L’Affaire Elor Azaria: « soudain les bâtards ont décidé de changer les règles du jeu »

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Par le docteur Ouri Milstein, historien des guerres d’Israel
Traduction: Meïr Ben-Hayoun
Dans l’Affaire Azaria qui a déjà presque deux ans (et ce n’est pas encore fini) on a beaucoup parlé des « valeurs de Tsahal ». Ce qui veut dire: tuer un terroriste blessé est opposé aux valeurs de Tsahal et aux ordres; et par conséquent, un tueur de terroriste doit être sanctionné. Mais voilà, depuis le début de l’installation sioniste en Israël, depuis la Guerre d’Indépendance et l’édification de Tsahal, il y a eu beaucoup de cas similaires, et même plus graves, des cas dans lesquels des dirigeants et des officiers supérieurs réputés ont été directement impliqués. Personne n’a été sanctionné et les responsables ont même été promus et ont grimpé l’échelle des grades. Quelques exemples:
Lors de la prise de la ville de Lod dans l’Opération « Dany », quelques mois après la déclaration d’Indépendance et l’édification de Tsahal, un certain nombre de résidents arabes s’étaient enfuis vers l’une des mosquées pour s’y cacher. Du haut du minaret, un Arabe a jeté une grenade sur un groupe de combattants du 3ème Bataillon du Palmah et en a atteint. En représailles, les hommes du Palmah ont descendu tout ce qui se trouvait dans cette mosquée: femmes, enfants, hommes et personnes âgées. Le sang de ces personnes tuées entacha les murs et les imprégna. Selon le témoignage enregistré de l’ingénieur de la municipalité de Lod dans les années 50, des années durant, cette mosquée est restée verrouillée afin que cette tuerie ne soit pas dévoilée. Le verrouillage des portails de cette mosquée ne s’est pas fait pour préserver les « valeurs de Tsahal ». Le Ministre de la Défense et le Premier ministre alors était David Ben Gourion. Le commandant de l’Opération était Ygal Alon, son adjoint était Ytzhak Rabin et le commandant du bataillon était Moshé Kalman. Aucun d’entre eux ni de ceux ayant participé à la tuerie ne fut sanctionné. La réaction dans Tsahal a été d’étouffer l’Affaire et d’imposer la censure à toute personne désirant la diffuser.
En décembre 1954, des Bédouins de Jordanie assassinèrent deux randonneurs israéliens, Shoshana Har Tsion et son fiancé Oded Vegmister, probablement en territoire jordanien, non loin de Ein Guedi. Le frère de Shoshana, Meir Har-Tsion qui était déjà une légende de son vivant, entreprit avec trois de ses camarades de l’Unité 101 dans les parachutistes (tous étaient des enfants de kibboutz éduqués à la « pureté des armes ») une opération de vengeance privée. A neuf kilomètres à l’intérieur du territoire jordanien, ils ont terminé cinq bédouins au couteau. Le Premier ministre Moshé Sharret avait soutenu que le commandant du Bataillon 890, Arik Sharon, et peut-être aussi le Chef d’État-major Moshé Dayan, avaient porté appui aux quatre. Il exigea de les faire inculper pour assassinat. Il s’attendait à ce que Dayan et Sharon soient limogés de Tsahal. Ben Gourion empêcha cela. 20 jours après, pour les besoins de l’enquête, les quatre furent libérés. Quelque temps plus tard, Meir Har-Tsion fut réintégré dans Tsahal et même fut de ceux qui fondèrent la sayeret Matkal (l’unité d’élite par excellence de Tsahal) jusqu’à qu’il soit gravement blessé et démobilisé. Ainsi l’édification de la fameuse Sayeret Matkal fut remise à quelques années plus tard.
