
«Ne jamais prononcer le mot “juif” et procéder par allusion : la stratégie de la gauche antisémite ne date pas d’hier»
Par Eliott Mamane
FIGAROVOX/ENTRETIEN – Au-delà du 7 octobre, le journaliste Clément Weill-Raynal retrace, dans son dernier essai, l’histoire de l’antisémitisme et du collaborationnisme dans la gauche française de la seconde partie du XXe siècle.
Clément Weill-Raynal est journaliste. Il publie La gauche antisémite, une haine qui vient de loin (L’Artilleur, 2025).
LE FIGARO. – Lila Djellali, adjointe écologiste à la mairie du XXe arrondissement, en plein conseil, a soutenu qu’un « génocide » était en cours à Gaza, appuyant sa déclaration sur une citation, inventée mais attribuée à de Gaulle : « Le jour où l’on rassemblera des Juifs au même endroit, on a peur qu’ils deviennent des dominateurs, qu’ils fassent l’impensable » . Cette déclaration s’inscrit-elle dans la tendance que vous décrivez dans votre ouvrage ?
Clément WEILL-RAYNAL. – Le fait que Lila Djellali ait besoin d’une citation imaginaire prêtant aux Juifs des intentions démoniaques pour affirmer qu’un «génocide» serait perpétré à Gaza par Tsahal en dit long sur la réalité de cette accusation et sur les arrière-pensées malsaines de l’élue écologiste. Pour le reste, il y a bien une campagne d’intox menée par le Hamas pour accréditer cette thèse d’un génocide contre la population de Gaza. Elle est reprise par tous ses relais mondiaux, à savoir les réseaux islamistes, l’extrême gauche et les traditionnels idiots utiles de service. Aucun observateur sérieux ne peut soutenir une telle accusation. Je connais peu d’armées qui préviennent préalablement les populations civiles d’évacuer les zones qui vont faire l’objet d’une frappe. S’il s’agissait d’un génocide contre des civils désarmés, les combats seraient terminés depuis longtemps. Or, ils font rage. La guerre de Gaza dure depuis près de deux ans car le Hamas s’abrite et se camoufle derrière les civils palestiniens que l’organisation terroriste utilise comme boucliers humains. L’accusation de génocide procède d’une nazification évidente d’Israël qui, pour ses contempteurs, deviendrait le seul pays auquel serait déniée la possibilité d’exercer son droit de légitime défense face à une agression qui, elle, est bien à certains égards génocidaire. Lila Djellali semble ignorer les objectifs déclarés du Hamas qui n’a jamais caché sa volonté de détruire Israël et d’exterminer sa population.
Au début de votre ouvrage, vous faites la recension de propos prononcés par Jean-Luc Mélenchon ou ses proches insoumis sur la dernière décennie. Est-ce la récurrence des références au Hamas et à Israël qui est problématique ou sont-ils intrinsèquement antisémites ?
Peut-être y a-t-il une dénégation inconsciente de leur propre antisémitisme, mais le caractère central de la question israélienne à LFI est révélateur. Ils argumentent que le procès en antisémitisme est odieux et vise à faire taire les critiques légitimes à l’égard d’Israël : la thèse se tiendrait si leur discours supportait la contre-critique et s’ils ne diabolisaient pas autant ce pays, tandis que d’autres conflits territoriaux se manifestent dans le monde (le Cachemire en est le dernier exemple). Qu’est-ce qui justifie donc cette hargne ? Leurs dérapages récurrents répondent à cette question, bien qu’ils aient domestiqué la technique du verbiage stalinien pour brouiller les pistes : ne jamais prononcer le mot «juif» et procéder par allusion.
Vous rappelez en effet que l’URSS armait les pays arabes, le siècle dernier, et s’était immédiatement opposée à la création d’un foyer national juif. Sous Staline, la propagande ciblait habilement les Juifs sans jamais les nommer. Quelles leçons en tirez-vous ?
Je me suis intéressé au traitement des procès de Prague et Moscou par la presse communiste officielle en France. L’Humanité se contentait parfois de traduire les éditoriaux de la Pravda. En procédant ainsi, L’Humanité jouait des différences entre les opinions publiques de l’Est et de l’Ouest pour laisser paraître des textes aux aspérités antisémites impensables chez nous. Ils dénonçaient alors le complot «sioniste» des médecins du Kremlin, de Rudolf Slánský à Prague… Et puisque les populations russe ou tchèque n’avaient pas l’antisémitisme honteux, on pouvait vite en venir au judaïsme des accusés, traitant les uns de «bourgeois juif», les autres de cosmopolites… Ces formulations sont apparues en 1952-1953 dans L’Humanité. La difficulté étant que la gauche extrême cherche à faire passer l’Histoire aux oubliettes, j’ai consulté en bibliothèque les collections de L’Humanité, des Lettres françaises et de La Nouvelle critique de l’époque. Les dérapages violemment antisémites, reproduits dans le livre, étaient nombreux.
