Richard Abitbol : Quand Macron donne raison à Netanyahou

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« Cela s’est passé, donc cela peut se reproduire : voilà le cœur de ce que nous avons à dire ». Primo LEVI
« L’antisémitisme est toujours le symptôme d’une société qui se décompose ». Hannah Arendt (« Les Origines du totalitarisme ». 1951)
La lettre de Benjamin Netanyahou à Emmanuel Macron est brutale : elle dénonce un climat d’insécurité pour les Juifs en France, une banalisation de l’antisémitisme, une absence de volonté politique. Elle cite des faits concrets : des synagogues et écoles profanées, des croix gammées sur nos murs, des slogans de haine dans nos rues. Elle accuse la République française de ne pas protéger ses citoyens juifs et de céder à l’habitude séculaire du sacrifice.
On pouvait s’attendre à ce que Macron, piqué au vif, réponde par des mesures fermes, une démonstration d’autorité régalienne, un discours qui démentirait ce tableau sombre. Mais non. La réponse de Macron ne fut pas un démenti. Elle fut… une confirmation.
Le Premier ministre israélien oppose la fermeté américaine (expulsions, dissolutions, sanctions) à l’impuissance française. Que fait Macron ? Il récite sa formule favorite : « La France sans les Juifs ne serait pas la France ». Des mots, encore des mots. Pas d’actes. En remplaçant le concret par le lyrique, Macron valide ce que dit Netanyahou : la France n’agit pas, elle parle.
Le chef du gouvernement israélien rappelle que les agressions ne sont pas des « incidents isolés », mais les symptômes d’un fléau enraciné. Macron, plutôt que d’assumer, insinue que Netanyahou exagère, qu’il « instrumentalise ». Mais contester la gravité d’un mal, c’est déjà confirmer son existence. Car si le président français avait eu des résultats tangibles à opposer, il les aurait exhibés. Son seul recours fut de douter, donc d’avouer.
L’un des passages les plus lourds de sens de la lettre israélienne est celui qui vise la vieille suspicion française : « Les Juifs jamais totalement Français, toujours suspects de loyautés partagées ». Or que fait Macron ? Au lieu de laisser répondre son ministre des Affaires étrangères (Jean-Noël Barrot) ou son ministre de l’Intérieur (Bruno Retailleau, directement concerné par la sécurité des Juifs), il choisit… Benjamin Haddad. Un ministre délégué, juif, présenté comme soutien d’Israël.
Ce choix est tout sauf neutre. Macron place Haddad en situation de preuve de loyauté : répondre non en tant que Juif solidaire d’Israël, mais en tant que Français obéissant à la République. En un geste, Macron a ravivé le soupçon que Netanyahou dénonçait.
La lettre israélienne accuse la France de traiter l’antisémitisme comme une nuisance secondaire, jamais comme une urgence d’État. Que fait Macron ? Il délègue la réponse non pas à un ministre de plein exercice, mais à un « ministre juif de service ». Ce geste ethnicise le débat : il ne s’agit plus d’un problème de la République, mais d’une « affaire de Juifs » à régler entre Juifs. Là encore, Macron confirme l’intégralité du constat : les Juifs ne sont pas protégés en tant que citoyens français, mais renvoyés à leur identité particulière.
Le Premier ministre israélien parle d’un schéma récurrent dans l’histoire de France : quand vient la crise, les Juifs servent de boucs émissaires, abandonnés ou sacrifiés. Et Macron, en choisissant la stratégie du repli cynique — parole sans acte, soupçon de loyauté, instrumentalisation d’un ministre juif — offre une mise en scène parfaite de ce cycle historique. Il confirme que l’État français, en 2025 comme en 1391 ou en 1942, préfère le calcul politique à la protection de ses citoyens juifs.
L’attitude ambiguë d’Emmanuel Macron ne date pas d’hier. Sitôt élu en 2017, il confie des responsabilités locales de son mouvement à des personnalités dont certaines étaient proches des islamistes, voire ouvertement antisémites. Les plus violents, dénoncés, ont fini par être écartés, mais le mal était fait : la tolérance initiale disait déjà beaucoup.
En 2020, lors de son voyage en Israël, il mime la pitoyable scène de Chirac en 1996, s’emportant contre les forces de sécurité israéliennes. Plus tard, il refuse de marcher contre l’antisémitisme aux côtés de la communauté juive de France.
Il choisit pour conseiller Yassine Belattar, condamné pour propos antisémites ; il s’entoure de militants ouvertement hostiles à Israël comme Bronstein, gauchiste israélien devenu coqueluche des cercles anti-sionistes. Il reprend à son compte le soupçon millénaire de la « double allégeance », reproche aux Juifs leur soi-disant manque d’universalisme, et réduit l’indépendance d’Israël à un simple « acte notarié ».
Tout cela dessine un fil rouge. Derrière les hommages aux morts et les discours convenus, Macron relaie, consciemment ou non, les clichés persistants de l’antisémitisme français.
Alors, faut-il poser la question qui fâche ? Emmanuel Macron n’est-il pas lui-même, au fond, imprégné de ces représentations ? Ses choix, ses mots, ses silences, trahissent-ils autre chose qu’une ignorance ? Ne témoignent-ils pas d’un imaginaire politique façonné par ce vieux poison ?
Et le contraste achève de dissiper toute ambiguïté : quand Netanyahou lui écrit, Macron répond avec une virulence immédiate ; quand Tebboune insulte la France, Macron s’incline, ménage, se tait. Courage face aux Juifs, prudence face aux islamistes. C’est plus qu’une incohérence, c’est une politique.
Car à chaque crise, le scénario se répète : quand le bateau France prend l’eau, quand le Titanic de sa gouvernance sombre, on fait jouer l’orchestre de l’antisémitisme pour détourner l’attention.
Et si, derrière le masque du protecteur, Macron n’était qu’un nouvel avatar de ce vieux réflexe français : aimer les Juifs morts, mais soupçonner les Juifs vivants ?
© Richard Abitbol
Source
https://www.tribunejuive.info/

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