Au début des années 70, il y a eu une sorte d’Itifada dans la Bande de Gaza. Les organisations terroristes frappaient des civils et des militaires. Le commandant du Front Sud, Arik Sharon à l’aide de la Sayeret Rimon (commandée par Meir Dagan, qui fut ensuite général puis directeur du Mossad entre 2002 et 2011), de la Sayeret Shaked et d’autres unités eurent le dessus contre le terrorisme. Selon le général à la retraite Ytzhak Poundak, Sharon se rendait dans les prisons pour y extraire des prisonniers palestiniens afin que ces derniers le mènent à leurs confrères terroristes et les identifient. Ensuite, Sharon ordonna d’éliminer ces prisonniers. Ce témoignage de Poundak est confirmé par des combattants qui ont servi dans Rimon. Selon Poundak, il porta plainte auprès des dirigeants de l’Etat et de l’armée pour ces exactions. Tout ce qui fut fait a été de transférer la responsabilité de la Bande de Gaza au Commandant du Front centre, Rehav’am Zeevi (Gandhi), une fois que le terrorisme a été maitrisé.
Dans le sillage du célèbre adage du Vice-Président des Etats-Unis, Spiro Agnew: « les bâtards ont changé les règles du jeu et n’ont même pas daigné m’en faire part », les personnes agissant contre Elor Azaria peuvent également affirmer que dans ce cas, les normes ont été changées: les valeurs de Tsahal n’ont pas été appliquées jusqu’à qu’Elor Azaria ait achevé le terroriste blessé à Hébron, et seulement à ce moment-là, ces règles ont été appliquées. Au demeurant, cela n’est pas si simple. Tout d’abord, qu’est ce qui a mené à ce changement des règles du jeu? Et deuxièmement, pourquoi ce changement de règles a débuté avec un jeune sergent de Ramleh?
Il s’avère que ce changement de normes s’est opéré bien avant, vers la fin des années 80, au début de la 1ère Intifada. Lorsque le Ministre de la Défense Itzhak Rabin avait proclamé: « il faut leur broyer les bras et les jambes » en se référant aux Palestiniens qui incitaient aux émeutes. Il ne l’a pas seulement proclamé publiquement, mais le recommanda aux officiers de Tsahal lors de concertations. La recommandation d’un ex Major-Général et ministre de la Défense en titre n’est pas à prendre à la légère.
Le Lieutenant-Colonel Yehouda Meïr qui avait sous sa responsabilité la région de Sichem en Samarie, fit opérer une unité de paras pour broyer les bras et les jambes des meneurs, en sachant que le commandant de la division se trouvait sur place. Personne ne fut tué ni blessé gravement. Le Commandant du Front centre Amram Mitzna reçu le jour même un rapport complet par le commandant de l’unité de paras qui exécuta cet ordre. En dépit de cela, Mitzna promut Yehouda Meïr au grade de colonel et lui confia un poste beaucoup plus important (Mitzna dans une interview accordée en 2008 au quotidien Maariv affirma que Meïr « opéra de son propre chef en ignorant totalement les instructions reçues »). Les Palestiniens déposèrent plainte à la croix rouge internationale. La plainte parvint à Tsahal. Le Chef d’État-major, Dan Shomron, voulait étouffer l’affaire si ce n’est que le député de la Knesset Yossi Sarid publia une colonne très émotionnelle dans le quotidien « Haaretz ». Pour s’en laver les mains, les dirigeants de la Défense décidèrent de sacrifier Yehouda Meïr. Ils le firent écrouer en cour martiale. Yehouda Meïr fut entièrement dégradé, ses droits accumulés pour la retraite lui furent retirés et on le jeta de Tsahal comme un malpropre. Les fanatiques de la « pureté des armes » étaient satisfaits.
Dans cette affaire Yehouda Meïr, une règle a été promulguée, comme pour Elor Azaria 30 ans plus tard, ce ne sont que des pions dans un jeu d’échec. Si une affaire pouvant jeter l’opprobre sur Tsahal et compromettant les intérêts de ses officiers est dévoilée, il faut les sacrifier pour la bonne réputation du ministre de la Défense, du Chef d’État-major et du Gouvernement. Dans l’Affaire Azaria également, Tsahal a réagi une fois que la vidéo de l’évènement a été publiée dans tous les réseaux sociaux et sur les chaines de télévision dans le monde entier. Afin de montrer à toutes les créatures à quel point nous somme moraux, Azaria devait purger une peine d’un an et demi d’emprisonnement. Et oui, il est un combattant, et un combattant doit se sacrifier pour la bonne réputation de ses supérieurs hiérarchiques.
S’il y a des valeurs dans cette affaire, ce sont des valeurs d’hypocrisie.

