Philippe Pétain : son naufrage à l’île d’Yeu

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Un vieillard sénile, amnésique et gâteux : son ancien médecin décrit le maréchal enfermé en Vendée, dans ses carnets secrets, publiés pour la première fois.
En 1949 Pétain attend la mort dans le fort de Pierre-Levée, sur l’île d’Yeu, en Vendée. L’ancien chef du régime de Vichy, qui collabora avec l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, a vu sa condamnation à mort commuée par le général de Gaulle en détention à perpétuité. Dans cette forteresse austère, le vieux maréchal, âgé de 93 ans, devient l’objet de toutes les attentions : hors de question qu’il souffre de maltraitance, sa santé périclite, elle doit être surveillée de près par des médecins nommés pour six mois, afin d’éviter tout attachement. C’est le compte rendu médical de l’un d’eux que les éditions Tallandier ont décidé de publier pour la première fois (*) : celui du docteur Albert Massonie, ancien résistant et médecin militaire, nommé de juillet à décembre 1949, à la fin de vie du maréchal – ce dernier décède en juillet 1951.
« Pépé » Pétain
Dans un premier temps, Massonie proteste, mais l’ordre est irrévocable : il doit se rendre au chevet du vieillard. Ce qui devait être une corvée se révèle une expérience : le médecin note tout, jour après jour, remplit ses carnets sur l’état de son patient, qu’il appellera « pépé », décrit ses symptômes, son comportement, ses obsessions, son attitude… Tout en dessinant des plans très précis des appartements du maréchal, un simple bureau, qui donne sur un vestibule, une chambre avec un lit, une table et une armoire. Un témoignage brut, clinique, sans fard, que Massonie ne souhaita jamais publier de son vivant et que ses proches ont décidé de dévoiler aujourd’hui.
Incontinence et sénilité
Qu’apprend-on dans ces notes ? On assiste jour après jour à la lente dégradation psychique et physique d’un vieillard gâteux, qui tente encore de se tenir droit, mais trahi par un corps et une mémoire plus que défaillants. Pétain n’est plus que l’ombre de lui-même, incapable de s’habiller seul et de se concentrer longtemps. Il rabâche les mêmes phrases, lit uniquement des livres d’enfants (Les Aventures de Pirouli), grignote des bonbons au miel, se montre glouton, mange parfois sa soupe directement avec la louche, ne dort que deux ou trois heures par nuit malgré les somnifères, alterne les phases d’abattement avec des périodes de grande excitation, où il chante à tue-tête l’air de « Toréador » ou ceux des Cloches de Corneville…
De Gaulle, ce « prétendant »
Rien ne nous est épargné, ni son incontinence ni ses crises de sénilité. L’ancien chef d’État prend l’habitude de jeter dans ses toilettes journaux, mouchoirs, serviettes, et même sa prothèse dentaire… Les périodes de lucidité ne durent que quelques heures, parfois une journée, jamais plus. Le vieux maréchal ne se rend parfois plus compte qu’il est captif : il prend ses appartements pour un train, sa chambre devient un wagon-lit, celle des infirmiers la locomotive, les aides-soignants sont les mécaniciens… « Voici les dernières instructions pour la bonne marche du convoi », lance-t-il à son entourage, qui écoute patiemment le même refrain. L’ancien chef d’État est amnésique, il se perd dans les souvenirs. Seul un nom provoque toujours la même réflexion, celui du général de Gaulle, qualifié systématiquement de « prétendant ».
Document rare
Une question demeure : fallait-il publier ce texte ? Certains le trouveront dérangeant, trop intime, violant le secret médical d’un homme au bord de la tombe. D’autres y voient un témoignage historique comme un autre, une source qu’il convient de verser dans les archives. « Ce type de document est très rare, souligne l’historien Fabrice d’Almeida, qui signe l’une des préfaces de l’ouvrage avec le médecin Philippe Charlier. Il y a très peu de témoignages sur la fin de vie des dirigeants. On se souvient du livre du docteur Gubler sur Mitterrand, très vite interdit, et d’un autre sur Mandela qui a été retiré à la suite des pressions de l’entourage. D’où l’intérêt d’un tel témoignage, poursuit Fabrice d’Almeida, à la fois sur le plan médical, historique et moral. Comment la République doit-elle punir un ex-dirigeant devenu sénile ? Comment punir un vieux méchant ? Pétain, c’était la milice, la collaboration, le grand méchant loup, et là, on s’aperçoit soudain qu’il n’a plus de dents, qu’il n’est plus rien : la donne change, le regard que l’on porte sur lui aussi. Sa prison se mue en réalité en hôpital. Et l’intime, aussi dérangeant soit-il, ouvre des débats toujours actuels. »
À sa femme : « Qui êtes-vous, Madame ? »
La Shoah n’est pas évoquée, le remords n’existe pas. Comment pourrait-il s’exprimer dans une conscience délabrée ? Quand on interroge le maréchal sur ses relations avec les dignitaires allemands, Pétain répond invariablement : « Je ne me souviens plus… » Dans ce brouillard, son épouse Annie Pétain – qui obtient l’autorisation de venir déjeuner avec lui – tente de vivifier sa mémoire défaillante : elle lui rappelle des faits, des noms, des anecdotes. Mais son mari se mure dans le silence. Puis soudain : « Qui êtes-vous, Madame ? » « Mais, mon chou, tu me reconnais bien : je suis ta femme », lui répond-elle. « Ma femme ? Oh, la bonne plaisanterie ! Depuis quand êtes-vous veuve, Madame ? » lui rétorque le vieillard. Dehors, devant les journalistes, Mme la maréchale décrit un Pétain plein de vie, parlant l’anglais et dissertant sur l’Amérique… Il faut à tout prix garder intacte l’image du chef de Verdun, qui fit « don de sa personne à la France ». Bataille d’images et de vanité, alors que Pétain franchit déjà les portes du néant.
(*) « J’ai soigné Pétain » par Albert Massonie, éditions Tallandier
Source :
http://www.lepoint.fr/culture/philippe-petain-son-naufrage-a-l-ile-d-yeu-20-09-2017-2158416_3.php

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3 Commentaires

  1. Franccomtois dit :

    Cet homme a été une raclure,cette pseudo gloire pendant la guerre de 14-18,lá aussi il fut une raclure.Des officiers Francais qui envoyaient á la boucherie de pauvres piou piou du fait de leurs incompétences non droit á aucun honneur.Patriote je suis,mais je suis absolument contre la guerre sauf s´il faut défendre son pays.Actuellement l´armée serait plus utile sur le sol francais qu´á l´étranger.

    • SANCHEZ Marcel dit :

      PAUVRE IGNORANT! Si la France n’était peuplée que de gens comme toi, il y a longtemps qu’elle n’existerait plus. C’est à l’étranger que l’armée est le plus utile, pour aider tous ces malheureux à rester chez eux, au lieu de venir se réfugier chez nous.

  2. Edith Loicq dit :

    Pétain , ne fût rien d’autre qu’un otage aux yeux des Allemands . Parmi tant d’autres , si on prétend qu’il était pour l’Allemagne . La tragédie de Mers el kébir , lui donné l’occasion de déclarer la guerre a l’Angleterre . Il n’en fut rien . Pour avoir lu son procès , bien des Daladier et Raynaud venir se dédouanés sur le dos d’un homme qu’on avait été cherché en Espagne a l’âge de 84 ans . Voila ou commence le scandale . Se déchargé des responsabilités sur le dos d’un homme qui ne sollicité aucune fonction .

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