« Pudeurs de gazelle » ? Pourquoi la France Insoumise a tant de scrupules à parler de « radicalisation »

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Par Étienne Girard
Parce qu’ils affectent une prudence lexicale extrême sur la radicalisation, les députés France Insoumise sont accusés de complaisance à l’égard de l’islamisme. Ils s’en défendent… en donnant à voir quelques lignes de fracture dans leurs rangs.
La politique, c’est faire, mais c’est aussi trouver les bons mots. Jean-Luc Mélenchon, qui s’est imposé comme un des meilleurs orateurs de la scène politique nationale, ne peut l’ignorer. Depuis le début de l’étude du projet de loi antiterroriste, ses troupes montrent de vraies pudeurs de gazelle devant certains termes. Celui de radicalisation, en particulier. Interrogée ce dimanche 1er octobre sur le cas d’un chauffeur de bus qui refuserait de conduire à la suite d’une femme, la députée Danièle Obono s’est refusée à y voir le symptôme d’une radicalisation islamiste. « Est-ce que c’est le signe d’une radicalisation ? (…) Je ne sais pas », a-t-elle répondu sur BFMTV, puis : « On peut être sexiste et religieux, ou pas croyant. Qu’est-ce que ça a à voir avec la religion ? »

Contacté par Marianne, Alexis Corbière, député de Seine-Saint-Denis et proche de Jean-Luc Mélenchon, y voit une approche rigoureuse qui a été mal comprise : « Danièle est une intellectuelle, elle cherche à rationaliser les choses. Elle dit : « pas de simplisme ». » Il est vrai qu’en théorie, on peut être sexiste sans être religieux, et religieux intégriste sans avoir des visées terroristes. Dans la pratique, le refus de conduire à la suite d’une femme constitue un indice d’une radicalisation islamiste. Ce que veut éviter par dessus tout d’affirmer la députée de Paris.
« Ce qui est sûr, c’est que ça ne va pas bien »
L’ancienne militante du NPA n’est pas seule, à la France Insoumise, à avoir de tels scrupules lexicaux. Ce mercredi, François Ruffin s’est lui aussi voulu pour le moins prudent sur le plateau de BFMTV. Interrogé sur la même situation, il a semblé mal à l’aise pour nommer le phénomène : « Je ne connais pas l’individu, je ne connais pas le cas ». Au point de proposer, dans ces conditions, une analyse particulièrement générale : « Ce qui est sûr, c’est que ça ne va pas bien ». Rebelote ce jeudi, avec le député du Nord Ugo Bernalicis sur RTL. « Est-ce que le chauffeur de bus est radicalisé, etc ? Tous les experts dans le domaine ont un problème avec les termes de radicalisation, déradicalisation », répond l’élu. Tout en concédant un « problème » en France concernant « l’islamisme politique, le salafisme djihadiste en l’occurrence », l’élu ne dévie que peu de cette ligne. En toute fin d’interview, relancé sur la radicalisation de ce chauffeur du bus, il lâche, du bout des lèvres : « Sans doute, je n’en sais rien ».
Cette méticulosité extrême dans le vocabulaire employé a bien un fondement scientifique. Plusieurs spécialistes de l’islamisme considèrent le terme « radicalisation » comme trop vague. Il peut en effet renvoyer à une pratique religieuse intégriste, à une défiance pour les institutions républicaines en raison de préceptes religieux, ou un basculement dans l’idéologie djihadiste et terroriste. L’islamologue Gilles Kepel le juge insuffisant pour caractériser la spécificité du phénomène djihadiste. Auprès de Libération, il qualifie le mot « radicalisation » de « mot-écran » qui « dilue dans la généralité un phénomène dont il interdit de penser la spécificité ». Antoine Jardin, ingénieur de recherche au CNRS, lui dénie la qualité de « concept scientifique rigoureux ». « ‘Radicalité’ est devenu un mot fourre-tout pour désigner vaguement ce qui est perçu comme une menace non maîtrisée », écrit-il dans Le Monde.
Deux sensibilités à FI
Danièle Obono en tire la conclusion que « la radicalisation n’est pas un concept scientifique suffisamment arrêté ». Ce qui est factuellement vrai mais sonne étrangement au sujet d’un chauffeur de bus qui refuse de prendre la suite d’une femme. Même si l’on veut remettre en cause la notion de « radicalisation », cela n’interdit pas de constater qu’un tel comportement dénote a priori d’une pratique religieuse extrémiste et contraire aux valeurs de la République.
Ce fameux cas d’école du chauffeur de bus allergique aux femmes
au volant montre par ailleurs qu’il existe (au moins) deux sensibilités sur le sujet à FI. Interrogé par Marianne, Alexis Corbière donne lui une réponse claire : « C’est de l’intégrisme religieux et c’est honteux ». Sans utiliser le mot « radicalisation » mais en se démarquant subtilement de sa camarade députée. Plutôt que de blâmer son attitude, il préfère toutefois s’interroger sur la possibilité de développer une « pensée complexe » à la télévision : « Ces sujets sont complexes. Est-ce qu’on peut manier une pensée complexe sur un plateau de télévision, est-ce que c’est audible ? C’est une autre question… »
Cette affaire ne devrait pas permettre de lever les accusations de mollesse à l’endroit de l’islamisme politique régulièrement formulées à l’encontre des Insoumis. D’autant plus qu’entre-temps, une autre proche du mouvement s’est laissée aller à des propos troublants. Zoé Desbureaux, la suppléante de François Ruffin (encartée non à FI mais au PCF) s’est fendue, ce mardi, de messages de soutien à Sonia Nour, une collaboratrice du maire PCF de La Courneuve (Seine-Saint-Denis). Cette dernière avait qualifié le terroriste qui a égorgé deux femmes à Marseilles, ce dimanche, de « martyr », tout en se lamentant de l’écho de ce meurtre par rapport aux homicides dus aux violences conjugales. Face au tollé provoqué par ces mots, Zoé Desbureaux a exprimé sa « tristesse de voir que la gauche cède à la propagande et à la désinformation fasciste ». Sur Twitter, elle a également dénoncé « les pressions de la fachosphère et de la gauche cassoulet ».
« C’est un discours islamo-gauchiste »
La réplique des macronistes a été immédiate. Ce mercredi, la patron des députés LREM, Richard Ferrand a demandé à Jean-Luc Mélenchon de se désolidariser des propos de cette suppléante. La veille, sur RTL, Manuel Valls ne s’est pas fait prier pour tancer sévèrement ses rivaux de la France Insoumise : « Dans leurs discours, dans leurs pratiques concernant l’islam radical, il y a de la complaisance, il y a de l’ambiguïté en tout état de cause. Je pense que c’est un discours islamo-gauchiste ».
Sur Facebook, Jean-Luc Mélenchon a répliqué vertement au chef du groupe parlementaire LREM, qu’il a accusé de relayer « une campagne de diffamation ». Avant de répondre par des mots précis aux soupçons de complaisance : « J’ai toujours condamné les assassins et les actes terroristes. (…) J’ai toujours condamné l’islamisme politique. Je condamne toute ambiguïté sur le sujet quelles qu’en soient les intentions ou les prétextes » Un message voilé à destination des siens ?
Source :
https://www.marianne.net/politique/pudeurs-de-gazelle-pourquoi-la-france-insoumise-tant-de-scrupules-parler-de-radicalisation

happywheels

2 Commentaires

  1. Michadri dit :

    Tout ce que ces politiciens de bas étage ne feraient pas pour ratisser large et essayer d’attraper les voix des adeptes de momo. …..Lamentable!!

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