Vous ciblez le milieu de l’édition proche du PCF et plus généralement la presse de gauche. À ce sujet, vous donnez l’exemple de quelques collaborationnistes qui ont poursuivi leur carrière politico-médiatique après la Libération et concluez que les anciens vichystes de gauche ont eu plus de facilité à continuer leur engagement que ceux de droite. Vraiment ?
L’exemple du fondateur du Monde, Hubert Beuve-Méry, est édifiant. Il est encore considéré comme une figure tutélaire et inattaquable du journalisme français. Avant-guerre, dans son essai Vers la plus grande Allemagne, il peine pourtant à cacher son admiration pour le projet nazi, bien qu’il reconnaisse son caractère brutal et dictatorial. Il salue les réalisations économiques du régime et n’a aucun mot pour ses considérations antisémites. Pendant la guerre, bien qu’il se soit par la suite prétendu résistant, il n’a rejoint la résistance que sur la fin, après la défaite allemande à Stalingrad. Il a régulièrement manifesté sa défiance, en outre, vis-à-vis du monde «israélite». J’ai d’ailleurs remarqué que Le Monde a témoigné d’une hostilité à l’égard d’Israël dès sa création.
En outre, Beuve-Méry a ouvert les portes du journal à d’anciens collaborationnistes, par la suite devenus des figures inattaquables de la gauche, à l’instar du constitutionnaliste Maurice Duverger, député européen communiste. Dans ses travaux, pendant la Guerre, il a justifié le statut des Juifs. Il a fait des procès en diffamation pour se blanchir après-guerre, qu’il a remportés à l’aide de témoins de moralité eux aussi collaborationnistes !
En somme, ce qui s’écrit à droite est scruté à la loupe, là où l’on trouve toutes les excuses aux intellectuels de gauche. Ces derniers bénéficient d’une magistrature qui peut entretenir des prétentions idéologiques allant dedans leur sens, en témoigne l’affaire du «mur des cons» que j’ai révélé. À gauche, les polémiques sont présentées comme étant le fruit d’un débat républicain : un arsenal de formules toutes faites est volontiers déployé, permettant d’accabler les uns et blanchir les autres. De même, les actuels dirigeants du PCF, qui ont connu leurs prédécesseurs de l’époque stalinienne, n’ont jamais eu à témoigner de leur repentance pour l’antisémitisme de la presse communiste d’alors.
À ce propos, vous soutenez que les associations communautaires, comme la Licra, ont parfois eu plus de réticences à attaquer ces dérapages devant la justice lorsqu’ils émanaient de la gauche que de la droite…
C’est le sens de mon livre. La gauche est parvenue à réécrire l’Histoire : sous l’occupation, elle aurait résisté face à une droite collaborationniste, tandis que l’antisémitisme d’après-guerre aurait été l’apanage de l’extrême droite. Pendant la guerre du Liban (1982), Libération publie une lettre violemment antisémite. Les associations antiracistes, dont la Licra, ne souhaitaient pas aller au procès, par crainte d’une condamnation qui entacherait le dogme d’une gauche ne pouvant faire preuve d’antisémitisme. Le même été, le dessinateur Siné appelait au meurtre des Juifs sur la radio libre Carbone 14 ; la Licra et d’autres organisations ont là aussi fait feu de tout bois pour empêcher un procès.
Cette gauche, qui a toujours été efficace dans son organisation militante, est parvenue à entretenir un réseau grâce à son agit-prop. Ainsi, des magistrats ont pu refuser de condamner des dérapages antisémites au motif qu’ils venaient de la gauche. Les affaires Daniel Mermet et Edgar Morin en sont caractéristiques. Ce dernier, bien que juif, a produit des écrits antisémites. Sa critique d’Israël en est devenue maladive, estimant que les Juifs prenaient «plaisir à humilier» les Palestiniens. D’abord relaxé, il s’est fait condamner par la Cour d’appel de Versailles, mais a profité de pétitions et mobilisations d’intellectuels de gauche en sa faveur, conduisant la Cour de cassation à annuler sa condamnation. Cette vague de soutiens en dit presque davantage que ses écrits initiaux…
Source
Le Figaro
Les antisémites viennent de la droite comme de la gauche. Actuellement quand on en trouve à droite, ils sont exclus de leur parti (comme le rn). Alors qu’à gauche ils sont légion, acclamés et inscrits d’office sur une liste électorale pour représenter le woko-nazislamo-gauchisme. L’antisémitisme se combat sans regarder le camp d’où vient la personne. La gauche a définitivement sombré intellectuellement et moralement pour garder ses élus en s’associant avec la rance islamiste.