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10 Commentaires

  1. gregory dit :

    Elor Azaria doit être immédiatement libéré, car les arabes vont encore se trouver encouragés par ce nouveau signes de faiblesse d’Israël.
    L’ennemi doit être combattu physiquement et sans la faiblesse !

  2. Francfort dit :

    la déchéance de l’armé israëlienne comme les sois disant juges et les politiques est entamée au détriment du peuple d’Israël, c’est dommage que la population soit sacrifiée sur l’autel du pouvoir, il n’ont plus d’honneur ces malfaisants aux pouvoirs multiples géré par les forces sombres pour qui ils roulent, que la justice divine face son oeuvre maintenant

  3. macab2b dit :

    Qui s’indigne vraiment du traitement que l’on réserve au bêtes féroces terroristes ?
    La « bonne pensée de gauche » qui gangrène le monde et les complices des terroristes.
    Les honnêtes citoyens préfèrent ne pas avoir à prendre en charge des irrécupérables assassins.

  4. Elisheva Rochefort-Hyatt dit :

    Cet article remet les pendules a l’heure:
    Hypocrisie complete de la part des autorites superieures de Tzahal prenant le deuxieme classe pour bouc-emissaire .Le sacrifice idolatre du soldat Azaria est egalement l’oeuvre de la plupart des organes de presse et d’intellectuels et artistes pour qui, prime leur agenda politique en faillite : il leur est necessaire d’entretenir leur grille de lecture du « Conflit » par excellence pour justifier leur narcissisme moralisateur qui leur sert de gagne-pain et de passeport de par le monde. Fustiger le peuple et contester la legitimite de son reveil et de sa colere est une question de survie pour ces elites auto-proclamees qui se masquent ainsi leur incapacite entetee a concevoir les consequences tragiques et inhumaines d’une globalisation barbare dont ils sont beneficiaires et complices au pire, ou les idiots utiles au mieux.
    Cette pretendue gauche ici en Israel,en France ou ailleurs dans les democraties occidentales, qui ne nous represente plus depuis longtemps et nous trahit quotidiennement,aurait condamne Alfred Dreyfus: comme l’ont fait les hauts-grades de l’armee francaise ,comme la droite antisemite francaise comme une partie de la gauche francaise a l’epoque. La bien-pensance est affaire de croquants: eux aussi voulait faire un exemple et sauver l’honneur(et pour certains, leur peau tout simplement) a tout prix.

    Ce scandale est flagrant: nous sommes entres en resistance et nous vaincrons.A bon entendeur, salut!

    Cordiales salutations republicaines et shalom,

    Elisheva Rochefort

  5. Yaacov dit :

    Un seul conseil mes frères
    Ne faites pas l alyah

    Israel n est plus la terre promise
    Passé le ciel bleu et la mer vous découvrirez
    Une réalité tout autre que celle que vous imaginiez

  6. David 1 dit :

    Israel est devenu , secret de polichinelle, un Etat binational , judéo-arabo-musulman .

    Avec le gouvernement mercantile actuel, cette réalité ira s’amplifiant et j’admire celui qui pourrait donner un pronostic juste .

    Car j’ai le sentiment que la volonté politique et collective d’en faire un vrai, authentique Etat juif n’existe d’autant moins qu’aucune réflexion collective n’a lieu sur cet aspect majeur

    Seuls ont la parole, le pouvoir et l’initiative les barbus mystiques et les politiciens et notables de toutes sortes , ambitieux et si matérialistes

  7. David 1 dit :

    Cet article, d’autre part, nous apprend certaines choses dont on se doutait .

    Pour autant , on ne voit pas à quoi cet historien , certainement important , veut nous dire et quel est le sens général qu’il veut apporter à ces informations historiques .

    Tsahal est devenue une armée , techniquement parlant et ce progressivement , qui ne le sait pas et qui ne s’en doute pas ?Dans un Etat juif comme Israel, avec en arrière plan , une telle histoire aussi dense , comment ne pas concevoir que critères moraux et impératifs de sécurité publique sinon sentiments humains pouvant aller jusqu’à la si humaine vengeance ne s’interpénètrent ?

    Mais toutes ces choses difficiles à régler dans l’épreuve , doivent être discutées plus profondément , dans et hors des unités combattantes et un minimum de règles doivent être appliquées mais tenant compte de la complexité des situations

  8. ALUF HANITZAHON dit :

    Il faut décorer le soldat Azaria pour avoir éliminé de notre monde une crapule terroriste.

  9. Robert Cohen dit :

    Excellent article ! Qui change de la soupe populaire médiatique. Humain trop humain, au jeu des chaises musicales attention qd la musique s’arrête.

  10. Maguid dit :

    La vraie loi morale, en réalité consiste à respecter la différence essentielle entre un ennemi mortel et un défenseur de son pays.

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