Arbre d’Ilan Halimi : quand la justice détourne les yeux. Par Richard Abitbol

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Il est des silences qui résonnent plus fort que les cris des bourreaux. Abattre un arbre planté à la mémoire d’Ilan Halimi — ce jeune homme torturé pendant trois semaines parce qu’il était juif — n’est pas un simple acte de vandalisme : c’est un message. Un message de haine, un défi lancé à la société tout entière. Et refuser d’y voir un acte antisémite, c’est répondre à la haine par la lâcheté.
Cet arbre n’était pas qu’un symbole : il était une cicatrice vivante, enracinée dans le sol de la République. Le déraciner, c’est recommencer le crime. C’est tuer une seconde fois. Et pourtant, la justice française, fidèle à sa prudence coutumière, a choisi encore une fois la voie du déni — ce déni qui, depuis Pétain, sert de refuge à son manque de courage moral.
Refuser de reconnaître l’antisémitisme dans un acte aussi évident, c’est comme nier l’existence du nez au milieu du visage.
C’est une insulte à la raison, mais plus encore, une offense à la mémoire.
Depuis Vichy, la justice française excelle dans l’art d’accorder des circonstances atténuantes à la haine des Juifs. Sous Pétain, elle a appliqué les lois raciales avec zèle, sans qu’on ait besoin de la forcer. Après la Libération, elle s’est empressée de gracier les petits exécutants, de recycler les magistrats compromis, et d’enfouir sa honte derrière le paravent commode du “nous ne savions pas”.
Mais elle savait. Elle sait toujours. Elle sait qu’en France, on peut profaner une tombe juive, hurler “Mort aux Juifs” dans un cortège, ou abattre un arbre planté à la mémoire d’un martyr, sans risquer grand-chose. Car cette justice, héritière d’une magistrature pétrifiée dans ses habitudes et ses lâchetés, préfère toujours la prudence au courage dès qu’il s’agit de nommer l’antisémitisme.
Il y a une inquiétante continuité entre le magistrat qui, hier, signait sans trembler le Statut des Juifs, et celui qui, aujourd’hui, refuse de reconnaître la haine derrière le geste. C’est la même froideur, la même neutralité feinte, la même pseudo-objectivité qui transforme la morale en procédure et l’évidence en débat sémantique.
On ne juge plus le mal, on le « caractérise ».
On ne défend plus les victimes, on « pèse les circonstances ». Et surtout, on ne dérange pas les consciences.
On nous répète que la justice ne doit pas être émotionnelle. Mais ce n’est pas d’émotion qu’il s’agit — c’est de décence. De cette frontière invisible qui sépare la civilisation de la barbarie. Et quand la justice oublie cette frontière, c’est la République elle-même qui vacille.
Chaque fois qu’un acte antisémite est requalifié en « dégradation », chaque fois qu’un meurtre de juif devient « l’égarement d’un déséquilibré », chaque fois qu’un arbre d’Ilan Halimi devient un simple tronc coupé, la République se déshonore un peu plus. Et les antisémites, eux, se sentent encouragés. Ils savent désormais qu’en France, on peut haïr sans risque, frapper sans nom, profaner sans honte.
Le courage judiciaire, c’est d’appeler un crime par son nom. Le reste n’est que lâcheté drapée de robes noires. La justice française croit préserver sa neutralité ; elle ne fait que trahir sa mission. Dans cette République qui s’enorgueillit de grands principes tout en fermant les yeux sur ses petites lâchetés, la haine des Juifs demeure la seule haine encore tolérée, relativisée, excusée.
Et si la France ne comprend pas que ce combat n’est pas celui d’une communauté, mais celui de la civilisation elle-même, alors l’arbre d’Ilan Halimi ne sera pas le dernier qu’on abattra.
L’arbre d’Ilan Halimi a été tranché net. Mais ce n’est pas le vent qui l’a abattu : c’est l’indifférence. Celle des institutions, celle des magistrats, celle d’un pays qui a fait de la prudence un art d’État.
La justice française vient de démontrer, une fois de plus, qu’elle sait détourner les yeux quand il s’agit des Juifs. Et cette cécité, depuis Pétain jusqu’à aujourd’hui, n’a jamais cessé de préparer le terrain aux pires renaissances.
© Richard Abitbol
Source Tribune Juive

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