Je suis Kouachi: l’étrange roman qui se met dans la tête du tueur

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Benjamin Berton transforme un des deux auteurs des attentats contre « Charlie » en personnage de roman. Pour quoi faire ?

Les médias sont tombés dans le panneau : non, Chérif Kouachi, l’un des deux frères terroristes qui envoyé ad patres douze personnes dont huit membres de «Charlie Hebdo» le 7 janvier dernier, n’est pas mort. Si son frère Saïd est bien tombé sous les balles de la police dans une imprimerie de Seine-et-Marne, Chérif, lui, est resté quatre mois planqué dans un trou qu’il avait aménagé dans une forêt, à boulotter des barres de céréales et des scolopendres.
Puis il est ressorti et, grâce à de faux papiers, a refait sa vie. Quatre ans après ce qu’il nomme «l’Action», l’aîné des Kouachi raconte, à la première personne, qu’il s’est marié avec une jolie Française «de souche» dont il attend un enfant et est devenu responsable marketing dans une boîte de téléphonie mobile.
Telle est l’idée de départ de «J’étais la terreur» de Benjamin Berton, Goncourt du premier roman en 2000 et dont c’est le huitième roman. A notre connaissance, il est le premier écrivain français à s’attaquer à cette périlleuse entreprise: revenir sur ce qui constitue peut-être l’événement le plus important en France depuis, disons, l’élection de François Mitterrand.
« Une semaine après les attentats, je me suis attelé à l’écriture de ‘‘J’étais la terreur’’ et, en deux mois, le livre était pratiquement achevé», raconte l’auteur qui s’est évidemment posé, comme point de départ, la question de tout lecteur de Dostoïevski : qu’est-ce qui explique que les frangins Kouachi aient commis cette monstruosité? Où réside le Mal en eux?
L’extrême-droite avait une réponse : ‘‘Ils sont Arabes et musulmans’’. La gauche, elle, en avait une autre qui, en caricaturant un peu, disait: ‘‘Ce sont des victimes de la société.’’

Sauf que cela ne tient pas, parce que les frères Kouachi ont certes vécu en foyer et étaient aux marges de la délinquance, mais ils étaient deux petits mecs qui fumaient des joints en écoutant du hip-hop, pas des assassins. Cette aberration statistique est intéressante sur le plan littéraire.»
Sitôt achevé, le texte a été proposé à Gallimard, l’éditeur principal de Berton. Son interlocuteur à la «NRF», Jean-Marie Laclavetine, a «trouvé le texte intéressant, mais il était troublé par le ‘‘flou du positionnement’’ du personnage, dit l’écrivain. Il n’a pas tellement saisi mes intentions, je crois.»
Chez Gallimard, Laclavetine explique que le texte «a rencontré des réticences devant le comité de lecture»:
Berton ne cherchait pas le scandale. Il voulait montrer Kouachi non pas comme un fanatique ou comme une victime sociale, mais comme un être banal pris dans un engrenage accidentel, qui ne montre pas de remords par rapport à son geste, mais qui n’en tire pas non plus de gloire.

Ce qui a suscité le refus, c’est qu’on se demandait quel était le projet. Que voulait-il dire, au fond?Personnellement, je n’aurais pas été défavorable à ce qu’on le publie. Ça peut mettre mal à l’aise, mais je n’ai rien contre les livres qui créent un malaise. Simplement je n’ai pas su défendre le texte avec suffisamment d’enthousiasme devant le comité.
Berton a ensuite songé à donner son manuscrit à Ring, maison qui a publié son «Nuage radioactif» en 2014 – déjà refusé par Gallimard parce qu’il laissait la parole à un autre ami du genre humain, Anders Breivik, le tueur d’Utoya. (Ring a aussi publié «Utoya», de Laurent Obertone, qui se plaçait dans la tête de Breivik.) Mais il y avait un hic : «Moi, dit Berton, je suis plutôt de gauche bon teint, ce qui n’est pas le cas de Ring… Sur un projet comme celui-là, j’avais peur d’une mauvaise interprétation.»
Finalement, le projet a atterri chez Christophe-Lucquin, «un éditeur très littéraire» selon Berton. «Je me disais que son lectorat serait surtout sensible aux qualités poétique du roman plus qu’à son contexte politique.»

