En Allemagne, le slogan « du fleuve jusqu’à la mer » pourrait être interdit
Le chef de la lutte contre l’antisémitisme, Felix Klein, affirme que les ‘menaces existentielles’ contre Israël, depuis le 7 octobre, justifient l’interdiction des slogans appelant à sa destruction
Le responsable allemand de la lutte contre l’antisémitisme a demandé l’adoption d’une loi interdisant les slogans pro-palestiniens et anti-israéliens comme « du fleuve jusqu’à la mer » – relançant ainsi un débat houleux sur l’allégeance historique du pays à Israël et sur la liberté d’expression.
L’initiative de Felix Klein interdirait les slogans pouvant être interprétés comme appelant à la destruction d’Israël. Une proposition qui a reçu le soutien du ministre allemand de l’Intérieur, Alexander Dobrindt, et qui est actuellement examinée par le ministère de la Justice, a-t-il déclaré mercredi au journal Haaretz.
« Avant le 7 octobre, on pouvait dire que ‘du fleuve jusqu’à la mer’ ne signifiait pas nécessairement chasser les Israéliens de leur terre, et je pouvais l’accepter », a commenté Klein. « Mais depuis lors, Israël s’est trouvé réellement confronté à des menaces existentielles, et malheureusement, il est devenu nécessaire ici de limiter la liberté d’expression à cet égard ».
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Klein, premier titulaire depuis 2018 d’un poste intitulé « Commissaire du gouvernement fédéral pour la vie juive en Allemagne et Commissaire à la lutte contre l’antisémitisme », a ajouté qu’il estimait que la loi devait être adoptée – même si elle devait être contestée devant les tribunaux pour violation de la liberté d’expression. Peu après les horreurs du 7 octobre, les autorités locales de toute l’Allemagne avaient imposé des interdictions générales sur les manifestations pro-palestiniennes. Les autorités berlinoises avaient autorisé les écoles à interdire le keffieh, symbole de solidarité avec la Palestine, ainsi que les slogans tels que « Palestine libre ».
Des militants juifs et israéliens avaient été pris dans cette vague de répression. Au mois d’octobre 2023, une femme avait été arrêtée après avoir brandi une affiche sur laquelle était écrit : « En tant que Juive et Israélienne : arrêtez le génocide à Gaza ». La police avait également interdit une manifestation organisée par un groupe qui se faisait appeler « Juifs berlinois contre la violence au Moyen-Orient », invoquant le risque de troubles et de « propos incendiaires et antisémites ».

Au début de l’année, les autorités allemandes chargées de l’immigration avaient ordonné l’expulsion de trois ressortissants européens et d’un citoyen américain en raison de leur participation présumée à des manifestations pro-palestiniennes. Trois de ces ordonnances invoquaient la « Staatsräson », ou « raison d’État », la doctrine de défense et de soutien à Israël adoptée par l’Allemagne envers Israël après la Shoah.
Mais ce principe n’est pas utilisé dans le cadre juridique, selon Alexander Gorski, qui représente les manifestants menacés d’expulsion. « La Staatsräson n’est pas un concept juridique », avait confié Gorski à la JTA au mois d’avril. « Elle ‘a absolument aucun rapport. Elle ne figure pas dans la Loi fondamentale allemande, ni dans la Constitution ».
Des responsables juifs comme Charlotte Knobloch, survivante de la Shoah et présidente de la communauté juive de Munich et de Haute-Bavière, ont affirmé que la colère à l’égard d’Israël créait un « prétexte » à l’antisémitisme. « C’est une raison suffisante en soi pour alimenter la haine », avait dit Knobloch à Deutsche Welle au mois de septembre.
Ces derniers mois, deux établissements allemands ont fait la une des journaux pour avoir refusé l’entrée à des Juifs et à des Israéliens. Un magasin de Flensburg, qui avait affiché une pancarte indiquant « Les Juifs sont interdits ici », est dorénavant passible de poursuites en vertu de la loi allemande contre les discriminations.

Ce qui n’est pas le cas de l’autre restaurant, installé à Fürth, dont la pancarte indiquait : « Nous n’acceptons plus les Israéliens dans notre établissement », selon la commissaire à la lutte contre la discrimination Ferda Ataman, qui avait indiqué que la loi ne s’appliquait pas aux discriminations fondées sur la nationalité.
Klein a expliqué avoir également lancé une initiative législative visant à élargir cette loi afin de protéger les Israéliens et les autres nationalités.
L’homme entretient des relations de longue date avec les communautés juives en Allemagne, depuis sa nomination au ministère des Affaires étrangères en tant que chargé de liaison spécial auprès des organisations juives mondiales. À ce titre, il a contribué à l’élaboration d’une « définition opérationnelle » de l’antisémitisme pour l’International Holocaust Remembrance Alliance en 2016. Une définition qui a suscité un débat controversé, ses détracteurs affirmant qu’elle assimile certaines critiques d’Israël à de l’antisémitisme.
Klein estime que l’antisionisme relève en grande partie de l’antisémitisme. « Je pense que dans la plupart des cas, c’est le cas — il s’agit simplement d’une forme déguisée d’antisémitisme », a-t-il confié à Haaretz. « Lorsque les gens se disent anti-Israël, ce qu’ils veulent vraiment dire, c’est anti-juifs ».
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Le pogrom commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023, et la guerre qui a suivi à Gaza ont mis à mal les doctrines nationales allemandes. Au milieu de la guerre, le pays a connu une forte augmentation des incidents antisémites et islamophobes. Un contexte qui a également soulevé des questions épineuses sur la priorité accordée par l’Allemagne à ses responsabilités à l’égard de l’État juif – un État devenu central dans l’identité nationale allemande après la Shoah.
Les limites juridiques du discours pro-palestinien sont déjà loin d’être clairement définies. Actuellement, ce sont les tribunaux qui décident si une personne a voulu soutenir la libération pacifique des Palestiniens ou si elle a voulu soutenir l’État juif quand elle scande le slogan controversé : « Du fleuve jusqu’à la mer, la Palestine sera libre ». Au mois d’août 2024, la militante germano-iranienne Ava Moayeri avait été condamnée après avoir amené des manifestants à reprendre ce slogan lors d’un rassemblement à Berlin, le 11 octobre 2023.
Source
https://fr.timesofisrael.com/en-allemagne-le-slogan-du-fleuve-jusqua-la-mer-pourrait-etre-interdit/amp/
