Benjamin Goldnadel : le Qatar, premier sur la fabrique des “islamowokes”

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TRIBUNE. Les qataris financent discrètement de nombreuses universités. En France, la chaîne Web AJ+ fait la promotion des minorités sexuelles dont on retrouve des leaders militant pour la Palestine, où ils seraient pourtant très mal accueillis. Enquête sur les recrutements surprenants des radicaux musulmans.
Par Benjamin Goldnadel
Dans le contexte de la guerre féroce qui oppose depuis plusieurs mois Israël au Hamas et à l’Iran et ses proxys, un observateur (plus ou moins) attentif aura remarqué un trait singulier concernant certains militants propalestiniens radicaux aux États-Unis ou en Europe.
Si un très grand nombre de ces radicaux, dont certains peuvent aller jusqu’à nier publiquement le droit d’Israël à se défendre voire à exister, semblent logiquement appartenir à la mouvance islamique, d’autres, tout aussi vindicatifs, ont un profil bien différent et ne ressemblent pas beaucoup, par exemple, au leader palestinien du Hamas, Yahya Sinwar.

L’alliance des islamistes et des “wokes”
L’alliance des islamistes et des gauchistes est consommée de longue date. Sa petite sœur, l’alliance des islamistes et des wokes est incontestablement en pleine croissance. Nous verrons que ce n’est en rien un hasard. Ainsi, des profils et revendications assez particuliers ont pu être observés aux côtés des musulmans radicaux entre deux invitations à libérer la Palestine du Jourdain à la Méditerranée.
Khymani James, un des leaders des protestations à Columbia, a été suspendu après un appel à la mort des « sionistes nazis ». Dans une vidéo, il déclarait avec insistance que les sionistes « ne méritent pas de vivre » et qu’ils devraient être tués. « Leur existence et les projets qu’ils ont construits, c’est-à-dire Israël, tout cela est contraire à la paix. Alors oui, je me sens très à l’aise – très à l’aise – pour appeler à la mort de ces gens », disait-il à la fin de l’enregistrement.
Après avoir dans un premier temps refusé de présenter ses excuses, James a finalement expliqué qu’il se sentait « anormalement bouleversé » lorsqu’il a fait ces déclarations après qu’une foule en ligne l’eut, selon lui, pris pour cible parce qu’il était « queer et noir ». Plusieurs photos montrent notre James prendre le micro entouré d’islamistes lors des manifestations à Columbia.
De la nourriture végane pour les propalestiniens
L’université de Californie à Los Angeles (Ucla) fait l’objet, elle aussi, d’importantes manifestations anti-israéliennes. Des étudiants propalestiniens (et des éléments extérieurs à l’université) ont établi un campement en plein cœur du campus. De violents affrontements ont eu lieu sur celui-ci avec des manifestants pro-israéliens.
Dans une note devenue depuis virale sur les réseaux sociaux, les manifestants propalestiniens radicaux ont demandé à leurs camarades de leur faire parvenir plusieurs éléments afin de pouvoir l’emporter sur l’ennemi. Parmi ceux-là, des boucliers, de l’adrénaline auto-injectable, ainsi que de la nourriture… végane et sans gluten.

Grève de la faim à Sciences Po
En France, le 2 mai, un des leaders du Comité Palestine de Sciences Po Paris qui a participé aux blocages de l’université a annoncé avec beaucoup de gravité qu’une élève entamait une courageuse “grève de la faim” pour obtenir un examen des partenariats de l’école avec les facs israéliennes. Sur les réseaux sociaux, certains internautes, comme le Franco-Israélien Julien Bahloul, font remarquer au militant qu’il recevrait un particulièrement mauvais traitement en Palestine.
Qu’en serait-il pour Léo Le Roux, autre membre du comité Sciences Po pour la Palestine ? Difficile à dire avec certitude. En Israël, une émission satirique dépeint, mais de manière moins caricaturale, ces wokistes qui viennent grossir les rangs des islamistes.
Une alliance entre des individus se revendiquant pacifistes, antispécistes, féministes, parfois non binaires, homosexuels ou à la sexualité versatile avec des islamistes belliqueux, misogynes, antisémites et homophobes est curieuse.
Plus sérieusement, cette alliance des musulmans radicaux avec les wokes est encore plus — a priori — contre nature que celle des islamistes avec les gauchistes classiques. Une alliance entre des individus à cheveux bleus (parfois rouges) se revendiquant pacifistes, antispécistes, féministes, parfois non binaires, homosexuels ou à la sexualité versatile avec des islamistes belliqueux, misogynes, antisémites et homophobes est curieuse.
Autrement dit, tout oppose ces deux alliés, si ce n’est la haine de l’Occident et de son peuple à majorité blanche et chrétienne ainsi que celle d’Israël et de ses habitants principalement juifs et blancs.
Une propagande bien orchestrée
Cette alliance surprenante est le produit d’une propagande et d’un effort coordonné provenant essentiellement du Qatar, ayant réussi à se répandre d’abord aux États-Unis puis en Europe via plusieurs canaux.
Le premier de ces canaux est, sans conteste et sans surprise, l’argent qatari généreusement versé aux universités américaines. À un point où le Congrès américain envisagerait d’intensifier la pression sur les grandes universités pour qu’elles divulguent pleinement la manière dont elles reçoivent des milliards de dollars de sources étrangères douteuses.
Le Congrès redouterait, peut-être avec retard, que ces pays cherchent à influencer l’expérience universitaire américaine par le biais d’une propagande gauchiste et anti-israélienne.

