Vive la censure : « Nuit et Brouillard » ? Inopportune !

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M. Robert Bordaz, directeur de l’ORTF en 1963 est un homme qui avait du nez, et du coeur. Comme le rappellent Emmanuel Pierrat et Aurélie Sfez dans 100 chansons censurées (Höebeke/Radio FranceEditions), c’est lui qui déclare à propos de « Nuit et Brouillard », de Jean Ferrat, que la chanson est « inopportune ». L’Élysée ne lui a-t-il pas soufflé que ce brûlot sur les camps de concentration était « fortement déconseillé » ? Inopportun, donc, le souvenir des milliers de déportés « qui traversent la nuit de leurs ongles battants ».


JEAN FERRAT NUIT ET BROUILLARD LIVE CLIP… par kirivalse« >
JEAN FERRAT NUIT ET BROUILLARD LIVE CLIP… par kirivalse

En 1956, déjà, le documentaire Nuit et Brouillard, d’Alain Resnais, du nom de la directive nazie de 1941 sur les camps de concentration, avait dû affronter la censure. Le pouvoir veut alors faire oublier les années de collaboration. On exige de Resnais qu’il enlève une image d’archive montrant un policier français dans le camp de Pithiviers. Mais Jean Ferrat (1930-2010) ne veut pas oublier. Il est né Jean Tanenbaum, fils d’un juif russe passé par Drancy et mort à Auschwitz. La guerre, il en a réchappé grâce à une famille communiste qui l’a protégé. Il faut que l’on se souvienne. Or, il en est convaincu, l’oubli guette.
« La Lune se taisait, comme vous vous taisiez »

Cette chanson, il l’a écrite d’une traite, raconte-t-il, lors d’un séjour en Bretagne, devant le silence gêné de parents interrogés par leurs enfants sur des blockhaus allemands. « La Lune se taisait, comme vous vous taisiez », rappelle-t-il, évoquant la passivité de nombreux Français pendant les années d’occupation. Poétique, solennel, rythmé par un tambour dramatique, son texte s’inspire de l’Affiche rouge, qu’Aragon a consacré quelque temps auparavant au martyre du groupe Manouchian.
Mais, en 1963, l’heure n’est pas au souvenir, encore moins à la commémoration. La France est alors en pleine réconciliation avec l’Allemagne. Le général de Gaulle et Konrad Adenauer essaient de rebâtir l’Europe : il ne faut pas les troubler. Denise Glaser, l’une des animatrices les plus en vue de l’ORTF, ose bien passer la chanson lors de son émission Discorama. Une fois. Seule, Europe 1, alors la plus dynamique des radios, ose vraiment s’affranchir des directives du pouvoir. Bien lui en prend. Son public est ravi. Des centaines de lettres d’auditeurs émus arrivent à la station dont le standard téléphonique explose. En 1964, Ferrat reçoit le prix de l’académie du disque Charles Cros. Pour lui, c’est le début de la reconnaissance. « Nuit et Brouillard » est devenu l’un des classiques de la chanson française.
lire l’article du POINT en cliquant sur le lien ci-après

http://www.lepoint.fr/musique/vive-la-censure-nuit-et-brouillard-inopportune-25-10-2014-1875568_38.php

Nuit et Brouillard est une chanson de Jean Ferrat sortie en décembre 1963 sur l’album du même nom chez Barclay. Jean Ferrat en est l’auteur-compositeur-interprète.
Commémorant les victimes des camps de concentration nazis de la Seconde Guerre mondiale, Nuit et brouillard évoque également pour Jean Ferrat un drame personnel et douloureux, la disparition de son père, juif émigré de Russie, arrêté puis séquestré au camp de Drancy par les autorités allemandes, avant d’être déporté (le 30 septembre 1942) à Auschwitz, d’où il n’est pas revenu. Il voulait aussi rendre hommage aux victimes qui ont été déportées.
Le titre fait référence à la directive « Nuit et brouillard » signée en 1941 par Adolf Hitler, qui ordonne que les personnes représentant une menace pour le Troisième Reich ou la Wehrmacht dans les territoires occupés seront transférées en Allemagne et disparaîtront dans le secret absolu.
L’heure étant à la réconciliation avec l’Allemagne, la chanson fut interdite à la radio et à la télévision où, sous l’influence directe de l’Élysée, elle fut fortement « déconseillée » par Robert Bordaz, directeur de l’ORTF. Elle passa tout de même un dimanche à midi sur la première chaîne, dans l’émission Discorama de Denise Glaser. Le succès suivit, et Jean Ferrat reçut pour cette chanson le grand prix du disque de l’Académie Charles-Cros en 1963. Ce fut le début du succès pour le chanteur

