Étienne Gernelle : « LFI “passionnément antisémite” ? Oui, on peut (et on doit) le dire

ÉDITO. La France insoumise a poursuivi Raphaël Enthoven en justice pour ses propos. Et a perdu. CQFD.
Par Étienne Gernelle
La carte d’immunité de La France insoumise arrivera-t-elle enfin à expiration ? Depuis des années, les amis de Jean-Luc Mélenchon parviennent à faire du Jean-Marie Le Pen sans en subir les conséquences, bénéficiant d’un spectaculaire traitement de faveur médiatique. Celui-ci fut émoussé, il est vrai, par les révélations, il y a quelques mois, du livre La Meute, mais, la semaine dernière, leur sauf-conduit a été un peu plus écorné.
Sans doute ont-ils péché par excès de confiance en poursuivant pour « injure publique » l’écrivain et professeur de philosophie Raphaël Enthoven, qui avait dénoncé le parti de Jean-Luc Mélenchon comme « passionnément antisémite ». Le procès a permis à Richard Malka, l’avocat de la défense, de dérouler les faits : une très longue suite de propos abjects, de la remise au jour du vieux concept de « peuple déicide » à l’usage, plus récent mais tout aussi révélateur, de celui des « dragons célestes », en passant par tous les clichés sur les Juifs et l’argent, les insinuations complotistes sur les crimes de Mohammed Merah, et l’on en passe. « LFI coche toutes les cases antisémites », a souligné Richard Malka à l’audience. Et la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris a tranché en prononçant la relaxe.
Cela devrait rassurer ceux qui n’osaient pas mettre les mots sur la chose, de peur de se retrouver devant les tribunaux. Ce n’est pas le cas du Point, par exemple, qui ne s’est jamais gêné pour écrire le fond de sa pensée à ce sujet – notre journal était d’ailleurs cité dans la plaidoirie de Richard Malka –, mais on voit bien que certains, dans le monde politico-médiatique, ont jusqu’ici été sujets à la tremblote. Si ce jugement pouvait les libérer…
Fanatisme
Ce serait d’autant plus salutaire que les Insoumis, eux, se retiennent moins que jamais. Ils se sont encore distingués la semaine dernière en refusant de condamner l’attaque aux fumigènes qui a visé, à la Philharmonie de Paris, un orchestre israélien. Outre cette évidence jamais assez répétée qu’il n’a jamais été – et en aucune manière – nécessaire de déverser de tels torrents de stéréotypes antisémites pour défendre la cause palestinienne, on est obligé de noter que la relative accalmie des combats à Gaza et les perspectives – mêmes minces – de paix au Proche-Orient ne changent rien à leurs priorités. Selon une formule qu’affectionnait Churchill (mais qu’il n’a pas inventée), « un fanatique est quelqu’un qui ne change pas d’avis et refuse de changer de sujet ».
Les Insoumis n’ont jamais consacré beaucoup d’énergie à dénoncer le sort des Ouïgours en Chine et n’en dépensent pas beaucoup aujourd’hui pour s’émouvoir de celui des victimes des massacres au Soudan, qui pourtant serre le cœur. On connaît le principe : « no Jews, no news » (pas de Juifs, pas d’information)… Les maux qui rongent les sociétés de l’intérieur sont parfois difficiles à combattre, mais quand ils s’affichent au grand jour, en politique, il n’existe aucune excuse pour ne pas les prendre de front. Quand cessera-t-on de ménager Jean-Luc Mélenchon et les siens ? La question se pose bien sûr pour les médias, mais aussi le monde politique. Si Les Écologistes semblent avoir du mal à sortir de leur semi-vassalité, le Parti socialiste, lui, paraît avoir acquis un début d’indépendance. Tout cela reste bien sûr très fragile : les démons de la lâcheté rôdent toujours dans les cuisines électorales.

Il doit, en outre, y avoir quelque chose de plus que la peur de perdre son siège, à en juger par les laborieuses séances d’autojustification auxquelles se livre Olivier Faure chaque fois qu’il ose se démarquer de LFI. Comme si Jean-Luc Mélenchon conservait sur lui, et d’autres, une forme sinon d’emprise, du moins d’ascendant moral. Pourtant, on voit mal qui pourrait encore considérer le leader du parti « passionnément antisémite » comme une autorité morale…
Source Le POINT