucoup de réactions dans les médias !

    Il y a même des sites mélenchonistes pour totalement relativiser la portée de ce texte ignoble !

    Ce texte est du 20 juin 40.

    Mon grand-père et son peloton ont abattu 13 Allemands , le 21 au soir , qui exigeaient leur reddition.

    Le 22 , le jour de l’armistice , les Allemands sont revenus pour se venger et les ont tous tués.

    Mon grand-père n’était pas de Gauche :=( …

  8. David dit :

    Oui c’est bien terrible , tout ce qui s’est passé .

    Espérons que ce P C F soit définitivement out .

    Chabbat chalom ou bon week end à vous

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