Des universités financées par des gouvernements étrangers
Cette initiative fait suite à la publication fin 2022 d’un rapport du Network Contagion Research Institute montrant que des milliards de dollars « de gouvernements étrangers, dont beaucoup sont autoritaires », y compris ceux du Moyen-Orient, circulent dans les budgets des écoles d’élite américaines.
Au cours des vingt dernières années, le Qatar a été, de loin, le plus grand donateur étranger des universités américaines, avec un montant total avoisinant les 4,7 milliards de dollars.
Des contreparties attendues
Le rapport du Network Contagion Research Institute sur les fonds étrangers circulant sur les campus américains a révélé également que, de 2015 à 2020, « les institutions ayant accepté de l’argent de donateurs du Moyen-Orient avaient en moyenne 300 % de plus d’incidents antisémites que celles qui n’en avaient pas accepté ».
C’est que, évidemment, ces donations ne sont pas sans contrepartie. À titre illustratif, Caroline Fourest expliquait fin avril 2024 face à David Pujadas avoir eu parfois du mal à convaincre à l’époque où elle “ferraillait” avec Tariq Ramadan que ce dernier était un prédicateur des Frères musulmans car des journalistes lui rétorquaient que c’était un « grand professeur d’Oxford ». Fourest de préciser que c’étaient justement ces “donations” qataries qui avaient payé à Tariq Ramadan cette chaire universitaire.

