Terrorisme : « J’ai été manipulé, enrôlé, endoctriné », assure Jonathan Geffroy à son procès

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COMPTE-RENDU Le djihadiste toulousain de 40 ans a tenté d’expliquer à la cour comment le gros consommateur d’alcool et de drogue qu’il était a pu devenir un islamiste convaincu
Jonathan Geffroy, un djihadiste toulousain de 40 ans, et sa femme Latifa comparaissent depuis lundi devant la cour d’assises spécialement constituée à Paris. Ils sont accusés d’être partis en Syrie début 2015, avec leur enfant de 2 mois, pour rejoindre Daesh.
Capturé début 2017, Jonathan Geffroy a assuré au cours de l’instruction être « repenti ». Pour attester de sa sincérité, il a livré au magistrat de nombreuses informations concernant les djihadistes français croisés sur place.
Ce mercredi, il a tenté d’expliquer à la cour comment le gros consommateur d’alcool et de drogue qu’il était a pu devenir un islamiste convaincu.
A la cour d’assises spécialement composée,

Interrogée par visioconférence, l’enquêtrice de la DGSI évacue rapidement la question. Les confidences de Jonathan Geffroy sur les projets d’attaques de Daesh en France ne valaient, dit-elle, pas grand-chose. « Il nous a dit ce qu’on connaissait déjà », assure-t-elle. La création des « lionceaux du califat » qui devaient commettre des attentats sur le territoire ? « Il ne nous a pas spécialement appris quelque chose de nouveau là-dessus. » Les attaques envisagées dans les campagnes ? Il n’y en a « absolument pas » eu. La localisation des frères Clain en Syrie ? L’information a été donnée « beaucoup trop tardivement pour être utile à nos services ». Les révélations sur les cibles prévues par les terroristes qui se sont fait exploser à Bruxelles ? « Il arrive un an et demi après la bagarre », souligne l’enquêtrice, ajoutant que la DGSI « savait que c’était la France qui était visée ».

Aucune des informations communiquées à la DGSI par le djihadiste toulousain de 40 ans après son interpellation à la frontière turque et sa remise aux autorités françaises en septembre 2017 « n’a pu aider les autorités » à résoudre la moindre enquête. « Il a aussi fait des déclarations fantaisistes, à plusieurs reprises », insiste la policière. Dans son box, Jonathan Geffroy, chemise jaune à manches courtes, barbe finement taillée et cheveux peignée en arrière, fait non de la tête. Christophe Petiteau, le président de la cour d’assises spécialement composée, devant laquelle il est jugé depuis pour association de malfaiteurs terroriste, lui demande de se lever. « On va parler aujourd’hui de votre parcours de vie : de votre conversion, de vos rapports à vos épouses, de vos enfants », lui explique le magistrat. Le fond de l’affaire sera abordé vendredi.

Des boîtes de nuit aux mosquées
Retour en arrière. Les parents de l’accusé, âgé de 40 ans, ont divorcé lorsqu’il avait une dizaine d’années. Un traumatisme qui lui a laissé des séquelles. Il est d’ailleurs « certain » que sa conversion à l’islam est liée à cette période. Sa relation avec sa sœur était « conflictuelle ». Son père pouvait se montrer violent. « C’était sa façon de nous éduquer. » Quant à sa mère, Denise P. – qui est également jugée pour financement d’entreprise terroriste –, elle lui laisse « une liberté anormale le soir pour un enfant de 14 ans ». Manquant de repères, il établit « [s] es propres règles ». Adolescent, il se lance dans la culture de cannabis, et en vend un peu pour financer ses sorties du week-end en boîte de nuit. « Je n’étais pas un grand fumeur, assure-t-il. Les effets ne me plaisaient pas, je préférais ceux de l’alcool. » Son autre passion, les voitures de sport, notamment les Subaru.

C’est à cette période qu’il fait la connaissance d’une fille qui pratique l’islam. Il commence à s’intéresser à cette religion dans laquelle il trouve les « réponses » aux questions qu’il se posait. « Trois ou quatre mois après, je décide de me convertir seul dans mon appartement de Toulouse », explique-t-il. « En 2005 ou en 2006 », il part habiter à Brive-la-Gaillarde pour ouvrir un magasin et se met à fréquenter la mosquée. « Je suis aveuglément les personnes qui la fréquentent. » Il perd son emploi en 2013 « pour des raisons un peu compliquées » et retourne à Toulouse. Il se rend régulièrement à la mosquée Basso Cambo, dans le quartier du Mirail, où sont passés de nombreux futurs djihadistes. Sa pratique de l’islam devient alors plus rigoriste.

« J’ai eu l’impression de me marier avec un concept »
Il rencontre une nouvelle jeune femme qu’il veut épouser. Mais le père de cette Marocaine s’oppose à cette union. Impossible de rester avec elle s’ils ne sont pas mariés. Afin de « se mettre en conformité avec le droit musulman », il va jeter son dévolu sur une autre jeune fille qu’il n’a rencontré qu’une seule fois lors d’un « entretien ». Sa nouvelle épouse porte le niqab, le voile intégral. « Le jour où elle a enlevé son voile, j’ai su qu’il y avait un problème », raconte-t-il. Jonathan Geffroy n’est pas spécialement attiré par cette jeune femme, très pratiquante, qui a un « corps d’enfant ». « J’ai eu l’impression de me marier avec un concept plus qu’avec une personne », poursuit-il. « Cette cohabitation avec le concept a duré combien de temps ? » lui demande le président. « Un mois. »

Il retente le coup avec son ex-compagne, celle qu’il ne pouvait pas épouser. Le couple part s’installer au Maroc. « J’avais un besoin d’évasion, je ne trouvais plus ma place en France en tant que musulman. » Là-bas, ils ont deux enfants, nés « entre 2010 et 2012 ». Étonnamment, l’accusé ne se souvient pas de leur date de naissance. « Mes compagnes me l’ont toujours reproché, j’ai du mal à retenir les dates. » C’est aussi au Maroc qu’il rencontre sa dernière épouse, Latifa Chadli, qui est également poursuivie pour AMT et encourt la même peine que lui. « Votre objectif, c’était d’avoir une deuxième femme ou de quitter la première ? » l’interroge le magistrat. « J’envisageais que, si ça se passe mal, je puisse épouser une autre personne. »

« Fuite » en Egypte
Il explique alors à sa femme qu’il compte épouser Latifa, mais qu’il n’envisage pas pour autant de divorcer. Elle refuse et en parle à la police locale. Craignant des représailles de sa famille, il prend la « fuite » avec sa nouvelle compagne en Egypte, où il travaille quelque temps pour les GPS Tom-Tom. En février 2015, le couple et leur premier enfant, âgé alors seulement de deux mois, rejoignent la Syrie et les rangs de Daesh. « Comment ai-je pu être aussi aveugle » pour combattre au sein de l’organisation terroriste, finit-il par se demander. « Je me suis trompé. Ce qu’on nous a vendu est un non-sens », souligne-t-il, les larmes aux yeux et les mains jointes. « J’ai été manipulé, enrôlé, endoctriné. Quand on est radicalisé, on ne réfléchit plus, on ne fait que suivre. »

Jonathan Geffroy et Latifa Chadli encourent trente ans de réclusion criminelle, Denise P. dix ans de prison. Le procès est prévu jusqu’au 23 janvier.
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