Ces mystérieuses explosions qui frappent l’Iran

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Plusieurs sites sensibles iraniens ont été la cible d’incidents d’origine encore inconnue, faisant des dizaines de victimes. Pointé du doigt par un député iranien, Israël dément toute implication.
Par Armin Arefi
La terrible déflagration a tout détruit sur son passage, créant un immense champignon de fumée noire au-dessus du complexe portuaire de Shahid Rajaei. Le plus grand port commercial d’Iran, situé en périphérie de la grande ville de Bandar Abbas (Sud) et par lequel transitent près de 85 % des marchandises du pays, a été frappé, samedi matin, par une énorme explosion qui a fait au moins 70 morts et plus de 1 200 blessés. D’après les images, un incendie s’est déclaré à 12 h 10 dans l’un des 130 000 conteneurs entassés dans les lieux, provoquant la catastrophe.
Selon Hossein Zafari, le porte-parole de l’Organisation iranienne de gestion des crises, des « produits chimiques à l’intérieur des conteneurs [sont] à l’origine de l’explosion ». « Auparavant, a-t-il déclaré à l’agence de presse iranienne Ilna, le directeur général de la gestion des crises avait lancé des avertissements aux responsables de ce port lors de ses visites et avait souligné la possibilité d’un danger. »

Le produit chimique en question serait du perchlorate de sodium, estime une source liée aux Gardiens de la révolution, l’armée idéologique de la République islamique, citée par le quotidien américain New York Times. Ce sel oxydant blanc, très soluble, est employé dans l’industrie chimique, la médecine et la fabrication de produits solides de propulsion utilisés dans les moteurs-fusées. D’après l’entreprise de sécurité britannique Ambrey, le départ de feu serait dû à une « mauvaise manipulation d’un chargement de combustible solide destiné à être utilisé dans des missiles balistiques iraniens ».
Le 22 janvier dernier, le quotidien britannique Financial Times affirmait que deux navires battant pavillon iranien – le Golbon et le Jairan – se préparaient à appareiller de Chine en direction de l’Iran, selon des responsables sécuritaires de deux pays occidentaux. À leur bord, pas moins de 1 000 tonnes de perchlorate de sodium, qui sont arrivées à destination au port Shahid Rajaei au mois de mars. Une quantité suffisante pour alimenter 260 missiles iraniens de moyenne portée.

Le programme iranien de missiles balistiques est scruté de très près par la communauté internationale, Israël et États-Unis en tête, inquiète qu’il ne puisse servir dans le futur à transporter des têtes nucléaires, ce que l’Iran dément formellement. Plusieurs centaines de ces missiles ont notamment été utilisées par les Gardiens de la révolution le 13 avril et le 1er octobre 2024, lors des deux salves de frappes directes menées par la République islamique contre l’État hébreu. « Il est vrai que le perchlorate de sodium est un point important et que sa provenance suscite l’intérêt d’Israël », confie une source diplomatique israélienne sous le couvert de l’anonymat. « Mais cela ne signifie en rien qu’Israël est derrière l’incident de Bandar Abbas, dont le lourd bilan humain ne correspond clairement pas aux méthodes israéliennes. »
Il y a cinq ans, une vague sans précédent d’explosions avait déjà frappé plusieurs sites stratégiques aux quatre coins de l’Iran, dont le port de Shahid Rajaei, alors ciblé par une cyberattaque, perturbant son fonctionnement pendant plusieurs jours. À l’époque, le quotidien américain Washington Post, citant plusieurs responsables américains et étrangers, avait attribué l’incident à Israël, alors engagé dans une guerre de l’ombre avec l’Iran, qui a désormais éclaté au grand jour. Dimanche 27 avril, le directeur général de l’opérateur public iranien de télécommunication (TCI) a indiqué que l’Iran avait déjoué « l’une des cyberattaques les plus étendues et les plus complexes contre les infrastructures du pays », sans pour autant porter d’accusation.

Piste israélienne
Le même jour, le député iranien Mohammad Seraj n’a, de son côté, pas hésité à pointer la responsabilité de l’État hébreu dans l’explosion du port de Shahid Rajaei. « Cet événement n’était en aucun cas accidentel et il y a des signes clairs de l’implication du régime sioniste [façon dont les responsables iraniennes nomment Israël, NDLR] dans cet événement », a déclaré, samedi, à l’agence de presse iranienne Rokna le représentant de Téhéran au Parlement iranien. « Lorsque des explosions se produisent à quatre endroits différents, cela indique que des explosifs étaient déjà placés dans les conteneurs. »
Si le récit officiel iranien n’évoque qu’une seule explosion, les images aériennes recueillies montrent au moins trois foyers d’incendies distincts, dont certains assez éloignés les uns des autres. D’après la presse iranienne, un premier incendie se serait tout d’abord déclaré dans l’entrepôt principal du port, nommé Sina et affilié à l’Organisation maritime et portuaire iranienne, avant qu’un deuxième n’éclate dans le parc à conteneur, et qu’un troisième, enfin, ne touche un entrepôt nommé Onik.