En 2005, dans un entretien accordé à la revue Nouvelles d’Arménie Magazine, le directeur de la rédaction de la revue L’Arche, Meïr Waintrater, observe que dans les paroles de la chanson l’identité juive des victimes est pratiquement invisible, et ajoute: «Pourtant, je me souviens que j’étais à l’époque très content de cette chanson et [que] ma génération l’a accueillie avec soulagement.» Ces remarques ont été reprises par d’autres sites internet 3. Jean Ferrat répond dans une lettre ouverte à Meïr Waintrater où il dit au contraire regretter « de n’avoir pas cité les autres victimes innocentes des nazis, les handicapés, les homosexuels et les Tziganes. ».

Meïr Waintrater ayant affirmé à la fin de l’interview qu’aujourd’hui « un tel texte serait attaqué pour négationnisme implicite », Ferrat répond : « Je me demande par quelle dérive de la pensée on peut en arriver là, et si vos propos ne relèvent pas simplement de la psychiatrie ». Meïr Waintrater publie alors dans L’Arche un long article4 où il écrit notamment: «Je suis d’une génération dont l’enfance fut bercée par les chansons de Ferrat. (…) L’absence du mot « juif » dans les paroles de la chanson ne me choquait pas ; elle n’avait pas choqué non plus les premiers spectateurs du film d’Alain Resnais Nuit et brouillard, sorti sept ans plus tôt. Cela donne la mesure du déni où nous étions tous plongés. Car, dans le seul cas de la France, plus des deux tiers des morts en déportation étaient des Juifs, tués pour le seul crime d’être nés juifs. Mais cela ne se disait pas. Les fils des survivants de la Shoah ont ainsi grandi dans un silence semblable à celui qu’ont connu les fils des rescapés du génocide arménien, du génocide tutsi, du génocide cambodgien, et d’autres encore. »

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12 Commentaires

  1. yaavov dit :

    ca ne m etinne pas
    a la maison mes parents ne parlzient fils et petit fils de deportes ils cachaient leur traumatisme ainsi que leurs origines

    j ai decouvert que j etais juif a l ecole quand j avais 8 ans
    c etais en 1960 donc 18 ans apres la deportation de mes oncles tantes grands parents
    en me faisant traiter de sale juif
    ce petit con de goy savait mieux que moi quels etaient mes origines

    j ai demande a mes parents en rentrant c est quoi etre juif ?

    je ne me souviens pas de la reponse

    j ai fais ma bar mitsva et je vis aujourd hui en israel

    je ne pardonnerai jamais a la france son comportement et sa lachete par le deni de ses actes mionstrueux

    ne pas avoir de papy et mamy ma choque durant toute mon enfance

    • Françoise SAADOUN dit :

      exactement comme toi YAAVOV point par point- et mes grands parents parlaient yiddish, un non sens quand je leur demandais « quelle langue parlez-vous? on me répondait « allemand » – traitée de « sale juive  » à l’école alors que je ne savais rien de tout cela- cela nous ramène à Jean Ferrat pour lequel j’avais une grande admiration- sa voix émouvante ses paroles poétiques ses chansons d’amour à faire pleurer, il était communiste, mes parents l’ont été très longtemps- beaucoup de juifs l’étaient dans la résistance- ça ne voulait pas dire la même chose qu’aujourd’hui- les communistes sont antisémites ils ne l’étaient pas à l’époque-

      • yaavov dit :

        a cette epoque les aske etaient communistes ou socialo
        ils ne connaissaient pas d autres tendances etant issues du bloc de l est

        mes parents parlaiet aussi le yddish quand ils ne voulaient pas que nous comprenions

        les bobos et communard aujourd hui sont pro arabe anti sioniste et par ricochet antisemite

        la generation mitterand a fabriquer celle d aujourd hui

        j ai des amis sui sont parti pour le portugal d autres l italie
        ils se disent heureux de retrouver des valeurs perdues par la france

        • jacqueline dit :

          je suis aussi dans le même cas que vous Yaavov et Françoise ,
          moi aussi je n’ais pas connu mes grands-parents ni paternel ni maternelle , ni mes tantes , personne ne parlait de ça à la maison , c’était tabou ! j’ai appris bien plus tard ce qui c’était passé pendant la guerre ! par contre moi je comprenais ce que disais mes parents lorsqu’ils parlaient en yiddish mais
          je ne savais leur répondre .. je pense que nous souffrons encore
          aujourd’hui d’avoir été privé et amputé d’une partie de notre famille ! déjà petite je savais que je n’étais pas comme mes petites copines qui parlaient toutes de leurs mamies et papi

          • yaavov dit :

            bonjour Jacqueline et Francoise
            toute notre generation ont les memes blessures et des cicatrices identiques

          • jacqueline dit :

            nous ne sommes surement pas les seules dans ce cas là ..
            les Ashkénazes en souffrent encore …ils nous est impossible de faire un arbre généalogique parce que tous les papiers officiels
            dans les synagogues et mairies ont été détruits par les nazis ..