Un média populaire financé par le Qatar
Un autre de ces canaux est l’Al Jazeera Media Network, entreprise médiatique basée au Qatar et financée en grande partie par l’État. Elle est la maison mère d’Al Jazeera, la chaîne de télévision la plus regardée dans le monde arabe. Outil de propagande au service de la politique étrangère du Qatar, Al Jazeera est qualifiée par Libération comme « une chaîne d’information massive au service des Gazaouis et du Hamas » qui « glorifie le mouvement islamiste ».
La chaîne satellitaire d’information en continu en langue arabe ultrapopulaire ne diffuse en revanche bien évidemment pas le moindre contenu woke. C’est au média en ligne AJ+, qui appartient lui aussi au groupe Al Jazeera Media Network, qu’incombe cette tâche. Ce média se décline en anglais et en français.
Du contenu vidéo “inclusif”
AJ+ est principalement axé sur la production de contenu vidéo destiné à être diffusé sur les réseaux sociaux et sur son site Web. Le média se veut jeune, dynamique, parfois humoristique mais surtout progressiste. Il se décrit lui-même comme « un média inclusif qui s’adresse aux générations connectées et ouvertes sur le monde. Éveillé·e·s. Impliqué·e·s. Créatif·ve·s ». Le ton est donné, en écriture inclusive s’il vous plaît.
Pour ce faire, du contenu radicalement anti-israélien est diffusé en parallèle de vidéos ultra-“gay-friendly”. C’est notamment ainsi qu’est créé une audience radicalement antisioniste tout en draguant un public sensible aux droits des minorités, notamment sexuelles.
Une majorité de publications sur les abus d’Israël
Depuis plusieurs mois, l’immense majorité des publications sur AJ+ en français porte sur la souffrance palestinienne, les abus israéliens (réels, amplifiés ou inventés de toute pièce) ainsi que sur la mobilisation anti-israélienne de la part des jeunes.
C’est ainsi qu’une multitude de minireportages expliquent « comment Israël a infiltré les médias français », « comment Israël teste ses armes sur les Palestiniens », qu’« Israël vole des organes » de Palestiniens, que le Hamas n’a pas commis de viols de masse sur les Israëliennes durant les massacres du 7 octobre ou encore qu’on appelle les internautes à donner leur opinion à la question “les houtis sont-ils des pirates justiciers ?” Les houtis sont plébiscités et érigés en héros par les internautes dans la section commentaire.
AJ+ et les LGBTQQIP2SAA+
En parallèle, AJ+ pourra expliquer avec beaucoup de sérieux et de bienveillance les initiales qui se cachent derrière le sigle “LGBTQQIP2SAA+” (lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, en questionnement, queer, intersexués, pansexuels, bispirituels, androgynes ou asexuels).
Est-il utile de rappeler que l’homosexualité est un crime au Qatar ? Que la police y crée de faux profils sur l’application de rencontres homosexuelles Grindr pour piéger et arrêter des hommes cherchant à rencontrer des hommes ?
Cela n’empêche pas le média financé par le Qatar de diffuser un reportage pour dénoncer une vague d’homophobie en France par des “groupes ultranationalistes” ou encore une publication sur « l’homosexualité particulièrement répandue chez les pingouins ».
On peut en revanche y trouver un minireportage, intitulé : « Tuer des Palestinien·ne·s le matin et organiser une gay pride l’après-midi, ça s’appelle du pinkwashing. Et c’est made in Israël ». Ici aussi, c’est en écriture inclusive made in Qatar qu’on dénonce le “pinkwashing made in Israël”.
Importer les troubles estudiantins des États-Unis en Europe
La toute petite minorité de juifs radicalement antisionistes présents lors des manifestations propalestiniennes aux États-Unis ou en Europe bénéficient eux aussi d’une très grande exposition de la part d’AJ+. De quoi ravir le média en ligne ainsi que son audience, soit woke soit islamiste, désormais forcément à l’abri de toute accusation infamante d’antisémitisme.
Bien logiquement, les manifestations et blocages par des étudiants anti-israéliens sont magnifiés tandis que “l’usage excessif” de la force par la police y est condamné à maintes reprises. On y explique également que le slogan “Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre !” n’est rien d’autre qu’un chant antiapartheid. Des étudiants palestiniens remercient la jeunesse étudiante du monde pour sa mobilisation.
Tout est entrepris pour opérer dans l’esprit des internautes un glissement entre les troubles aux États-Unis et ceux, quelque peu plus tardifs et moins conséquents, en France, sans doute pour compenser le fait que le Qatar soit, pour le moment, à un stade d’ingérence plus avancé outre-Atlantique. Il se pourrait bien que ce soit précisément la meilleure des cartes à jouer pour le Qatar et d’autres acteurs en termes d’influence sur l’Occident : exacerber et promouvoir une alliance de circonstance entre deux des plus grandes menaces qui pèsent sur ce dernier. Même au prix de devoir rendre hommage à un couple de pingouins gays qui attend un poussin au zoo de Berlin quand on met en cage ses citoyens homosexuels. Vous avez dit taqiya 2.0 ?
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4 Commentaires

  1. Paul06 dit :

    Le Qatar c’ est le hamas, et réciproquement. Un état islamiste qui encourage le terrorisme palestinien et surtout achète les pays occidentaux.

  2. Franccomtois dit :

    Mais d´un autre côté 😁🙏
    Simone Rodan-Benzaquen est directrice d’AJC Europe (American Jewish Committee).
    L’Eurovision est – enfin – terminée. L’émission aura passionné l’Europe et même le monde (les votes étant cette fois-ci ouverts au monde entier). Comme les belles histoires, elle se termine bien mais il s’agit de tirer les leçons.

    Le candidat Suisse Nemo et son tube «The code» ont remporté le trophée, la performance de Slimane a été époustouflante et digne et l’Ukraine et Israël sont dans le top 5 grâce au vote du public.

    La participation de la jeune candidate israélienne, Eden Golan, avait suscité une vague de – très vives – réactions, révélant les fractures profondes dans nos sociétés et surtout une haine et une violence envers Israël, le sionisme et souvent par extension aussi les Juifs.