« Il y a eu plusieurs explosions à différents endroits, car, tout d’abord, la température à Bandar Abbas est de 45 degrés », explique une source diplomatique iranienne ayant requis l’anonymat. « Ensuite, cette zone ne renferme que des matériaux inflammables, comme du souffre, de l’urée ou de l’ammoniac. Ainsi, la chaleur de l’incendie a provoqué la propagation dans la zone, entraînant de multiples explosions. »
La piste israélienne n’a été évoquée par aucun autre responsable iranien, le ministre de l’Intérieur dénonçant une « négligence », tandis que le ministère de la Défense a assuré qu’il n’y avait « aucune cargaison […] pour un usage militaire dans la zone de l’incendie ». Toute accusation officielle obligerait en effet l’Iran à riposter contre l’État hébreu. Néanmoins, le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a ouvert la voie à cette hypothèse, en ordonnant, dimanche, l’ouverture d’une enquête sur l’incident, afin de déterminer si le drame avait été causé par une « négligence » ou s’il était « intentionnel ».
Négociations américano-iraniennes
« La cause principale de la catastrophe est l’incendie d’un conteneur d’ammoniac », insiste la source diplomatique iranienne, soucieuse de ne pas prêter le flanc à l’hypothèse d’une implication israélienne. « Beaucoup de gens aiment lier cette question à Israël dans le but d’éclipser les négociations sur le nucléaire iranien. » Depuis le 12 avril, l’administration Trump et la République islamique sont en pourparlers indirects par l’entremise du Sultanat d’Oman pour arracher un accord permettant de s’assurer que l’Iran n’obtiendra pas la bombe atomique, ce que dément rechercher Téhéran. Dimanche, le président américain s’est dit « assez sûr » de la conclusion prochaine d’un compromis.
Au grand dam d’Israël, qui considère un Iran au seuil de l’arme nucléaire comme une menace existentielle, et souhaiterait profiter de l’affaiblissement régional de la République islamique pour frapper les sites nucléaires iraniens avec l’aval, si ce n’est l’aide, des États-Unis. « La coalition gouvernementale israélienne actuelle demeure très réservée sur le processus de négociations avec l’Iran, car elle estime que l’accord qui pourrait être trouvé ne sera pas favorable aux intérêts d’Israël en n’aboutissant pas au démantèlement total du programme nucléaire iranien », analyse l’historien Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (Fmes).

« S’il est dans l’intérêt manifeste du gouvernement israélien de faire dérailler les pourparlers entre Washington et Téhéran, il n’est pas sûr que Benyamin Netanyahou ait pris le risque de franchir la ligne rouge que lui a très clairement fixé Donald Trump sur l’Iran – ne rien faire qui puisse saboter la négociation en cours – au risque d’une réaction brutale du président américain vis-à-vis d’Israël », nuance cet expert du Moyen-Orient. « Il ne faut pas non plus sous-estimer l’incurie du système politique iranien qui peut favoriser ce genre d’incidents. »

Interrogée par Le Point, la source diplomatique israélienne dément la moindre tentative de sabotage des pourparlers par Israël. « On donne une chance aux négociations, insiste-t-elle. Si la voie diplomatique permet de trouver une issue, tant mieux. Mais l’objectif est que l’Iran ne puisse pas menacer d’une façon ou d’une autre la sécurité d’Israël. » Hasard du calendrier, une nouvelle explosion a frappé, ce mardi, un entrepôt à Meimeh, dans la province iranienne d’Ispahan (Centre), faisant au moins un mort et deux blessés, selon l’agence de presse officielle Isna.
L’incendie provoqué par la déflagration a fortement endommagé le toit et la structure du site, qui appartient à l’entreprise d’industries chimiques Ava Nar Parsian. Spécialisée dans la fabrication de feux d’artifice et de poudre à canon, cette société iranienne opère sous la supervision du Conseil suprême de sécurité nationale, la plus haute instance décisionnelle du pays, et demeure étroitement liée à l’industrie de défense de la République islamique.
Source
https://www.lepoint.fr/monde/ces-mysterieuses-explosions-qui-frappent-l-iran-30-04-2025-2588560_24.php

happywheels

2 Commentaires

  1. David92 dit :

    Dès que c’est , »mystérieux »
    les regards se portent sur Israël .

  2. joseparis dit :

    C’est une bonne nouvelle du moment que ça emmerde les mollahs.

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