Iran: les coûts d’une politique étrangère mal avisée

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Il sera difficile pour l’Iran de continuer à organiser des manifestations avec le slogan « Mort à l’Amérique » et à se plaindre ensuite du maintien de sanctions américaines.
L’Iran est un pays de 78 millions d’âmes et la moyenne d’âge de sa population est de 30 ans. Il possède 9% des réserves mondiales de pétrole et 16% des réserves mondiales de gaz. Ses ventes d’hydrocarbure génèrent près de 50 milliards annuellement et constituent deux tiers des exportations. Ces ventes seraient bien plus substantielles si l’Iran n’était pas soumis à des sanctions. Ce pays a un système éducatif de qualité, mais il est gouverné par une théocratie.
L’interventionnisme iranien
Le régime des mullahs a englouti des milliards dans un nombre démesuré de centrales nucléaires et a dû se résoudre à en réduire le nombre et la capacité. Il a englouti des dizaines de milliards pour déstabiliser des pays et y installer des régimes qui lui sont redevables, notamment en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen.
Le corps des Gardiens de la révolution iranienne a carte blanche pour financer des mercenaires et initier des opérations militaires au Proche-Orient et en Afrique (en raison de leur intervention en Afrique, le Maroc a rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran). 80 000 miliciens recrutés en Afghanistan et au Pakistan reçoivent mensuellement 500$ ce qui constitue un pécule appréciable dans ces pays. La majorité des 100 000 miliciens chiites en Irak sont également financés par l’Iran. Plus de 120 000 missiles ont été livrés au Hezbollah qui est affidé à l’Iran. Le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a annoncé que les missiles tirés en direction d’Israël ne sont qu’une petite partie de la réponse qui sera menée en temps et lieu contre Israël. L’ayatollah Ahmad Khatami, membre de l’Assemblée des Experts en Iran (assemblée qui élit et révoque le Guide suprême) a déclaré que grâce aux missiles en développement, l’Iran pourra réduire en poussière Tel-Aviv et Haïfa.
Les Gardiens de la Révolution iraniens sont tout aussi puissants qu’ils sont imprédictibles et irrationnels. Ils usurpent les biens de personnes déclarées « non islamiques » et s’octroient des subventions à titre de fondation de charité islamique (bonyad). Les fondations de charité islamique comptent pour 3% du PNB. Il est possible de se faire une idée de la puissance économique du corps des Gardiens de la révolution iranienne en considérant qu’en 2009, il a acquis 50% de la compagnie de télécommunication iranienne pour un montant de 7,8 milliards. Sa compagnie Ghorb a obtenu 50 milliards de contrats du gouvernement iranien.
L’Iran planifie 10 bases aériennes permanentes en Syrie ainsi qu’une base navale. La Russie s’est opposée à la construction d’une telle base. L’Iran constate avec désarroi le rapprochement notoire entre la Russie et Israël. La Russie n’a pas protesté lorsqu’Israël a détruit une grande partie de l’infrastructure iranienne en Syrie après que 20 missiles aient été tirés contre son territoire. La Russie tient également à se rapprocher des pays pétroliers comme l’Arabie, ce qui inquiète fortement l’Iran. La Russie n’a guère envie de s’enliser dans plus de combats et de pertes. Sa priorité première est de redresser son économie. Déjà les budgets militaires russes ont été réduits.
Il appert de plus en plus que les retombées de l’ingérence iranienne au Proche-Orient ne sont pas aussi immédiates ni évidentes que ne l’escomptait le régime des mullahs.
Une situation économique gravissime
L’amateurisme des mullahs en matière d’économie et l’imposition des sanctions sont la cause principale de la déroute financière et commerciale. La devise iranienne a perdu 50% de sa valeur depuis 2017. 5 banques iraniennes ont fait banqueroute en 2017, effaçant les économies de plusieurs millions de familles de la classe moyenne. Des fonds de pension dont celui des enseignants se sont effondrés. Selon Transparency International, l’Iran arrive au 130e rang sur 180 pays au niveau de la perception de corruption. Au vu du classement des économies des pays de la Banque mondiale, l’Iran arrive au 125e rang sur 190 en ce qui a trait à la facilité de faire des affaires. L’indice de démocratie de l’Economist Group place l’Iran à la 150e place sur 170 états.