    Dès décembre dernier, l’association islandaise des compositeurs et paroliers avait appelé à boycotter l’Eurovision si Israël n’était pas exclu. En réponse, l’Union Européenne de Radio-télévision (UER), organisatrice de l’Eurovision, a insisté sur le fait que le concours doit demeurer un événement apolitique destiné à unir les publics à travers la musique. Cette affirmation a été mise à l’épreuve quand la première chanson d’Eden, «Pluie d’octobre», jugée trop politique en raison de son allusion au massacre du 7 octobre par le Hamas, a nécessité des remaniements significatifs et un changement de titre pour «Hurricane».
    Une fois les préparations commencées à Malmö, rien n’a pu arrêter les appels au boycott et le déversement de haine. Des huées et hurlements pendant la prestation de Eden Golan, aux graffitis «from the river to the sea» arborant fièrement des drapeaux israéliens affublés de croix gammées, aux foules de milliers de personnes scandant «Nous écraserons le sionisme» et «Il n’y a qu’une seule solution, “Intifada Révolution”», faisant référence au soulèvement violent qui a coûté la vie à des milliers d’Israéliens.
    Les candidats des Pays Bas – suspendu de la compétition pour un incident – et de la Grèce ont fait part d’une hostilité a peine voilée envers la candidate israélienne de 20 ans.

    La présence de Greta Thunberg aux manifestations dans les rues de Malmö a ajouté un symbole supplémentaire. La militante suédoise pour l’environnement, – ayant basculé vers ce que l’ultragauche nomme le combat intersectionnel – avait déjà assimilé la lutte pour l’environnement au combat contre les «systèmes d’oppression coloniaux, racistes et patriarcaux». L’intersectionnalité, visant à unifier diverses luttes, de l’antiracisme à l’antisexisme, en passant par l’environnement et la lutte contre la transphobie est souvent marquée par une revanche identitaire, une obsession de la victimisation et un hyperindividualisme. Dans cet esprit, l’ennemi de leur ennemi est leur allié. C’est ainsi que le sionisme est devenu le mal absolu à combattre: les Juifs en «Uber blancs» contre les Palestiniens en opprimés par excellence, même si cela signifie marcher aux côtés d’organisations terroristes ou islamistes et cibler des synagogues et des concitoyens juifs lors des manifestations de soutien à la Palestine.

    » LIRE AUSSI – Gaza : sous le feu des projecteurs, le conflit israélo-palestinien fait vaciller le concours de l’Eurovision

    Autre symbole: la ville de Malmö. Des journalistes israéliens venus en repérage avant le concours avaient été confrontés à des insultes et des agressions, et Eden Golan craignant pour sa sécurité, a été confinée dans son hôtel cerné par les foules haineuses. Malmö est depuis longtemps tristement célèbre pour son antisémitisme. Dans cette ville, l’antisémitisme islamiste a supplanté la forme traditionnelle d’extrême droite, bien que cette dernière persiste encore. En 2012, une explosion avait frappé le centre communautaire juif local et, en 2009, des cocktails Molotov avaient été lancés sur le funérarium juif de la ville pendant les émeutes de la Coupe Davis, quand des milliers de manifestants anti-israéliens étaient descendus dans les rues, provoquant des attaques physiques et verbales contre les Juifs de la ville et les forces de l’ordre. La ville s’est progressivement vidée de sa petite communauté juive, illustrant la rhétorique désormais évidente: l’antisionisme finit toujours par ostraciser ou même évincer les Juifs.

    Enfin, le dernier symbole, cette fois-ci plutôt encourageant: le soutien massif du public pour Eden, qui lui a permis d’être en tête des votes de 15 pays européens (dont l’Angleterre, la France et la Belgique) ainsi que du «reste du monde». Elle a pu ainsi remonter de la douzième à la cinquième place affichant 375 points (dont 323 attribués par le public).

    Si les jurys ont été plutôt timorés quand au fait de voter pour la candidate israélienne, la majorité des Européens et même des spectateurs ailleurs dans le monde ont eux exprimé leur soutien à ce qui semble désormais évident: malgré le bruit des manifestations et les tentatives d’intimidation, ce rejet viscéral d’Israel – victime d’un pogrom il y a 7 mois dont l’ignominie n’est plus à démontrer – est nauséabond.

    C’est cette majorité silencieuse qui a pu s’exprimer et qui devra à l’avenir s’exprimer davantage afin d’ostraciser les pourvoyeurs de haine plutôt que qu’une communauté toujours otage. Malgré elle.

    🙏✡✝👍💪

  3. josué bencanaan dit :

    Islamowoke, le terme est tres bien trouvé !, pour les amis du QATAR, je serai curieux de savoir combien de députés « ils arrosent » ^^

  4. herode dit :

    ISLAMOWOKE : EXCELLENT !

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