Le Liban sanctionné pour trafic de drogue vers l’Arabie saoudite

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par Jean-Pierre Filiu
L’Arabie saoudite a suspendu toutes les importations agricoles du Liban, après la découverte d’un chargement de fruits bourrés d’amphétamines.

Rien ne va plus entre l’Arabie saoudite et le Liban. Ce n’est pas la place prépondérante du Hezbollah dans le pays du Cèdre qui provoque cette fois le courroux du royaume wahhabite, mais la découverte, le mois dernier, de 5,3 millions de pilules de captagon dans un chargement de fruits en provenance du Liban. Ces amphétamines particulièrement puissantes, pour une valeur totale d’une dizaine de millions d’euros, étaient cachées à l’intérieur de grenades, ces fruits à la douceur particulièrement recherchée lors des repas de rupture du jeûne du Ramadan. Le scandale de cette découverte durant le mois le plus sacré du calendrier islamique a conduit Riyad à décréter, le 25 avril, un embargo sur toutes les importations agricoles en provenance du Liban. Un tel boycott saoudien représente un nouveau coup, particulièrement sévère, pour une économie libanaise déjà sinistrée.

C’est loin d’être la première fois que du captagon à destination de l’Arabie est découvert en provenance du Liban. En janvier et février 2017, les douanes françaises avaient ainsi intercepté à l’aéroport de Roissy deux chargements à destination du royaume wahhabite, avec plus d’un million de doses de captagon dissimulées à l’intérieur de moules en acier industriel. Il s’agissait de la première saisie sur le territoire français de cargaisons de cette amphétamine d’une terrible puissance, associée à l’horreur syrienne du fait de sa popularité chez les combattants de tous les camps. Quant à l’Arabie saoudite, elle a déclaré que la découverte du mois dernier n’était que la dernière d’une longue série d’interceptions de captagon caché dans des chargements de fruits et légumes en provenance du Liban: depuis « le début de 2020″, plus de 40 millions de pilules ont, selon Riyad, été trouvées dans trois cargaisons différentes de raisin; 6,5 millions dans un chargement de pommes de terre; 4,3 dans une cargaison de pommes et 2,5 dans un autre chargement de grenades…
Les autorités libanaises ont tenté de se disculper en affirmant que les grenades provenaient de Syrie et que le chargement, intercepté en avril en Arabie, avait transité par un entrepôt de la plaine de la Békaa, frontalière de la Syrie. C’est là qu’une société fictive libanaise, officiellement enregistrée auprès du ministère de l’Agriculture, a couvert la réexportation de ces « fruits » stupéfiants comme produit libanais, depuis le port de Beyrouth vers celui de Djedda, en Arabie saoudite, où le trafic fut révélé. La production de captagon sur le territoire contrôlé par le régime Assad en Syrie, déjà considérable, s’est accentuée avec l’effondrement économique du pays. Quant au Hezbollah libanais, massivement engagé en Syrie aux côtés d’Assad, il contrôle la plupart des postes-frontières entre la Syrie et le Liban, présentant même la contrebande entre les deux pays comme un acte de « résistance » contre Israël. Le Hezbollah, également très présent au port et à l’aéroport de Beyrouth, est dès lors accusé de « contribuer au trafic international de drogue ».

Le boycott de l’Arabie saoudite, approuvé par le Koweït, les Emirats arabes unis, Bahreïn et Oman, a provoqué un activisme sans précédent des autorités libanaises, soucieuses de démontrer leur bonne volonté pour rouvrir le marché saoudien à leurs exportations agricoles. C’est d’abord le « roi du captagon », ainsi que la presse libanaise surnomme Hassan Dekko, qui a été mis en avant. Ce trafiquant syrien, fraîchement naturalisé libanais, avait en fait été arrêté dès le 9 avril à Beyrouth, après la découverte en Malaisie d’un chargement de 16 tonnes de captagon, pour un montant de 1,4 milliard d’euros. C’était déjà la police saoudienne qui avait remonté la piste menant à cet « homme du régime syrien et du Hezbollah », selon les mots d’un habitant du village libanais de Tfaïl, enclavé en territoire syrien et transformé par Dekko et son gang en plaque tournante du trafic de drogues. Mais Dekko n’était visiblement qu’un élément d’un système bien plus vaste, les chargements de captagon s’étant poursuivis après son arrestation, avec des raids menés depuis par la police libanaise dans deux fiefs du Hezbollah.
Le président Michel Aoun s’est engagé à suivre personnellement ce dossier en liaison avec le ministre sortant de l’Intérieur, Mohammad Fahmi (le gouvernement libanais a présenté sa démission en août 2020, après l’explosion catastrophique du port de Beyrouth, Saad Hariri, le Premier ministre désigné, ayant depuis été incapable de constituer un nouveau cabinet). Fahmi a mené des tournées d’inspection, largement couvertes par la presse, à l’aéroport de Beyrouth, ainsi qu’aux frontières avec la Syrie. Il a annoncé, le 3 mai, l’arrestation de deux frères qui joueraient un rôle majeur dans le trafic de captagon vers l’Arabie. Par ailleurs, la police libanaise a fait preuve d’une rare agressivité à l’encontre des trafiquants: durant la seule journée du 27 avril, onze kilos de cocaïne brésilienne ont été saisis à l’aéroport de Beyrouth et une course-poursuite sur la route de Saïda, s’est conclue, après échanges de tirs, par l’arrestation de criminels. Fahmi a même reconnu des « déficiences structurelles » dans la lutte contre le narcotrafic, tandis que son collègue de l’Economie admettait que « la plus grande partie de la contrebande passe par les postes-frontières légaux », du fait de la mainmise du Hezbollah.
Au-delà de la question du trafic de captagon vers l’Arabie, la prompte réaction des autorités libanaises au boycott saoudien démontre l’efficacité immédiate des sanctions. Un leçon à méditer sans doute de manière plus générale, à l’heure où la France a décidé de cibler les responsables de l’impasse politique dans un pays à la dérive.
Source :
https://www.lemonde.fr/blog/filiu/2021/05/09/le-liban-sanctionne-pour-trafic-de-drogue-vers-larabie-saoudite/

happywheels

2 Commentaires

  1. limone dit :

    c’est probablement pour cette cause que la france
    est tenu par les couilles par le hezbollah dés qu’il y a
    un soucis la diplomatie française arrivent comme des toutous
    au liban il y a des compte en banque pas très clair en suisse

  2. Osh dit :

    Et oui Moshe la meilleure arme contre cette économie parallèle c’est la légalisation du cannabis, mais entre ceux a qui profite, directement et indirectement, ce trafic (les véreux qui touchent sur le trafic et ceux qui ferme les yeux dans un but électoral) et les vieux de 70/80 ans qui pensent avoir encore leur mot à dire sur l’avenir, et qu’il veulent décider un avenir auquel ils n’appartiendront pas, ça n’arrivera jamais.

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