  2. daniel dit :

    Je ne suis pas Juif mais je crois que je comprends un peu ce que vous ressentez.
    Car moi aussi a l’école primaire j’ai vu de mes yeux ce dont vous parlez.
    Un jour a la récré je jouais avec mon meilleur copain, Robert Grimblat, je ne savais pas qu’il était Feuj, d’ailleurs enfants se sont des trucs qui n’avaient aucune importance, enfin dans mon enfance a moi.
    Donc on jouait dans un coin isolé de la cour qui faisait comme un entonnoir avec un grand mur.
    Et d’un seul coup Robert a été prit a parti par un gars qui passait là,et qui la bien sur traité de sale Juif.
    En quelques seconde j’ai vu de mes yeux l’ensemble de la cour s’agglutiner contre lui en criant tous la même chose.
    J’ai été presque instantanément séparé de lui,surement n’étais-je pas assez courageux pour rester a ces côtés.
    Jeune homme je me le suis souvent reproché.
    Les années ont passées, je m’explique mieux aujourd’hui comment 100 gamins peuvent d’un coup faire un truc pareil, sans concertation.
    Cette histoire ma profondément touché, bousculé, modifié.
    Vous êtes un peuple a part, c’est comme ça, avec des avantages et des prérogatives exclusives, mais aussi des devoirs, et surtout face à beaucoup de jalousie inconsciente de la part des autres pour cela.
    Vous êtes le Peuple Élu, choisi pour apporter au reste du monde le Nom et les commandements de D.ieu pour vivre comme un véritable être humain.
    Et cela le monde dans bas et son prince ne vous le pardonneront pas, jamais!
    Vous êtes un flambeau, une lumière, c’est grand et terrible a la fois, courage les amis, Lui ne vous abandonnera pas tant que vous lui serez fidèle.
    Cela est probant tout au long de votre histoire écrite dans la Thora.
    Qui sera(a long terme)contre Israël et Yahvé qui le protège ?
    Sérieusement qui ?
    Jusqu’ici ça n’a pas réussi a ceux qui ont essayé.

    • yaavov dit :

      merci Daniel pour votre temoignage et l amitie que vous portez au peuple juif

      bien a vous

      Yaacov

    • jacqueline dit :

      Bonsoir Daniel , je me demande comment des enfants qui sont à l’école primaire soit déjà au courant que cet écolier là est juif ?
      quand j’allais à l’école primaire on ne s’occupais de quelle religion était nos copines .. et puis à cette période nous fêtions Noël avec notre institutrice , ça ne m’a jamais choqué bien au contraire , car chez nous il était hors de question de faire un sapin et de chanter des chants de Noël ! les enfants sont méchants quand ils sont jaloux !

  3. Meunier dit :

    Penser que nuit et brouillard révèle du négationnisme est affligeant !
    Jean Ferrat par son talent d’auteur est un humaniste, humble et défenseur des exploités, qui a su ouvrir les yeux sur les victimes du stalinisme ! Orphelin d’une victime du nazisme, il se voulait la voix et l espoir de tous les opprimés .

  4. Jiliev Janko dit :

    Si vous aviez fait attention réellement aux paroles, vous vous seriez aperçus qu’il fait références à toutes les catégories concentrationnaires, car il y a eu des juifs, des communistes, des résistants, des témoins de Jeohvah, des homosexuels, des tziganes, des soldats russes, même des anglais et des américains. Justement, ne pas oublier signifie de parler de tous et non que d’une seule catégorie. « Certains priaient Jésus, Jeovah ou Vishnou, d’autres ne priaient pas… »
    « ils s’appelaient Jean Pierre, Natacha ou Samuel… ».
    Je suis fils de déporté : Auschwitz (1) puis Struthof-Natzweiller, car mon père était bulgare et résistant. Ma grand mère a faillit être déportée car gouvernante dans une famille israèlite qui eux ont été déportés.

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