« Facultés intellectuelles et morales »
De fait, le titre « J’étais la terreur » risque fort de tromper le lecteur: le Chérif qui y est dépeint est un être posé, «sans passion excessive» et«respectueux des convenances». Pas un écorché vif, encore moins un fou de Dieu. «Je souhaite, bien entendu, n’être jamais le héros de personne», dit-il.
Certes, il parle de l’«ennemi» (l’Etat français), mentionne les «crochus» de la «juiverie internationale». Mais c’est un citoyen parfaitement intégré qui raconte ses souvenirs, un salarié serein et apaisé, éprouvant «un amour du monde (…) qui ne demandait qu’à grandir». Un modéré qui, au fond, ne trouve pas si grave de caricaturer le Prophète – au point que Benjamin Berton imagine Chérif s’essayant, pour rire, à redessiner un Prophète de Charb…
On suppute évidemment l’intention provocante, que Berton rejette:
C’est un projet plus littéraire que provoc’. Et cela me ferait mal qu’on pense : ‘‘En voilà un qui essaie de s’en mettre plein les fouilles avec les attentats’’. Ce n’est vraiment pas mon intention.»
Mais alors, pourquoi dépeindre un terroriste doux comme un agnelet, presque attachant ?
Mon idée, c’est que la logique de groupe a été déterminante dans le parcours des Kouachi. Ils ont été entraînés dans une action terroriste par d‘autres et ont suivi sans trop réfléchir, parce qu’ils ne possédaient pas les facultés intellectuelles et morales pour mesurer la gravité de leurs actes.»
Chérif n’a tellement pas les armes que, quatre ans après «l’Action» (la tuerie), il continue de la qualifier d’«immense plaisir», de «grand moment de [s]on existence». Seuls, de temps à autres, quelques mauvais rêves plein de fantômes perturbent un peu son sommeil, mais rien de bien traumatisant.
Mon personnage est amoral, mais je pense sincèrement qu’un type comme Kouachi n’a vu dans cette action qu’un projet difficile à préparer et qu’il est parvenu à faire aboutir, analyse Berton. C’est le seul qu’il ait mené à bien de sa vie, ce qui, d’une certaine manière, l’a débarrassé de ses complexes.»


Sauf que quelque chose cloche dans «J’étais la terreur». Si l’on pose que Chérif est un petit gars limité, pourquoi s’exprime-t-il au passé simple et avec des tournures d’ancien élève de Normale Sup? «[Je] semblais condamné à exister dans l’impéritie», dit-il. Il emploie aussi des mots comme «sujétion», «sarments», ou «pansexuel» et des expressions comme «à hue et à dia». Second degré?
Pas du tout, c’est un monologue intérieur, donc il me semblait pouvoir m’affranchir d’un certain réalisme du langage ‘‘parlé’’, se justifie Berton. Après tout, il n’y a pas de raison que son raisonnement intérieur soit moins raffiné que, mettons, celui d’un Emmanuel Macron.»
L’auteur dit aussi avoir voulu rendre hommage au lyrisme un peu boursouflé des poètes persans du Moyen Age et à l’enluminure arabe.
Reste que doter son personnage de mots savants, contribue à lui donner une certaine puissance, voire une forme de dignité. Et c’est sur ce point que son roman ne fonctionne plus: le cadet des Kouachi a peut-être bien été un Meursault, un type ordinaire entraîné sur une pente plus grande que lui, mais il n’est pas possible qu’il emploie une langue plus grande que lui. A vrai dire, son personnage n’est pas opaque: il est incohérent.
Arnaud Gonzague
J’étais la terreur, de Benjamin Berton,
Christophe Lucquin Editeur, 219 p., 18 €.

source :
http://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20151022.OBS8129/je-suis-kouachi-l-etrange-roman-qui-se-met-dans-la-tete-du-tueur.html

happywheels

3 Commentaires

  1. capucine dit :

    kouachi est mort , le reste peu m’importe ..

  2. Bellar dit :

    Franchement il n’a rien d’autre à faire cet auteur ?
    Et l’autre qui écrit : « une certaine puissance, voire une certaine dignité » …tous ces pseudo intellos qui se masturbent le bourrichon ! À mourir de rire !

  3. roni dit :

    il n a jamais etait touche dans un attentat ou un membre de sa famille cest pour ca qu il reagi comme ca.
    un livre qui excuse presque les attentats des deux fanatiques il en excuse un.
    je crois qu il veut que l un des deux terroristes devient un heros aux yeux d une certaine categorie de personnes.
    MAIS ILS SONT DEJA DES MODELES POUR TOUS LES ECERVELES.

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