Le Mystère Sindelar : le joueur qui a dit non à Hitler

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Eugène Saccomano revient sur le destin hors du commun du joueur autrichien qui refuse de faire le salut nazi à l’issue d’un match entre l’Allemagne nazie et l’Autriche en 1938.
«Ce que je sais de la vie, c’est au football que je le dois», confiait Albert Camus. Dans son nouveau roman, Le Mystère Sindelar, Eugène Saccomano n’oublie pas de citer l’écrivain qui fut également gardien de but du Racing universitaire algérois. L’éternelle voix du football évoque Matthias Sindelar. Ce footballeur autrichien, considéré comme l’un des meilleurs du monde, a su dire non au Führer. C’est ce destin hors du commun que narre avec sa verve et son sens du récit le journaliste et écrivain, qui mêle, ici, ses deux passions: le football et la littérature – en plus de ses livres sur le ballon rond, il est l’auteur d’essais sur Céline, Giono et d’un document, Bandits à Marseille, qui donna sur grand écran le fameux Borsalino .

Eugène Saccomano raconte. Dans Le Mystère Sindelar, il est bien sûr question de sport, mais pas seulement. Matthias Sindelar est né en 1903, à Kozlau, dans ce qui est devenu la République tchèque. Avec sa famille, il émigre à Vienne. Son père meurt durant la guerre de 1914 et sa mère fait ce qu’elle peut en tant que lavandière. Matthias grandit, bricole dans la serrurerie et la réparation automobile tout en jouant au ballon. L’attaquant deviendra vite «le Mozart du football». Le joueur aux pieds de feu et aux dribbles chaloupés fit les beaux jours de l’Austria de Vienne et de son équipe nationale. Un personnage de roman. «Il est grand, Sindelar, beau mec, une chevelure blonde tirée vers l’arrière, l’œil clair et vif. Voilà qui fait croire à une espèce de froideur. C’est tout le contraire. On peut être un sentimental sur le terrain de foot comme dans la vie», raconte l’auteur.
Morts suspectes
Malgré la joie d’être sur le terrain, l’amitié des vestiaires et l’amour de Camilla, issue d’une famille juive italienne, l’époque sent la catastrophe. Joseph Roth s’est exilé à Paris en 1933 d’où, rappelle le journaliste sportif, il écrit à Stefan Zweig ces mots prémonitoires: «Notre existence littéraire et matérielle est déjà anéantie. L’ensemble conduit à une nouvelle guerre. Je ne donne pas cher de notre vie. On a réussi à laisser la barbarie prendre le pouvoir.» En mars 1938, c’est «l’Anschluss, l’invasion, l’annexion». Le 3 avril 1938 est organisé un match «amical» entre l’Allemagne nazie et l’Autriche pour sceller l’union à marche forcée. Sindelar brille et marque un superbe but. À la fin du match, les joueurs sont appelés à faire le salut nazi. Sindelar et son ami Sesta disent non. Énorme scandale – «C’est une insulte au Führer», s’écrie-t-on. Saccomano commente ce match et cette scène de révolte dans des pages d’anthologie. Leni Riefenstahl a filmé la rébellion. Goebbels, Heydrich, le bureau d’Himmler, le chef de la Gestapo de l’Autriche, ils sont tous au courant. Ils sont tous furieux. Saccomano raconte cela et les heures sombres qui suivent à hauteur d’homme. C’est vif, percutant, comme un but de Sindelar.

Le footballeur aggravera son cas en refusant de revêtir le maillot avec la croix gammée. Il ruse dans la vie comme il dribble sur un terrain. Mais moins d’un an plus tard, lors de la matinée du 23 janvier 1939, on retrouve son corps et celui de Camilla sans vie. Morts suspectes. Pas d’autopsie. La thèse officielle conclut hâtivement à une intoxication au monoxyde de carbone alors que le poêle à gaz récent était en bon état. «Le mystère Sindelar demeure», écrit l’auteur. Son acte héroïque, aussi. Avec ce livre, Eugène Saccomano lui a élevé un tombeau magnifique.
«Le Mystère Sindelar. Le footballeur qui défia Hitler», d’Eugène Saccomano, Les Éditions de Paris-Max Chaleil,114 p., 14€.
Source :
http://premium.lefigaro.fr/livres/2016/06/02/03005-20160602ARTFIG00107–le-mystere-sindelar-le-joueur-qui-a-dit-non-a-hitler.php

Huit mois durant, il vit caché avec sa compagne, traqué par les nazis. Le 23 janvier 1939, on retrouve son corps inanimé avec celui de son amie Camilla Castagnola dans son appartement à Vienne. Officiellement, leur décès est imputé à une intoxication au monoxyde de carbone due à une cheminée défectueuse. Mais différentes thèses semblent privilégier un double assassinat mené par la Gestapo ou un suicide. Une enquête policière est d’ailleurs menée, mais le rapport disparaît durant la Seconde Guerre mondiale9 et les corps furent incinérés. Plus de 15 000 personnes accompagnèrent la dépouille de Matthias Sindelar dans les rues de Vienne le jour de ses funérailles.

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  1. Pierre un Gaulois dit :

    Ca nous change de l’equipe de France…

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