Les nouvelles sanctions décrétées par le président Trump mettent en danger les nouveaux investissements européens depuis l’accord des 5 +1 sur le nucléaire : les exportations britannique, allemande et française se montent respectivement à 1,1, 1,8 et 2.6 milliards. L’avenir des commandes d’achat d’Airbus (30 milliards) et de Boeing (20 milliards) est incertain tout comme l’est le projet d’investissement de plusieurs milliards de la pétrolière française Total.
La désillusion des Iraniens
En Iran même, la désillusion est grande. Les capitaux fuient le pays (entre 10 et 30 milliards durant les 4 derniers mois) et l’exode des jeunes professionnels s’accentue. Ce sont en majorité des jeunes qui ont déclenché les manifestations contre le régime iranien. Plus d’une vingtaine d’entre eux ont été tués et un millier d’entre eux a été incarcéré. Le Dr Sadegh Zibakalam, conférencier en relations internationales à l’Université de Téhéran a écrit dans son gazouillis que si Dieu préserve, une guerre éclate entre l’Iran et Israël en Syrie, il ne sera pas possible d’expliquer aux futures générations que l’Iran est parti en guerre contre un pays qui n’a jamais nui aux intérêts iraniens. Pourquoi l’Iran a-t-il besoin de gaspiller des milliards de dollars en dépenses militaires pour absorber les énormes pertes d’une telle guerre ?
Au plan local, l’Iran fait face à des problèmes graves : il souffre d’une crise de sécheresse particulièrement grave depuis 14 ans. Des villages sont abandonnés pour les grandes villes augmentant le mécontentement général de la population. Le taux de fertilité en Iran a diminué de 20% depuis 2012. Il est passé de 7 enfants par famille en 1969 à 1,6 à 1,8 enfant par famille en 2018. Selon le ministre de l’Intérieur iranien Abdolreza Rahmani Fazli, six millions d’Iraniens (20% de la population âgée de plus de 15 ans) ont recours à la drogue et 1.3 million de personnes (soit 4.3% de la population âgée de plus de 15 ans) sont des accros.
Une politique étrangère indéfendable
Comment l’Iran défend-il son ingérence en Syrie et le gaspillage continu de dizaines de milliards de dollars ? Le régime a soutenu que la guerre en Syrie avait visé la protection des lieux saints chiites, dont la mosquée Sayyida Zeynab à Damas. Il a par la suite affirmé vouloir combattre des terroristes wahhabites et exporter la révolution iranienne. L’argument voulant que l’Iran remerciait ainsi la Syrie qui avait été de son bord lors de la guerre irako-iranienne (1980-1989) a été également avancé. Il est clair que le plan d’expansion de l’hégémonie iranienne répond à une ambition impériale ainsi qu’à la volonté d’exporter la révolution islamique de par le monde. Qasem Soleimani, commandant de la force Al-Qods du Corps des Gardiens de la révolution islamique responsable des interventions extra territoriales a déclaré en 2015 : « Nous sommes témoin des signes qui démontrent que la révolution iranienne est exportée dans toute la région : du Bahreïn à l’Irak, de la Syrie au Yémen et à l’Afrique du Nord. »
L’État islamique est pratiquement battu et les images de destruction quotidiennes en Syrie sont intenables. Le président Assad qui refuse toute solution de compromis en matière de gouvernance du pays est soutenu opiniâtrement par l’Iran.
Il sera difficile pour l’Iran de continuer à organiser des manifestations avec le slogan « Mort à l’Amérique » et à se plaindre ensuite du maintien de sanctions américaines.
Il sera tout aussi difficile pour l’Iran de continuer d’assumer ses politiques actuelles.
Encore moins de les justifier.
Source :
https://quebec.huffingtonpost.ca/david-bensoussan/iran-les-couts-d-une-politique-etrangere-mal-avisee_a_23438225/

happywheels

3 Commentaires

  1. Alice dit :

    excellent , merci !

  2. On note la tradition française d’investir dans de mauvaises pioches.

    C’est à ça qu’on reconnaît l’hexodrome calendos-pinard, haut lieu de l’intelligence auto-proclamée.

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